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Archive pour juillet 2007

VISITE : Nicolas Sarkozy en Afrique

Mardi 31 juillet 2007

 Ce n’était qu’une première visite. Mais certainement pas la dernière. Nicolas Sarkozy a achevé vendredi 27 juillet dernier sa première visite officielle en Afrique. Un séjour au pas de course (3 pays en 3 jours), au cours duquel il s’est rendu en Libye, au Sénégal et enfin au Gabon. Quels enseignements peut-on tirer de ce premier voyage sur notre continent, particulièrement en Afrique sud-saharienne ? Très peu. 

Si on excepte l’étape libyenne qui était dictée et motivée par l’actualité (la libération des infirmières bulgares ; voir encadré plus bas), on peut se demander ce que M Sarkozy est venu faire en Afrique sud-saharienne. Car, le choix des pays, le temps qu’il y a passé, les discours qu’il y a prononcé, et bien d’autres évènements encore, tout cela semblait, sinon maladroit, du moins sans nouveauté ni importance. La nouveauté, bref la « rupture », c’est du moins ce qu’on attendait de cette première visite, conformément à sa promesse de campagne électorale. Car, il avait promis lors de sa préparation à l’accession au pouvoir suprême qu’il allait rompre avec les habitudes de ses prédécesseurs et la tradition de la « Françafrique ». Pour ce tour ci, on n’a rien vu, ou presque. 

Certes, il y a eu des coups de bluff. D’abord, parce qu’on a bien senti que Nicolas Sarkozy voulait absolument se distinguer des attitudes de Jacques Chirac par exemple, qui appelait « amis » tous les chefs d’Etats africains. Aussi, dans les mots ; plutôt qu’aux discours lyriques chiraquiens sur l’histoire de
la France et de l’Afrique, ses principales allocutions de Dakar et de Libreville ont plutôt été davantage des messages réalistes et pragmatiques. Fait nouveau aussi, il a rencontré la presse, et même les partis d’opposition, ce qui n’est pas fréquent dans les habitudes diplomatiques, pour un chef d’Etat en visite officielle dans un pays. Mais, le coup de bluff, mieux, la « rupture », s’arrête là, avec ces éléments, pour faire place à la realpolitik. 

Et la realpolitik ici, c’est essentiellement la continuité avec ses prédécesseurs. Notamment les deux derniers (Mitterrand et Chirac). Comme eux, pour son premier voyage, il est allé chez des « clients » dociles et calmes. En effet, Le Sénégal et le Gabon ne sont pas les lieux où la réception d’un président français en ces années-ci risquerait de poser le moindre problème. Aurait-il tenté
la Centrafrique, le Tchad, Djibouti, le Rwanda ou même
la Côte d’Ivoire ? Pas si sûr. D’autres part, M. Sarkozy n’a pas dérogé avec les propos « flagornants » du genre « 
la France et l’Afrique doivent marcher la main dans la main », ou encore, « une amitié indéfectible nous lie ». Cerise sur le gâteau, c’est à l’adresse du président Bongo qu’il aura ce compliment très…chiraquien : « le Gabon est un partenaire privilégié depuis 1967 (date d’arrivée au pouvoir d’Omar Bongo, ndlr), quelle que soit la majorité en place en France (…) Omar Bongo est le doyen des chefs d’Etat, et, en Afrique, le doyen, cela compte ». Propos, en apparence plein de bons sentiments, mais qui ne manque pas d’arrière-pensées. Nous y reviendrons dans un autre article. 

Mais la continuité du locataire de l’Elysée dans les relations françafricaines a surtout été développée dans son fameux « Discours à la jeunesse africaine ». Dans cette adresse, sorte de cours magistral donné en amphithéâtre, il a beaucoup alterné entre coups de semonce et leçon de morale. Pour faire vite, on dira qu’il a dit à « la jeunesse africaine » et à ces « dirigeants » ce qu’il faut faire, et ce qu’il ne faut pas faire, pour « s’en sortir ». On peut lui reconnaître tout de même une certaine pugnacité, un volontarisme aussi (enfin ses principales qualités) ; mais elles ont valu surtout pour la forme. Car dans le fond, ce fameux discours a résonné creux, car sans propositions réelles et nouvelles, sans distance, sans ancrage dans la réalité qui est celle du continent. Et surtout, cerise sur le gâteau, prononcé devant un parterre de personnalités qui n’avait rien à voir avec la « jeunesse africaine » à qui il s’adressait. 

Au regard de tous ces éléments, il appert que la première visite de Nicolas Sarkozy en tant que président de
la France en Afrique ne laissera quasiment aucun souvenir. D’après ses conseillers, il a déjà prévu un autre déplacement sur le continent à l’automne prochain. Celui-là, espérons le plus riche en enseignements. 

ENCADRE 

Nicolas Sarkozy s’est rendu, en début de semaine dernière, en Libye avant d’arriver au Sénégal et au Gabon. C’était surtout, entre autres, pour remercier le président Kadhafi de la libération des infirmières bulgares retenues prisonnières à Tripoli depuis 1999. Ces infirmières, ainsi qu’un médecin palestinien, avaient été condamnés en 1999 par la cour d’appel de Tripoli qui les accusait d’avoir inoculé volontairement le virus du Sida à plusieurs centaines (on parle de 500) enfants libyens. C’était là le début de « l’affaire des infirmières bulgares ». Grâce aux efforts conjugués de la communauté internationale, et surtout des pressions des pays européens, cette « affaire » a connu son dénouement le 24 juillet dernier avec la libération de ces prisonniers. L’épouse du président français a joué un rôle important dans les dernières heures de cette « affaire ». C’est donc à ce titre que Nicolas Sarkozy est allé à Tripoli, où il a également signé un « mémorandum d’entente portant sur la fourniture par
la France d’un réacteur nucléaire civil à
la Libye ».
 

  

Actu, Actus, Actualité

Vendredi 27 juillet 2007

Il m’intéresse toujours de suivre l’actualité. Toute l’actualité. Et, au besoin de la commenter. C’est mon job, dans un certain sens. L’actu de ces jours est dense, riche, foisonnante. Elle est surtout, pour moi, digne d’intérêt et de commentaires. Aussi ai-je choisi aujourd’hui de revenir sur quelques sujets qui font la une ces jours-ci. Ils n’ont peut-être pas de rapport entre eux (si ce n’est celui d’être justement à la une en même temps); mais pour moi, ils sont très importants à analyser ensemble et en même temps.

PRIMO: la « libération des infirmières bulgares ».

Voilà une histoire (qui ne me regarde pas en principe), qui s’est bien terminée, et qui occupe les colonnes des journaux en France, et dans beaucoup d’autres pays. Je résume vite. Cinq infirmières bulgares et un médecin palestinien, partis chercher fortune en Libye à la fin des années 90, sont arretés un jour par les autorités de Tripoli sans motif réel. quelques temps plus tard, on les accuse d’avoir inoculé le virus du sida (Vih) à des enfants libyens. S’ouvre alors une période de « procès » au terme duquel ces infirmières et leur compagnon palestinien sont condamnés à la peine de mort. Dès la condamnation prononcée, c’est le début d’une grande mobilisation internationale. La bulgarie, L’Europe et même quelques pays du golfe entre en jeu pour demander la libération des infirmières. « L’affaire des infirmières bulgares est ainsi née ». 

Avec comme seul et principal objectif, la libération des infirmières et du médecin. Comme un casting de film hollywodien, (« il faut sauver les infirmières bulgares »). L’argument avancé par tous les intervenants dans ce dossier c’est que : « elles sont innocentes ». Nous n’allons pas y revenir. Toujours est-il que, au terme de longs conciliabules, publics et privés, elles ont fini par être libérer le 24 juillet dernier. Il semblerait que beaucoup d’argent et de promesses en tout genre ont été consenties pour cela. Il semblerait ausii que, d’autres accords secrets aient été réalisés entre le pays du Colonel Kadhafi et quelques pays européens, dont la France en tête de liste. On le saura plus tard (on peut tout de même déjà citer le réacteur nucléaire cilvil que la France construira à Tripoli). De tout cela, on n’en discutera pas; car comme souvent dans ce genre d’affaire de « prise d’otage », « seule la fin compte ». Et ici, elle a ét heurese.

