VISITE : Nicolas Sarkozy en Afrique

 Ce n’était qu’une première visite. Mais certainement pas la dernière. Nicolas Sarkozy a achevé vendredi 27 juillet dernier sa première visite officielle en Afrique. Un séjour au pas de course (3 pays en 3 jours), au cours duquel il s’est rendu en Libye, au Sénégal et enfin au Gabon. Quels enseignements peut-on tirer de ce premier voyage sur notre continent, particulièrement en Afrique sud-saharienne ? Très peu. 

Si on excepte l’étape libyenne qui était dictée et motivée par l’actualité (la libération des infirmières bulgares ; voir encadré plus bas), on peut se demander ce que M Sarkozy est venu faire en Afrique sud-saharienne. Car, le choix des pays, le temps qu’il y a passé, les discours qu’il y a prononcé, et bien d’autres évènements encore, tout cela semblait, sinon maladroit, du moins sans nouveauté ni importance. La nouveauté, bref la « rupture », c’est du moins ce qu’on attendait de cette première visite, conformément à sa promesse de campagne électorale. Car, il avait promis lors de sa préparation à l’accession au pouvoir suprême qu’il allait rompre avec les habitudes de ses prédécesseurs et la tradition de la « Françafrique ». Pour ce tour ci, on n’a rien vu, ou presque. 

Certes, il y a eu des coups de bluff. D’abord, parce qu’on a bien senti que Nicolas Sarkozy voulait absolument se distinguer des attitudes de Jacques Chirac par exemple, qui appelait « amis » tous les chefs d’Etats africains. Aussi, dans les mots ; plutôt qu’aux discours lyriques chiraquiens sur l’histoire de
la France et de l’Afrique, ses principales allocutions de Dakar et de Libreville ont plutôt été davantage des messages réalistes et pragmatiques. Fait nouveau aussi, il a rencontré la presse, et même les partis d’opposition, ce qui n’est pas fréquent dans les habitudes diplomatiques, pour un chef d’Etat en visite officielle dans un pays. Mais, le coup de bluff, mieux, la « rupture », s’arrête là, avec ces éléments, pour faire place à la realpolitik. 

Et la realpolitik ici, c’est essentiellement la continuité avec ses prédécesseurs. Notamment les deux derniers (Mitterrand et Chirac). Comme eux, pour son premier voyage, il est allé chez des « clients » dociles et calmes. En effet, Le Sénégal et le Gabon ne sont pas les lieux où la réception d’un président français en ces années-ci risquerait de poser le moindre problème. Aurait-il tenté
la Centrafrique, le Tchad, Djibouti, le Rwanda ou même
la Côte d’Ivoire ? Pas si sûr. D’autres part, M. Sarkozy n’a pas dérogé avec les propos « flagornants » du genre « 
la France et l’Afrique doivent marcher la main dans la main », ou encore, « une amitié indéfectible nous lie ». Cerise sur le gâteau, c’est à l’adresse du président Bongo qu’il aura ce compliment très…chiraquien : « le Gabon est un partenaire privilégié depuis 1967 (date d’arrivée au pouvoir d’Omar Bongo, ndlr), quelle que soit la majorité en place en France (…) Omar Bongo est le doyen des chefs d’Etat, et, en Afrique, le doyen, cela compte ». Propos, en apparence plein de bons sentiments, mais qui ne manque pas d’arrière-pensées. Nous y reviendrons dans un autre article. 

Mais la continuité du locataire de l’Elysée dans les relations françafricaines a surtout été développée dans son fameux « Discours à la jeunesse africaine ». Dans cette adresse, sorte de cours magistral donné en amphithéâtre, il a beaucoup alterné entre coups de semonce et leçon de morale. Pour faire vite, on dira qu’il a dit à « la jeunesse africaine » et à ces « dirigeants » ce qu’il faut faire, et ce qu’il ne faut pas faire, pour « s’en sortir ». On peut lui reconnaître tout de même une certaine pugnacité, un volontarisme aussi (enfin ses principales qualités) ; mais elles ont valu surtout pour la forme. Car dans le fond, ce fameux discours a résonné creux, car sans propositions réelles et nouvelles, sans distance, sans ancrage dans la réalité qui est celle du continent. Et surtout, cerise sur le gâteau, prononcé devant un parterre de personnalités qui n’avait rien à voir avec la « jeunesse africaine » à qui il s’adressait. 

Au regard de tous ces éléments, il appert que la première visite de Nicolas Sarkozy en tant que président de
la France en Afrique ne laissera quasiment aucun souvenir. D’après ses conseillers, il a déjà prévu un autre déplacement sur le continent à l’automne prochain. Celui-là, espérons le plus riche en enseignements. 

ENCADRE 

Nicolas Sarkozy s’est rendu, en début de semaine dernière, en Libye avant d’arriver au Sénégal et au Gabon. C’était surtout, entre autres, pour remercier le président Kadhafi de la libération des infirmières bulgares retenues prisonnières à Tripoli depuis 1999. Ces infirmières, ainsi qu’un médecin palestinien, avaient été condamnés en 1999 par la cour d’appel de Tripoli qui les accusait d’avoir inoculé volontairement le virus du Sida à plusieurs centaines (on parle de 500) enfants libyens. C’était là le début de « l’affaire des infirmières bulgares ». Grâce aux efforts conjugués de la communauté internationale, et surtout des pressions des pays européens, cette « affaire » a connu son dénouement le 24 juillet dernier avec la libération de ces prisonniers. L’épouse du président français a joué un rôle important dans les dernières heures de cette « affaire ». C’est donc à ce titre que Nicolas Sarkozy est allé à Tripoli, où il a également signé un « mémorandum d’entente portant sur la fourniture par
la France d’un réacteur nucléaire civil à
la Libye ».
 

  

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