Mais, comme je le disais au début de ce texte, je me permets quand même su cette affaire des Infirmières bulgares qu’on veut déjà clore, une fois leur libération obtenue. Non pas pour réécrire l’histoire, mais pour marquer ma surprise, mon étonnement et ma colère face à une idée « secondaire » qui a été répandue dans cette « affaire ». C’est idée, c’est celle selon laquelle ce sont les « africains » -entendez les noirs d’Afrique au sud du Sahara- qui seraient responsable de la contamination des petits enfants libyens. Cette idée, qui était jusqu’ici évoquée en sourdine, est maintenant claironnée par beaucoup, et parfois même, par des gens dont la qualité de scientifique chevronné me laissait penser qu’ils ne devaient raisonner qu’en termes d’arguments scientifiques et non de préjugés racistes et discriminants.

Comme par exemple le Pr Luc Montanier dont les propos sont rapportés dans un article du journal Libération du 25 juillet, et qui y dit ceci : «  Les Africains ont facilement accès au territoire libyen, et on peut imaginer qu’une femme ouest-africaine soit venue à l’hôpital avec un enfant malade. Et là, avec des règles d’hygiène mal définies, l’infection s’est répandue. » A en croire ces propos, il est donc clair que pour le célèbre Pr de Médecine, Montanier, cette contamination massive des enfants libyens est l’oeuvre conjuguée d’une « femme ouest-africaine », et le « manque d’hygiène » des soignants libyens. Rien que çà! Le mot, ou plutôt l’idée est alors véritablement lâchée, et l’accusation, sur la place publique : Ce sont les africaines qui sont responsables de cette catastrophe qu’est la contamination de centaines de gamins libyens. Diantre, et comment n’y avait-on pas pensé plus tôt; au lieu de quoi on est allé arrêter ces « pauvres infirmières bulgares et ce médecin palestinien », en service dans l’hôpital où les gamins ont attrapé le virus, au moment des faits. 

Comment est-ce possible? A cette question, pas de réponse de Montanier et de ses disciples? A t-il les preuves de cette accusation? Non; seules des suppositions, et des déductions « logiques ». Logique ilplaccable, de ceux qui, comme le Pr Montanier, ose davantage imaginer qu’une « femme ouest-africaine » et des personnels sanitaires libyens pourraient être responsables de la contamination de centaines d’enfants. C’est toujours au nom de cette même logique qu’ils (et bien d’autres en occident) se sont interdits de penser un seul instant que les « infirmières et le médecin » pouvaient être responsable de cette catastrophe.

Je me demanderai toujours si c’est position que je iens de mentionner, était vraiment mu par une réelle étude scientifique, et des résultats fiables. En d’autres termes, les « affirmations » du Pr Montanier reposaient-elles sur de vraies preuves obtenues d’une enquête à l’hôpital de Benghazi, ou dans un autre centre de santé? J’ai la tentation de croire tout de suite que ce n’est pas le cas. Et si ce n’est pas vrai, cela laisse supposer que, l’accusation énoncée par Montanier, et relayée par une bonne partie de la presse occidentale, ne porte sur aucune enquête, aucun compte-rendu sérieux. Et que, malheureusement, c’est encore une de ces « idées reçues » qui a été avancée, à savoir que, l’africain est toujours responsable d’une catastrophe. Surtout quand celle-ci se passe chez ou près de chez lui.

Mais bon personne ne va protester, ni prendre la défense de ces « africains ». Je préfère ne pas faire de commentaires précipités. Mais il ya au moins une évidence qui saute aux yeux : c’est qu’il est plus facile, dans une catastrophe humaine, comme celle-ci, d’attribuer la responsabilité à « l’autre » (ici en l’occurence les « africains »). Ainsi, l’Afrique et les noirs ont encore bon dos, pour être les boucs émissaires idéals. D’ailleurs, ils ont toujours été accusés, à tort ou à raison, de tous les maux (pauvreté, destruction écologique, maladies). Alors, si pour une fois de plus, on peut encore leur imputer une responsabilité sur un sujet comme celui des « enfants libyens contaminés », pourquoi s’en priver?

Où va « Mutations »?

Lundi 23 juillet 2007

Mutations (premier quotidien privé camerounais) est en crise. Après une guerre de leadership entre le directeur de publication (Haman Mana) et son patron, le président du comité éditorial (Protais Ayangma), le premier cité a décidé, le 16 juillet, de claquer la porte du South Media Corporation (SMC), la société propriétaire du journal. Et avec lui, une bonne brochette de journalistes a aussi quitté le navire. Revendiquant la paternité de deux titres du groupe (Mutations et le magazine Situations), Haman Mana a décidé d’aller en justice pour mettre en demeure son ancienne entreprise de ne plus les utiliser. Ce que contestent son ancien patron et certains des plumes restés fidèles à la SMC. L’affaire est donc au tribunal. En attendant, deux titres paraissent depuis plus de dix jours dans les kiosques au Cameroun, avec le même nom Muatations. Drôle? Même pas. Pathétique surtout, quand on sait que, au final, ni l’un ni l’autre ne sortiront indemnes en terme d’image de cette affaire.  Bien plus, et c’est là le plus grave à mon avis, quand on sait que, la crise ou plus généralement les problèmes dans un média, donnent toujours une belle occasion de moquerie et de raillerie à tous les ennemis de la presse (et Dieu seul sait qu’ils sont nombreux dans un pays comme le Cameroun). Dans ce texte, nous tentons de présenter les grandes étapes de ce qui est communément appelé désormais « L’affaire Mutations ».

Historique

Mutations a été lancé officiellement en kiosque en milieu d’année 1996. Le journal, à l’époque tri-hebdomadaire, venait ainsi enrichir les rangs de la presse camerounaise qui comptait déjà Cameroon Tribune (le quotidien gouvernemental, bilingue), Le Messager, Challenge Hebdo, La Nouvelle Expression, Dikalo et aussi quelques journaux à sensations ou à périodicité très irrégulière comme Le Combattant. Dès ses premiers numéros, le journal se révelait déjà comme l’un des titres les plus sérieux du pays. En effet, l’équipe de départ était constituée de vrais professionnels, pour la plupart diplômés de l’Ecole de journalisme de Yaoundé. Certains avaient déjà exercé ailleurs (dans le public comme dans le privé), d’autres arrivainet fraîchement des bancs de la fac pour faire leur classe dans ce journal. En outre, le Conseil éditorial avait à sa tête, deux éminentes personnalités; Maurice Kamto, juriste de rénommée internationale, ancien doyen de la fac de droit de Yaoundé, et aujourd’hui ministre délégué à la justice, et, Protais Ayangma, homme d’affaires, intellectuel, patron d’une grande compagnie d’assurance du pays.

Tout ce beau monde, dans un casting improble, mais réalisé, s’est donc attelé à la mise en route de ce journal. Scoop politiques, analyses économiques de bonne facture, déploiement sur l’espace national à travers des correspondants un peu partout dans le pays, et même à l’étranger, où le quotidien a compté jusqu’à trois (3) correspondants à Paris. Sur le plan professionnel, l’affaire a donc pris dès les premières années. Mutations est passé au quotidien dès les années 2000, devenant ainsi le premier journal camerounais à capitaux privés à paraître tous les jours (sauf le week-end). La réussite est aussi financière. Mutations engrange des bénéfices tirés de la vente de ses numéros, certes, mais aussi et surtout de la publicité. Car, de nombreux annonceurs lui font confiance. C’est cette embellie financière qui leur permettra plus tard de lancer « Les cahiers de Mutations », un magazine mensuel, et aussi Situations, un magazine  »people ». Tout allait donc bien, jusqu’à cet été; précisément depuis la crise survenue après la démission du directeur de publication, et le « schisme » qui s’en est suivi. Que s’est-il donc passé?   

Les faits

Il semblerait que le climat était délétère depuis près d’un an au sein de ce groupe. Des plaintes et autres recriminations se faisaient entendre en sourdine, qui, quasiment toutes, contestaient la gestion de Haman Mana (HM), le directeur de Mutations et des autres titres du groupe (Situations et Les Cahiers de Mutations). Cette situation « pourrie » a culminé avec la tenue d’un Conseil d’administration du groupe en debut juillet dernier, au cours duquel, le directeur des publications HM a été mis en minorité face au président du Conseil éditorial Protais Ayangma (le vrai patron du groupe). Ce dernier, semble t-il, se serait allié une partie de la rédaction, et notamment quelques grosses pointures du canard.

Les principales décisions de ce CA dit de « restructuration » auront été notamment la décision prise par les administrateurs de séparer la direction des trois titres du groupe; et ainsi, consacrer par là-même « l’autonomisation » de chacun de ses titres. C’est-à-dire, pour aller vite, que désormais, il y aurait un Directeur pour Mutations, un autre aux Cahiers de Mutations, et un directeur pour Situations. Haman Mana, qui jusque-là occupait les trois fonctions s’est vu proposer la seule direction de Mutations. deux de ses collaborateurs étant eux nommés à la direction des autres titres. En outre, un directeur administratif et financier du groupe a été désigné pour « surveiller les caisses » des journaux. En apparence réaliste et prgamatique, ces décision, à en croire certains, n’étaient pas dénuées d’arrières-pensées. Elles consistaient, de fait, à écarter HM de la gestion. A ce qu’il paraît, un audit commandité aurait révélé quelques indélicatesses financières. Lesquels? Les administrateurs ne les ont jamais rendues publiques.

Qu’à cela ne tienne, face à ce qu’il a jugé comme un « coup d’Etat », HM a décidé de claquer la porte. Motivé en outre par le fait que, lundi 9 juillet, son  »patron » Protais Ayangma a signé un Editorial dans les colonnes du quotidien, dans lequel il « humiliat » quasiment son collaborateur. En effet, dans ce texte, il pointait, par des mots à peine voilés, les fautes et manquements de son directeur de publication.  »Certains de nos collaborateurs ont pu prendre des libertés avec l’éthique professionnelle et déontologique », disait-il notamment  dans ce papier. Une allusion euphémique pour parler de mauvaise gestion. Il semblerait que les discussions en aparté entre les deux hommes n’étaient plus possibles. HM a même tenté de publier lui aussi un Edito dans l’édition du lundi 16 juillet de Mutations, mais son texte a été censuré, dit-il. Affront de trop; il a convoqué la presse à Yaoundé pour annoncer avec fracas qu’il s’en allait. Dès le lendemain, la « guerre » était déclenchée pour le contrôle du titre phare. les huissiers et autres avocats de deux camps étaient au charbon pour constater la « faute » de l’autre. La presse gouvernementale et les médias privés en faisaient aussi leur choux gras. 

« L’affaire Mutations » se transportait aussi sur le terrain politique. Mais c’est surtout dans la profession qu’elle suscita le plus de réactions. Plusieurs éminents journalistes, et des personnalités de la société civile prirent fait et cause pour le « camp Haman Mana », arguant que son éviction portait un rude coup à la liberté d’expression, et une sérieuse ménace à la profession. En face, certains journalistes restés fidèles à la SMC publiaient des tribunes régulières dans leur journal et donnaient aussi des interview dans lesquels ils disaient en substance que « la liberté de la presse n’est pas ménacée. La gestion de HM n’était plus tenable, et, qu’il était temps de changer les choses ». En clair, chaque camp avançait ses arguments dans la presse pour démontrer que c’est lui qui a raison dans l’affaire. C’est le tribunal de Yaoundé qui rendra le verdict dans ce « combat ».

En attendant, ce qu’on peu d’ores et déjà dire, c’est que Mutations (ou ce qu’il en reste) ne sortira pas grandit de cette crise. Ni d’ailleurs ses principaux acteurs, qu’ils soient journalistes, administrateurs, ou simples sympathisants. Le risque pris par les deux camps d’aller au « schisme » est aussi une bêtise énorme; car, il est peu certain qu’il y ait de la place pour deux titres éditorialement pareil dans l’espace de la presse camerounaise. Comment vont-ils faire pour convaincre les lecteurs? Combien en convaincront-ils pour continuer d’exister? Quand on sait que même du temps de sa spendeur, Mutations (comme d’ailleurs les autres quotidiens camerounais) dépassent péniblement les 8000 exemplaires vendus par jour, et que, maintenant coupé en deux (si on suppose que chacun prendra la moitié dans les lecteurs -acheteurs, soit 4000 exeplaires par jour) on ne peut pas être optimiste pour la survie de l’un ou de l’autre Mutations.

En espérant que, passée la tempête de la dispute, les acteurs de « l’affaire Mutations » reviendront à la raison. Pour continuer à faire vivre ce journal qui est au Cameroun ce que Libération est en France. C’est-à-dire un journal libre, sérieux, non inféodé au pouvoir (une chose rare en Afrique) et qui promeut des idées progressistes.

 

 

ELECTIONS au Cameroun : le CCD organise le vote des camerounais de la diaspora à Paris

Dimanche 22 juillet 2007

Privés de vote par l’administration nationale du pays, autorisés par le CCD (Conseil des camerounais de la diaspora). Les camerounais de la diaspora, et notamment ceux de France ont pu « voter » hier à Paris, pour le double scrutin (législatif et municipal) organisé au Cameroun hier 22 juillet. C’était lors d’une manifestation organisée Place du Trocadéro dans le 16e arrondissement de la capitale (haut lieu de tourisme à Paris, car à proximité de la Tour Eiffel et du Champs de Mars). Invités par le CCD que président Célestin Djamen et Karl Ekindi, de nombreux camerounais (environ 50 au total) se sont rendus à ce lieu, hier en mi-journée, pour prendre part à leur manière à  ce que Célestin Djamen a qualifié de « rassemblement citoyen et civique ». Arrivés vers midi, les premiers manifestants se sont mis à discuter par petits groupes. Parmi eux, des gens venus suite à l’invitation donnée par le CCD sur Internet, mais aussi d’autres arrivés là par hasard. Comme Mathilde N et son compagnon, résidant dans
la Sarthe à 200 km de Paris. « Nous étions de passage ici pour le tourisme, et nous avons vu le drapeau du Cameroun ; alors nous sommes venus voir de quoi il s’agit », dit la jeune femme. Il y avait aussi quelques journalistes, notamment ceux intéressés par l’actualité camerounaise. 
La manifestation à proprement parler n’a débuté que vers 15 h. Le temps est quelque peu capricieux en ce moment de la journée. Et aussi, tout à côté, une autre manifestation (des chinois qui manifestent contre la torture au Tibet et la répression sur les membres de la secte Falun Gong en Chine) a lieu. Vers 15 h 30, Célestin Djamen a fait un petit speech pour planter le décor de la manifestation ; brève allocution dans laquelle il a remercié les personnes présentes et il a aussi rappelé que la manifestation était apolitique. A sa suite, un autre membre du CCD a désigné trois personnes présentes (deux hommes et une femme) pour le jury devant assurer le bon fonctionnement de l’élection. Enfin, il y a eu l’installation de l’isoloir, entourée du drapeau du Cameroun, et aussi de l’urne et du matériel de vote. Trois (3) bulletins de vote distincts et des enveloppes sont déposés sur la table. Ils portent respectivement la mention de « Je vote pour la majorité présidentielle », « Je vote pour l’opposition », « Je ne veux pas de mon droit de vote ». M. Djamen invite les manifestants à passer à tour de rôle prendre part au vote symbolique. 

C’est à ce moment que quelques voix dissonantes se font entendre. Ils émanent de deux compatriotes, qui se présentent comme des militants de l’UPC, section France. Arrivés un peu plus tard, et après avoir distribué un tract de leur parti, ils jugent qu’il n’est pas raisonnable que les organisateurs n’aient pas prévu de bulletins neutres. « Nous ne sommes pas d’accords avec tout çà, car, finalement on nous demande de voter soit pour le pouvoir, soit pour l’opposition au Cameroun. Or, nous, nous ne voulons voter pour personne, ou plutôt voter blanc. Et donc, il n’y a aucun bulletin qui nous permettent de nous exprimer dans ce sens », dit l’un d’eux. Ce à quoi M Djamen répond que « comme partout dans le monde, l’expression du vote blanc se fait à travers l’enveloppe vide ; ceux qui ne veulent pas voter pour l’une des options proposées n’auront qu’à déposer leur enveloppe vide dans l’urne ».  Après ce petit moment de flottement, le vote a pu s’ouvrir. La quasi-totalité des personnes présentes a ainsi pu voter, et émarger à une feuille de présence, préalablement remplie par tous, et, placée sur la table près de l’urne. Le dépouillement est intervenu un peu après 17h. Sous l’œil des votants et de quelques touristes curieux, le jury de ce vote symbolique a proclamé les résultats. En substance, on notera que, 79,8% des « électeurs » ont choisi le bulletin « Je vote pour l’opposition », 7,9% pour « Je vote pour la majorité présidentielle », et enfin 12% de bulletins blancs. La manifestation s’est achevée vers 18h.  Il faut rappeler que, le CCD qui organisait cette manifestation, n’est pas à son premier coup d’essai. En novembre 2004, parallèlement à l’élection présidentielle au pays, il avait déjà organisé un autre « vote citoyen » comme celui d’hier. Ses dirigeants affirment qu’ils recommenceront chaque fois que l’occasion se présentera. Jusqu’à ce que, plutôt que symbolique et non comptabilisé comme actuellement, le vote des camerounais de la diaspora devienne réel et pris en compte dans les suffrages exprimés dans chacun des scrutins organisés par notre pays. 

Les Jeux africains

Mardi 17 juillet 2007

Les Jeux africains (9e édition) se déroulent en ce moment à Alger en Algérie (du 11 au 23 juillet); Le saviez-vous? Certainement que non, pour beaucoup d’entre vous. Evènement sportif majeur à l’échelle du continent, ces jeux ne bénéficient pourtant pas d’une bonne médiatisation. En effet, pas une seule chaîne émettant en Europe ne s’est faite le plaisir (que dis-je, le sacrifice) de retransmettre les épreuves (même partielles » de ces Jeux africains. Et, partout sur le continent, les chaînes nationales, encore moins celles qui se présentes comme  »panafricaines » ne peuvent ou ne veulent diffuser intégralement cet évènement. Pourtant, pour les sportifs africains (locaux et professionnels), cette compétition sert de repétition pour les Jeux olympiques de l’année prochaine à Pékin. Pourquoi un tel ostracisme? On nous répondra que, financièrement, ce n’est pas rentable. Soit.

Mais sportivement, est-ce le cas? Et symboliquement aussi, n’est-ce pas important de diffuser en France et dans d’autres pays européens cette compétition? Nous pensons que oui. Car, sur le plan sportif d’abord, le challenge n’est pas moins excitant. A Alger en ce moment, il y a, la fine fleur du sport africain d’aujourd’hui et de demain. Certaines disciplines sont representées par les meilleurs éléments de chaque pays. C’est le cas en Athlétisme (avec par exemple la sénégalaise Amy Backe Thiam, championne du monde de 400m en 2001, ou la championne olympique 2004 de saut en longueur, Françoise Mbango du Cameroun), la natation (la Zimbabwéene Kristy Coventry, plusieurs fois médaillée d’or aux Jo et championnat du monde est présente), les sports de combats et même les sports collectifs comme le Volley-ball, le Hand-ball et le Basket-ball. Leurs performances individuelles sont au niveau des meilleurs mondiaux.

Sur le plan humain (politique, diplomatique…) la diffusion entière et intégrale de ces jeux, sur le continent, et même au délà devrait normalement être un préalable. Une exigence obligatoire même, en ce moment où, se (re)construit l’idée d’une véritable Union africaine. En effet, à l’heure où les politiques s’activent pour mettre en place des Etats-Unis d’Afrique, n’aurait-il pas été judicieux qu’une manifestation populaire, de fraternité et d’amitié des enfants d’Afrique comme ces Jeux d’Alger puissent être montrée à tous les africains d’Afrique et de la diaspora, comme un gage symbolique de cette future Union africaine?

On pourrait multiplier les exemples à l’envi pour montrer l’impérieuse nécessité qu’il y avait de porter à l’écran, et ce de façon intégrale et ample, les 9e Jeux africains. Mais elle ne suffiront pas à convaincre les tenanciers de l’immobilisme, ceux du frein au progrès, et surtout, ceux des logiques financières, qui, éludant toutes les raisons symboliques, ont trouvé que cette manifestation n’était pas « finacièrement rentable ». Ce sur quoi on peut discuter. Même si pour l’heure, cela ne sert plus à rien; car, déjà résonne à Alger, le cliquetis des premières médailles distribuées, qui annonce la fin prochaine de ces jeux, invisibles pour la plupart des africains. Hélàs. Vivement que la prochaine édition dans quatre (4) ans, connaissent un meilleur sort.

Vie et oeuvre de SONY LABOU TANSI : un bref résumé

Dimanche 15 juillet 2007

La scène se passe dans la salle de cours d’une université parisienne. Le professeur Anne Larue, en compagnie d’une vingtaine d’étudiants de première et deuxième année de Master de Lettres modernes, essaie de dépiauter un sujet pour. son projet, dit-elle, est de conceptualiser un nouveau séminaire d’enseignement, iconoclaste, à rebrousse-poil de ceux qui s’enseignent dans les études littéraires proprement dites. Il portera sur un thème très peu abordé dans les études littéraires en France ; le professeur Larue l’appelle « Utopies du cauchemar et contre-utopies totalitaires en littérature ». Tout un programme, qui a de quoi dérouter la plupart des puristes de littérature et langue françaises, habitués à des spécialités plus classiques et conventionnelles comme la littérature comparée, littérature francophone, littérature médiévale…

Pour explorer ce nouveau champ d’étude donc, la prof a choisi au préalable une dizaine d’ouvrages (livres, essais et films) qui cadrent avec cette thématique ; on y retrouve entre autres Métropolis (film, 1927) de Fritz Lang, 1984 (roman, 1949) de George Orwell, Neuromancien (roman, 1984) William Gibson, Matrix (film, 1999) des frères Wachovski, Le Procès (roman, 1925) de Franz Kafka, Les origines du totalitarisme (Essai, 1951) de Hanna Arendt, La vie et demie (roman, 1979) de Sony Labou Tansi. La présence de ce dernier roman dans ce corpus ne doit rien au hasard. Son auteur, le congolais Labou Tansi, pour qui la prof française a une admiration sans borne, est à la fois perçu comme un grand romancier de renommée internationale, mais aussi et surtout, comme le précurseur du roman-fiction en Afrique.

       Sony Labou Tansi, de son vrai nom Marcel Sony, est né en 1945 à Kinshasa dans ce qui était alors le Congo Belge. Mais, c’est dans le Congo français qu’il s’établit avec sa mère dès son plus jeune âge. C’est également du Congo Brazzaville qu’il se forma et devint célèbre à travers sa vie d’écrivain. Il a aussi mené une petite activité politique dans son pays (élu député en 1992), qui ne lui valurent pas que des amis. Atteind du Sida, il est mort en 1995. Très tôt; trop tôt même pour ses nombreux admirateurs. Car, à travers le monde, son génie littéraire précoce avait commencé à se répandre. Ses livres, traduits dans plusieurs langues étaient lus et primés en Afrique bien sûr, mais aussi en Europe (France notamment) et aux Etats-Unis, où il vécut quelques années auparavant. Sa disparition en 1995, à peine 50 ans, sonna comme une grande perte pour la littérature africaine en générale et les genres dans lesquels il excellait (surtout le théâtre) en particulier.

La vie et demie est son grand chef d’oeuvre; même si ce n’est pas le premier ouvrage de Labou Tansi, ce roman ouvre une véritable nouvelle ère pour la littérature africaine en général et pour son genre romanesque en particulier: celui du roman-fiction. Jusqu’à la parution de ce chef d’œuvre, la plupart des romans négro-africains s’inscrivaient dans la logique du roman réaliste balzacien ; c’est-à-dire essentiellement comme une satire sociale à partir d’éléments plus ou moins vraisemblables.
La Vie et demie est une fresque d’un tout autre genre, comme nous l’avons dit. Un roman de science fiction. L’auteur y fait la chronique terrifiante de la vie d’un Etat imaginaire,
la Katamalanasie ; cet Etat est dirigée par une dynastie, celle des « guides providentiels », vulgaires bouffons et sanguinaires qui font régner sur le peuple une terreur inqualifiable et une très grande cruauté. Dans ce roman, Labou Tansi va chercher très loin dans les figures de l’imagination, de l’absurde en amplifiant au degré le plus élevé chaque fait, chaque action et parfois même chaque personnage (voir la description faite des Guides providentiels ou de Martial). Il a choisi d’ignorer le réel, ou plutôt de se mettre à côté de ce réel. Mais s’il se marginalise par rapport à ce réel, alors qu’il vit lui-même dans un pays dont la situation n’est pas très loin de celle du pays qu’il décrit, il ne renonce pas à son engagement d’être un écrivain engagé et un homme public au service de la cause des plus pauvres de ses concitoyens. La vie et demie, apparaît dès lors comme une oeuvre qui prône la morale par, à la fois, la terreur et la négation.

Les autres romans de SLT (ses plus simples initiales), même s’ils ne sont pas aussi « savoureux » que
La Vie et demie
ont un ancrage social très fort. Il y met au cœur le Congo son pays, et plus globalement l’Afrique. Et sur notre continent, il porte ce jugement sévère dans les premières pages de l’Anté-peuple (1983) : « l’Afrique, cette grosse merde où tout le monde refuse sa place. Un merdier, un moche merdier ce monde ! Ni plus ni moins qu’un grand marché de merde ». Cette « sentence » se passe de commentaire, que ce soit hier ou aujourd’hui, tant ce qu’il dit semble être une vérité implacable. Plus de vingt ans après la parution de ce roman, cette opinion semble être plus d’actualité que jamais. Comme du reste ses idées littéraires et politiques. Ce sont d’ailleurs celles-ci qui sont au cœur des nombreux colloques organisés sur lui et sur son oeuvre. Le plus récent en date a eu lieu en Mars dernier, organisé par les Universités de Paris XII et XIII. Il avait pour titre: « Sony Labou Tansi à l’œuvre ».

L’université en Afrique noire francophone a un demi-siècle

Dimanche 15 juillet 2007

FDS : Les universités en Afrique 

Après 50 ans d’existence, où en est l’université en Afrique ? C’est la question – programme à laquelle nous allons nous atteler à répondre dans cet article. Pour ce faire, nous nous intéresserons essentiellement à l’état actuel de ces universités en zoomant sur les infrastructures, les enseignements, les étudiants et leur intégration dans le milieu professionnel, la professionnalisation du secteur universitaire, les systèmes d’évaluations, la condition des enseignants, la place et le rôle de l’université dans la société, et bien d’autres aspects encore

A) Brève historique 24 février 1957. C’est l’année de création de la première université en Afrique noire francophone, en l’occurrence, l’Université de Dakar au Sénégal. Avant cette date, aucun pays ne possédait une structure de ce type. Certes, quelques établissements d’enseignement supérieur, dans des domaines spécifiques, existaient çà et là. Mais, d’une université digne de ce nom, avec différentes facultés et départements, on n’en trouvait aucune. Nous ne reviendrons pas ici sur les raisons de cette absence à cette période-là, qui sont à chercher autant dans le faible taux d’alphabétisation des africains à cette époque, que dans l’attitude trouble de l’administration coloniale en place dans ces pays, qui préférait réserver à la seule métropole, le soin de former les futurs « cadres indigènes » des colonies. 

Au moment des indépendances, il y a donc eu la mise en place de divers établissements post-bac. Notamment, les écoles normales supérieures, nécessaires à la formation des professeurs de collèges et de lycées, les facultés de médecine pour la formation des personnels hospitaliers, et bien d’autres établissements encore. On peut citer à cet exemple l’Ecole de médecine de Dakar (créée en 1918) au Sénégal, l’Ecole normale supérieure de Yaoundé au Cameroun (1960), le Centre d’enseignement supérieur d’Abidjan (1958), le Centre d’enseignement supérieur de Brazzaville (1959) au Congo… C’est véritablement dans les années soixante et soixante-dix, que chacun des pays d’Afrique noire francophone va se doter de son université : Sénégal (1957), Madagascar (1960), Cameroun (1962), Côte d’Ivoire (1964), RCA (1969), Bénin, Gabon et Togo (1970), Congo (1971), Niger (1973), Burkina Faso (1974). Ainsi sont nées les « Université nationale », c’est ainsi qu’on les appelait. Lieu de formation pour l’élite nationale, pépinière de nombreux cadres locaux, mais aussi, espace de réflexion et de promotion du développement social, économique, technologique, politique… 

B) Structures et infrastructures 

Les premières universités en Afrique francophone étaient des conglomérats de grandes écoles existant déjà, auxquelles s’étaient ajoutées des facultés plus classiques comme le Droit, les Lettres ou encore les Sciences. Les effectifs étaient faibles, parfois même dérisoires (374 au début au Burkina). Les infrastructures étaient belles (parce que neuves) ; elles étaient implantées au cœur des villes capitales. Les enseignants étaient constitués d’universitaires locaux et de coopérants étrangers (français notamment, mais aussi canadiens, belges…). Les intitulés des départements et filières étaient généraux ; on n’était pas encore dans l’hyper-spécification d’aujourd’hui. Les programmes, on le verra plus loin, des calques presque parfaits de ce qui s’enseignait dans les universités françaises, même si, là aussi, il y’avait quelques modifications. Tout ceci était orchestré par les nouveaux Etats. La création de ces universités, et leur mise en fonctionnement, symbolisait pour ces pays fraîchement indépendants, la valorisation de l’éducation par le biais de l’école au niveau supérieur, et aussi, la poursuite de la lutte pour l’alphabétisation et l’instruction. Ce dernier aspect était l’un des principaux défis que les pays africains devaient relever après l’indépendance. Enfin, « l’université nationale » participait également de l’expression de la pleine souveraineté de ces Etats. Car, au même titre que
la Radio nationale, l’Armée,
la Compagnie aérienne, elle était une des vitrines du pays. Pour cela, d’importants moyens financiers et logistiques étaient investis dans ces établissements. C’est le gouvernement qui pilotait directement la structure, à travers un président, un recteur ou un chancelier, qui était davantage un haut commis de l’Etat plutôt qu’un universitaire chevronné. Les pouvoirs publics payaient aussi les bourses aux étudiants et des subventions aux laboratoires et centres de recherches afin que ceux-ci soient très performants. 

C) Les réformes 

Dans nos pays, les universités qui ont été créées avaient pour première mission de former les intellectuels et les cadres des Etats. Par la suite, c’est à la résolution des problèmes sociaux (analphabétisme, développement…) qu’elles devaient contribuer. Elles ont donc du changer au fil des temps. Changer de dénomination, de lieu d’implantation pour certaine, de mode de fonctionnement ; bref, se réformer. Pourtant, la réforme universitaire en Afrique a été pendant longtemps un serpent de mer. Toujours annoncée, toujours repoussée. Les structures sont restées les mêmes pendant plusieurs décennies. Les systèmes d’enseignement et d’évaluation également. Que dire des locaux, qui, de très beaux au début, sont devenus parfois des édifices délabrés, exigus et trop petits pour accueillir les nombreux étudiants qui y affluent chaque année. D’autres domaines aussi se sont délités ainsi, réclamant tous par la suite une restructuration profonde. Progressivement, les réformes sont arrivées, au compte-goutte. D’abord, les niveaux d’études : ils ont beaucoup évolué. Au départ, on avait des facs avec un seul cycle (licence), parfois jusqu’à la maîtrise tout simplement. Progressivement, toutes ces « université nationale » ont étendu leurs cycles jusqu’au doctorat dans la quasi-totalité des filières. Les modifications ont eu lieu aussi sur les enseignements à proprement parler ; on est passé des programmes très condensés, voire globaux, à des formations plus affinées et plus spécialisées (voir plus bas). 

De même, les systèmes d’évaluation ont également évolué : des partiels, on en est arrivé à la réforme LMD. (Voir plus bas également). Enfin, ce qui peut être considéré comme le point culminant de ces réformes, c’est l’éclatement de ces universités en plusieurs ; elle est intervenue, dans ces pays, au cours des années 90. Ainsi, dans la plupart de nos pays, on ne compte plus une, mais plusieurs universités. Au Cameroun, l’université de Yaoundé a donné naissance à Yaoundé I et II, en plus de quatre autres universités dans le pays. En Côte d’Ivoire, l’ancienne université d’Abidjan s’est subdivisée en trois universités (Abobo, Cocody et Bouaké). Au Burkina, il y a désormais une université à Ouagadougou et une autre à Bobo-Dioulasso ; de même au Bénin (Abomey-Calavi et Parakou), le Gabon avec l’université Omar Bongo et université Polytechnique de Kougouleu, au Sénégal (Dakar et Saint-Louis), en Guinée (Conakry et Sonfonia). Cette dernière réforme a aussi consacrée dans certains de ces pays, la mort de la bourse payée aux étudiants, et l’avènement des « droits universitaires », sorte de frais d’inscription payés par les étudiants pour suivre leur formation, qui auparavant était gratuite. Seuls quelques pays (rares) on conservé une petite bourse mensuelle, octroyée sur les critères de mérites. 

D) Les enseignements et les évaluations Quelques soient les filières, les formations proposées dans les universités des pays d’Afrique francophone sont de qualité. Tout au moins, ils sont à la dimension de la demande des étudiants locaux. A leur création, ces universités ne proposaient donc que des formations parcellaires, et qui étaient, par la suite, complétées à l’étranger (en France notamment). Le droit, les Lettres modernes (française et anglaise), la philosophie, les Sciences économiques et de gestion, les Sciences (maths, physique, chimie) sont notamment les principales matières qui sont dispensées. Les étudiants en acquéraient des rudiments au premier cycle et, dès la licence, commençaient à se spécialiser. La licence (Bac+3) était d’ailleurs le niveau terminus pour beaucoup des premiers étudiants des universités africaines. Avec ce diplôme, ils avaient un emploi quasi-assuré dans la fonction publique, et à un bon niveau de responsabilité. 

Plus tard, d’autres disciplines ont été injectées dans l’offre globale de ces universités, les sciences humaines (sociologie, psychologie, anthropologie, l’histoire), des langues (anglais, allemand, espagnol, portugais…), les sciences vivantes (biologie, géologie) et d’autres disciplines comme la biochimie et l’informatique. Les cycles d’études aussi ont été étendus jusqu’au doctorat pour certains. Dans les contenus de ces enseignements, une bonne partie n’était en fait que la reprise presque intégrale de ce qui se faisait ailleurs (France). Ainsi en droit par exemple, les étudiants suivaient des cours sur le droit international, le droit français. De même, en Lettres modernes, ce sont les auteurs français qui étaient au programme : Ronsard, Corneille, Racine, Molière et bien d’autres encore. La littérature africaine par exemple, n’était qu’une option ou une petite unité de valeur à l’intérieur du « Département de français ». Dans les Sciences, on relevait également le même phénomène. Mais ici, on peut se « consoler » en disant que la science est universelle, et donc, les théorèmes mathématiques enseignés à Abidjan ou Yaoundé ne diffèrent en rien de ceux enseignés à Besançon ou Paris, car la vérité scientifique est la même partout. Depuis, les programmes se sont beaucoup améliorés ; ils prennent en compte, dans plusieurs filières, des réalités continentales, régionales et locales. Certaines langues africaines par exemple sont au programme. La linguistique africaine est une filière à part entière pratiquement partout sur le continent. En droit, un cours sur le droit coutumier existe. De même en Arts, on a intégré les particularités des formes artistiques africaines, des contes aux sculptures. Dans les départements comme philosophie, psychologie et sociologie, il n’est plus rare aussi qu’on s’intéresse aux croyances et doctrines africaines, comme le fait par exemple le prêtre-enseignant camerounais Meinrad Hebga, dans les cours qu’il dispense à Yaoundé, Abidjan et ailleurs dans le monde. De manière globale, on peut dire que les enseignements dans les universités africaines aujourd’hui, combinent bien des éléments locaux et ceux d’ailleurs, pour permettre aux étudiants d’être à la fois bien enracinés dans leur milieu et ouverts sur le monde. Ceci est matérialisé par les formations mixtes entre certaines facultés africaines et leur consoeurs européennes dans des programmes bien précis comme l’informatique ou les technologies nouvelles.   

En ce qui concerne l’évaluation dans nos universités, il faut dire que le système est pareil qu’ailleurs. Avant, les étudiants étaient soumis à un régime de deux examens partiels (février et juin), au terme desquels ils étaient admis ou recalés. Avec la réforme des années 90, le système d’évaluation a été légèrement modifié. En plus de deux sessions d’examens citées, une autre a été ouverte : celle de septembre, dite de « rattrapage » ; elle permet aux étudiants de tenter un « troisième tour » d’évaluation pour valider les matières qu’ils n’ont pas pu obtenir au cours des sessions normales. 

E) La réforme LMD C’est la dernière née des réformes universitaires. La réforme Licence-Master-Doctorat qui va segmenter les cursus universitaires en trois cycles : Bac+3 (Licence) pour le premier, Bac+5 (Master) pour le second, et, le troisième cycle à Bac+8 (Doctorat). Plus simple et lisible, cette architecture nouvelle tentera à la fois de clarifier les niveaux d’études (et les diplômes allant avec) aux étudiants africains. Et, de même, elle permettra aussi que ces universités soient arrimées aux autres universités du monde (notamment en Europe), qui ont-elles aussi adopté ce système depuis quelques années. Mis en place en 1998 par le « Processus de Bologne », la réforme LMD a été rapidement adoptée par les pays européens, qui en avaient pris l’initiative. Puis, les pays africains se sont penchés sur cette question et ont réfléchi à son adoption chez nous. Des colloques ont été organisés à cet effet depuis 2002 (Cotonou) jusqu’au début de l’année dernière (Tanger). Même s’ils n’ont pas été unanimes sur la date de la mise en application chez eux de cette réforme, les pays d’Afrique francophone ont convenu de l’utilité et de la modernité du LMD dans le monde universitaire. Au Cameroun, au Burkina, en Côte d’Ivoire… le système est déjà en vigueur. D’autres ne tarderont pas. A terme, l’adoption de ce système par toutes les universités des pays d’Afrique francophone leur permettra, peut-être un jour, dans certaines matières, de constituer un programme commun d’enseignement applicable dans tous ces pays. 

F) La condition des enseignants et l’intégration des étudiants diplômés dans le corps professionnel 

Dans les premières années de l’université dans les pays d’Afrique francophone, les professeurs étaient logés à bonne enseigne. Ils jouissaient d’un statut de privilégié, en même tant que leur position sociale était considérable. Ces privilèges étaient logiques au regard, entre autre, des nombreuses années d’études qu’ils avaient effectuées. Leurs activités d’enseignement et recherche, au service du développement, de la prospérité et de la croissance du pays, contribuaient aussi à leur conférer le position de privilégié dont nous parlions précédemment. Ils étaient mis à contribution par les dirigeants politiques, dans quasiment tous les domaines de la vie publique du pays ; économie, culture, sport, éducation…   Aujourd’hui, la situation de ces enseignants n’est plus bonne. Et ce n’est pas assez de le dire. Depuis plusieurs années, leurs conditions de vie se sont beaucoup dégradées du fait de la diminution considérable de leurs émoluments, et aussi de la détérioration de leur cadre de travail. En effet, dans nombre de ces pays, les salaires ont beaucoup baissé (certainement du fait de la crise économique, mais aussi au choix de certains dirigeants politiques de privilégier par exemple l’armée et la police à l’éducation) ; dans les facs, beaucoup de laboratoires sont vétustes et/ou souvent, ils manquent de matériel. Les enseignants des facultés des sciences par exemple, se retrouvent parfois à prodiguer des enseignements purement théoriques, sans travaux pratiques dignes de ce nom, à cause du manque d’eau ou d’éléments techniques dans leurs laboratoires. D’autre part, certaines universités tardent à se mettre à jour de la modernité technologique, ce qui ne permet pas à leurs enseignants d’être à la page de l’actualité de leur discipline, et, par là même, de prodiguer des cours actualisés à leurs étudiants. 

Ces situations ont donc des incidences sur la situation des étudiants eux-mêmes. Ils ne sont pas mieux lotis que leurs profs. La situation est même parfois pire chez eux. Pourtant, par le passé, eux aussi étaient des privilégiés, en qui les qui les Etats voyaient la « relève ». Ils étaient moins nombreux dans les amphis, avaient une bourse mensuelle, et surtout plus de débouchée pour l’emploi. Depuis quelques années, c’est plutôt à un manque de bourses d’études, défaut de confort dans les salles de cours, et surtout manque ou rareté de débouchées sur le marché de l’emploi qu’ils ont droits. Les facs sont de plus en plus assimilées à des « fabriques de chômeurs ». Le phénomène est plus accru dans les filières de Lettres et parfois de droit, bondés, mais dont la majorité des étudiants se retrouveront sans emplois qualifiés, ou sans emplois tout court à la fin de leurs études. Seuls y échappent les étudiants de certaines Grandes écoles et filières spécialisés (Ecole normale, Polytechnique, Fac de médecine, IUT…) ; mais leur nombre est très réduit. Le reste est absorbé par le secteur informel. Ainsi, plusieurs diplômés de l’université se retrouvent « taxis », petits commerçants, soldats, agriculteurs ou travailleurs sociaux… loin de ce qu’ils envisageaient faire à leur entrée à la fac. Comment cette situation, ainsi que celle des enseignants se résoudra t-elle ? Que doivent faire les Etats pour garantir de meilleures conditions de vie aux étudiants et aux enseignants ? Et de manière plus générale, quel avenir pour les universités des pays d’Afrique francophone ? G) L’avenir de l’université dans les pays d’Afrique francophone 

Pour les années à venir, il est impératif que les universités d’Afrique francophone se modernisent et se professionnalisent. Cette professionnalisation nécessite, dans chacun de ces pays, des Etats généraux de l’enseignement supérieur. La proposition a déjà été faite par de nombreux chercheurs et spécialistes. Elle sous-entend que, ces universités doivent se rénover sur le plan de leur administration (peut-être gestion public-privé), des infrastructures (bâtiments neufs et commodes), des missions (œuvrer encore et toujours pour le développement)… Elles doivent aussi prendre en compte toutes les réalités actuelles, et, proposer une formation efficiente à leurs étudiants. Enfin, elles doivent devenir de lieux tremplins par excellence vers le monde de l’emploi. De la sorte, elles devront donc travailler en étroite collaboration par exemple avec les milieux professionnels privés (puisque ce sont eux qui recrutent le plus de nos jours), pour que les étudiants, une fois leur diplôme acquis, puissent trouver plus rapidement un emploi. 

Francophonie en france aujourd’hui

Lundi 9 juillet 2007

Quel avenir pour la Francophonie en France ? La question mérite d’être posée en cette période de campagne électorale en France. Les principaux ténors du scrutin présidentiel du printemps prochain sont connus depuis le début de l’année. Tous, chacun à sa manière, essaient de décliner leur programme de campagne, avec notamment les grands axes de la politique qu’ils appliqueront s’ils sont élus au soir du 6 mai. On a ainsi pu les entendre sur tous les grands sujets : l’économie –fiscalité, pouvoir d’achat, dette de l’Etat- les sujets de société –l’immigration, le mariage homosexuel et l’homoparentalité, la délinquance, l’éducation, la culture…- l’international –les crises au Proche-Orient, les conflits dans le monde, l’Europe, la coopération avec les pays d’Afrique… Nouveauté même, on a pu entendre la quasi-totalité des candidats sur la question de l’écologie ; ici, pressés par un animateur télé (Nicolas Hulot) au faîte de sa popularité, lequel a parfaitement agité chantage et menace de sa candidature, ils ont, bon gré mal gré, signé son fameux « Pacte écologique », une trouvaille qu’il dit avoir reçue en mission de la nature, et dont l’application du contenu pourrait « sauver la planète ». Rien moins que çà.

En voyant le nombre de sujets abordés (même si certains n’ont été qu’effleurés) en ce début de campagne, on peut s’étonner que dans le registre de l’international et de la culture, ni MM. Sarkozy, Bayrou, Le Pen, ni Mme Royal et autres, n’aient encore prononcé aucun mot sur la Francophonie. Est-ce à dire qu’elle ne figure pas au rang de leur priorité ? Doit-on craindre pour l’avenir de la francophonie ? Il est à parier que oui. Notamment pour ce qui est de la Francophonie politique (avec un « f » majuscule). Car, considérée, à tort ou à raison, comme une duplique de la Françafrique, ou du moins comme son avatar, elle est dans la ligne de mire des principaux candidats à l’élection présidentielle. Sarkozy et Bayrou par exemple ont dit tout le mal qu’ils pensaient des relations actuelles entre la France et son ancien empire colonial ; Mme Royal n’est pas en reste, et ne dit pas autre chose que ses deux concurrents. Dans leur états-majors, on est même allé jusqu’à railler le futur sommet Afrique – France qui se tient à Cannes (25-26 février), le qualifiant de « dernier repas du prince avec ses serviteurs ». Quand on sait l’appétit de M. Chirac pour ce genre de messes, tribunes idéales pour ses grands discours sur « l’humanisme, la solidarité » et autres, on se dit que ce n’est pas si faux que çà. Car, on peut lui savoir gré d’avoir développé et dynamisé cette institution qui, durant ses deux mandats à l’Elysée, elle est passée d’une association regroupant une vingtaine de pays francophones (d’Afrique et d’Asie plus la France, le Canada, la Belgique et la Suisse) à une grande famille de plus d’une soixantaine de membres aujourd’hui, ouverte même sur les pays anglophones et les anciennes républiques communistes d’Europe de l’est. Bien plus, c’est à son arrivée au pouvoir en 1995 que, également à sa demande, la Francophonie s’est dotée d’un organe exécutif permanent, avec la nomination de l’égyptien Boutros Boutros-Ghali, ancien SG de l’Onu, au poste de Ier Secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie. Ce renouveau institutionnel s’est matérialisé par une plus grande action de la Francophonie dans le monde, notamment sur la question des droits de l’homme, la promotion de la démocratie et de la diversité culturelle.

Ce dernier sujet, restera comme l’un de ceux dans lequel la francophonie (cultuel celle-là, avec « f » minuscule), sous l’instigation de la jacques Chirac, a pu faire adopter à l’Unesco, une charte sur la diversité culturelle en 2006, qui vise à maintenir l’expression de plusieurs expressions culturelles dans le monde. En plus de cette action emblématique, à laquelle ont largement participé les pays africains, ne serait-ce que par leur vote en faveur du texte en question, la francophonie non-politique peut se targuer d’un certain nombre d’actions culturelles chaque année (festival, conférences, émissions), en hexagone comme à l’étranger, qui rehaussent l’image de la France.

Mais, il est fort probable que, dans la foulée de la prochaine élection présidentielle française, le futur chef de l’Etat, quelqu’il soit, n’accorde pas autant de sollicitude ni d’intérêt à la Francophonie. Car, hormis l’argument d’être le clone de la françafrique honnie dont nous avons parlé plus haut, le prochain président français aura d’autres dossiers urgents comme la relance de la construction européenne, freinée en grande partie à cause de la France. En outre, les nombreuses questions nationales sur lesquelles les différents candidats auront fait des promesses de campagne les mobiliseront également. Dès lors, bien malin est celui qui peut dire à quel rang sera reléguer la Francophonie dans l’ordre des priorités françaises. Surtout que, jusqu’à ce jour, la France reste le principal bailleur de fonds de toutes les institutions francophones (Oif[1], Auf[2], Tv5, Aimf[3], Université Senghor d’Alexandrie…


[1] Organisation internationale de la francophonie[2] Agence universitaire de la francophonie

[3] Association internationale des maires des villes francophones

Le chaos somalien

Lundi 9 juillet 2007

LA SOMALIE

La somalie revivra t-elle normalement un jour ? La question mérite d’être posée aujourd’hui, tant le pays paraît plus que jamais englué dans une descente aux enfers qui a commencé au début des années quatre-vingt-dix et qui est loin d’être terminée. On sait à peu près quand et comment les problèmes de ce pays ont commencé, mais on est loin d’imaginer le moment et les moyens à utiliser pour y mettre fin. Il y a quelques semaines, les forces « loyalistes » du gouvernement somalien de transition, appuyés par un fort contingent éthiopien, réussissaient, au terme d’une « guerre éclair », à déloger les Tribunaux islamiques, installés au pouvoir à Mogadiscio depuis le mois de juin 2006. Certains enthousiastes ont alors cru que, pour la Somalie, c’était le début de la résurrection. Pourtant, tout porte à croire que ce n’était qu’une illusion, et que, la lame de fond qui a fendu ce pays, l’a transpercé avec une telle violence qu’il sera difficile de recoller les morceaux. Pas que la tâche soit impossible –rien ne l’est d’ailleurs- mais, l’opération de sauvetage du pays phare de la corne de l’Afrique va nécessiter un véritable traitement de cheval tant sur le plan institutionnel, politique et social. Mais avant d’explorer ici quelques pistes –un peu de fiction- qui pourront être empruntées, il faut redire succinctement comment l’ancienne colonie italienne est devenue le champs de ruine qu’elle est aujourd’hui.

L’évènement du mois de décembre est le énième épisode d’une guerre civile qui a commencé dans les années soixante-dix. Celle-ci a été marquée par des affrontements successifs ayant opposé les principaux clans du pays, c’est-à-dire les Dir, les Sab, les Hawiyé et les Darod. Arrivé au pouvoir en 1969, le général Mohamed Siyad Barre, un chef de clan Darod va régner en main de maître pendant deux décennies. De plus en plus contesté à la fin des années quatre-vingt, il sera chassé du pouvoir en 1991. Mais, contrairement à ce qu’on pouvait s’attendre, la chute de Siyad Barre, plutôt que de créer un début de solution dans le pays, va être le véritable signal de l’intensification de la guerre civile. Conséquences, les institutions sont complètement démantelées, et, il en est même jusqu’à l’école publique qui est obligée de fermer ses portes. Bref, la vie s’arrête et tous les jours, les victimes civiles se comptent par centaines. Entre 1991 et 1992, la Croix rouge et d’autres Ong humanitaires dénombrent environ 300 000 morts. Plus de quinze ans après, le « pays », si tant est qu’on puisse toujours parler de pays, (voir encadré), est plongé dans un tel chaos, dans une telle déchéance que seul un scénario hollywoodien sur l’apocalypse pourrait tenir la comparaison. Le récit de la situation qui prévaut dans ce pays depuis les années 90 est à lui seul une corvée, tant les éléments dramatiques et douloureux sont nombreux à évoquer. Nous n’y reviendrons donc pas davantage. Car, ce qui nous semble intéressant aujourd’hui, c’est de savoir quand est-ce que la Somalie redeviendra un pays en paix ? A quel moment le chaos actuel ne sera plus qu’un lointain souvenir ayant laissé la place à une situation plus sereine et plus vivable ? Difficile à dire si on s’attarde sur quelques éléments prédominants de la situation actuelle du pays.

D’abord et avant-tout, il y a le problème institutionnel. Ce qu’on appelle aujourd’hui la Somalie est tout sauf un Etat. Depuis le départ de Siyad Barre les institutions ne fonctionnent plus. Pas d’écoles, pas de représentations à l’étranger… Mogadiscio, la capitale, et le reste du pays étaient tombés entre les mains de chefs de guerre, dirigeant chacun une partie du territoire sur des règles et principes propres à eux. Pas d’administration centrale, pas de parlement local, encore moins de gouvernement pour gérer les affaires du pays. Pire, certaines régions ont profité de ce désordre pour proclamer leur indépendance. Ainsi de la région du nord devenue le Somaliland (1991) et du nord-est qui déclara son autonomie en 1998 sous le nom de Puntland. Avec le détachement de ces deux régions, Mogadiscio se vida de sa substance administrative et de son rôle historique, d’autant plus que le semblant d’institutions qui restaient s’étaient installées à… Nairobi au Kenya, à partir de 2004. Appuyés par la communauté internationale, un parlement de transition s’est constitué en 2000 dans ce pays voisin ; il est composé essentiellement d’intellectuels en exil et de chefs de guerre restés au pays. Au début de l’année dernière, ce parlement et le gouvernement qui en issu –dirigé par Abdullah Yusuf Ahmed (président de la transition) et Ali Mohamed Gedi (premier ministre)- s’installe à Baidoa, à l’est de la Somalie. Toujours loin de Mogadiscio, qui entre temps, voit s’installer en son sein une coalition de chefs religieux appelés les Tribunaux islamiques. Avec le retour du gouvernement de transition à Mogadiscio en décembre dernier, conjugué au départ des Tribunaux islamiques, on pourrait s’attendre à un retour progressif de la normalisation de la vie en Somalie. Du moins sur le plan institutionnel. Mais c’est oublier que, le pays est « occupé » à la fois par les troupes éthiopienne, qui font office d’armée régulière ; et de manière plus discrète, mais de plus en plus visible, par les américains. Ceux-ci, embarqués dans leur aventure de combattre le terrorisme partout dans le monde, se sont (re)installés en Somalie, pour disent-ils, contrôler les activistes djihadistes des pays voisins du golfe, qui pourraient venir s’y réfugier ou s’y entraîner. Il faudra donc attendre la fin de la double tutelle actuelle pour voir le pays recouvrer son entière autonomie institutionnelle.

Mais la question institutionnelle n’est pas la seule que doit résoudre ce pays. Il y a aussi des problèmes politique, économique et socio-confessionnel. Il paraît à peu près évident que, sur le plan politique, sans un retour à un Etat normalement constitué, la crise politique perdurera. Les chefs de guerre des années quatre-vingt-dix et deux mille, déguisés aujourd’hui en hommes politiques de premier plan devront désarmer leurs troupes. Ce qui n’est pas garanti. Les intellectuels en exil, revenir au pays pour aider à sa reconstruction. Celle-ci, ne pourra se faire sans une véritable dynamisation du secteur économique. Certes, la Somalie n’est pas un sol riche en minerais ou en ressources pétrolières. Mais, l’agriculture, si florissante par le passé, et les mines de sel, secteur dans lequel le pays est l’un des premiers au monde, devront être réinvesti afin de leur redonner tout leur lustre d’antan. Plus que du lustre, c’est aussi la création d’emplois et les revenus importants que ces deux secteurs peuvent rapporter qui pourraient aider en partie au redémarrage de l’économie somalienne.

Alors, resteront les questions sociales et confessionnelles. D’abord, il faudra que les tensions s’apaisent entre les différents clans qui constituent le pays ; on sait que la guerre civile qui sévit dans le pays depuis la fin des années 1970 met aux prises les principaux clans que sont les Darod, les Dir, les Sab, les Hawiyé… Les affrontements ont assez duré entre ces communautés et le bilan en hommes est lourd de chaque côté. Il s’avère donc impératif dès à présent de recréer un sentiment national. Mais, en l’état actuel du pays, comment faire pour y parvenir ? Le départ des troupes étrangères, éthiopiens et américains en tête, semblent être un préalable incontournable. Il devrait s’accompagner d’une (re)normalisation des institutions et l’instauration de la démocratie. D’autre part, la pacification des relations avec les pays voisins, notamment l’Ethiopie, l’Erythrée et le Kenya, serait également importante dans cette optique. Enfin, le renflouement des caisses de l’Etat qui devra passer par la relance de l’économie nationale et sur la volonté des bailleurs de fonds d’aider la Somalie à se remettre debout. Tout un programme en perspective, que la Résolution 1725 (http://www.ambafrance-dz.org/article.php3?id_article=1082) votée le 6 décembre 2006 à l’Onu ne pourra pas résoudre à elle toute seule.