Le « pillage des pieds »

Avez-vous regardé les Championnats du monde d’Athlétisme qui se déroulent en ce moment à Osaka au Japon (25 août au 2 septembre)? Un phénomène curieux ne peut pas vous échapper: Celui de la présence de nombreux athlètes africains sous des couleurs non-africaines. Combien sont-ils? 10, 20, 30? Certainement beaucoup plus. Car, dans ce contingeant (hommes et femmes réunis), il y a les anonymes, mais aussi les grands champions, qui, à cette occasion ou à bien d’autres encore, gagnent des médailles qui ne profiteront pas à l’Afrique mais à leurs nouveaux pays.

Ce phénomène, j’ai choisi de l’appeler  »la fuite ou le pillage des pieds »; en référence à « la fuite ou le pillage des cerveaux » qui qualifie le départ des intellectuels ou futurs intellectuels du continent vers d’autres cieux. « La fuite des pieds » en athlétisme a commencé au milieu des années 80. A cette époque-là déjà, quelques athlètes africains de renom faisaient défection de leur sélection nationale au profit d’autres pays, essentiellement européens. C’est le cas des camerounais Issa Nthépé, Sylvie Mballa Eloundou qui avaient rejoint l’Equipe de France. C’est aussi le cas du kenyan Wilson Kipketter (champion du monde et olympique) qui troqua sa tunique rouge kenyane pour une autre, rouge également, celle du…Danemark. Bien d’autres noms peuvent être listés ici comme les ex-nigerians Obikwelu (Portugal), Alozie (Espagne)…

C’est l’appetit des pétro-monarchies du Golfe arabo-persique pour l’athlétisme que le phénomène va connaître une croissance exponentielle. Disposant de beaucoup d’argent, ces pays vont réaliser un véritable pillage dans le collectif d’athlètes de pays comme le Kenya, l’Ethiopie ou encore le Soudan. Ainsi, dans les disciplines de demi-fond et de fond, les représentants des pays comme Bahrein, les EAU, le Qatar sont quasi-essentiellement d’anciens coureurs de pays d’Afrique. Certes les responsabilités individuelles de ces athlètes qui tournent casaque doivent être signalées et dénoncées; mais les pressions financières et matérielles orchéstrées pars ces derniers pays ne laissent pas souvent trop de choix à ces athlètes; lesquels acceptent sans trop de peine de changer de pays, mais aussi dans le même temps, de nom, de religion…. Ces pressions, et toutes les manoeuvres qui les accompagnent ne sont condamnées que du bout des lèvres par les autorités sportives internationales compétentes dans ce domaine. elles le sont encore moins par les dirigeants des Etats d’origine de ces athlètes, qui, au-delà des contestation de principe, ne font rien d’autres pour retenir les champions ou futur champions. Par une telle attitude, ils laissent la porte ouverte à d’autres assauts venus d’autres pays; déjà la Suède, les Pays-bas, l’Allemagne se sont mis sur les rangs. Sans oublier les « historiques » dans ce domaine, que sont la France, la Grande-Bretagne, l’Espagne.

Osaka a revélé à travers le visage de Bernard Lagat (ancien champion kenyan, primé aujourdhui au 1500m pr les Usa), Christine Ohuruogou (ex-Nigeria, championne du 400m pour les britaniques), sans compter les anciens kenyans qui ont rapporté des médialles à leurs nouveaux pays du Golfe dans les disciplines de demi-fond et de fond. Comme eux, d’autres athlètes déjà sont sollicités aussi par les fédérations de ces pays « riches » en prévisions des JO de Pékin et d’autres grands rendez-vous à venir. Et, ce qui est sûr, c’est que beaucoup accepteront les propositions sonnantes et trébuchantes qui leur seront faites. Et ils déserteront les pays d’origine pour aller offrir des médailles et de l’auréole à leurs nouvelles contrées.

Et l’Afrique demeurera, une fois de plus, une terre de pillage; un lieu où il est bien de venir faire son petit marché. Dans le cliquetis des médailles d’Osaka aujourdhui, de Pékin demain et d’ailleurs encore après, qui osera se lever pour denoncer cela? Pour ma part, dans le classement général que je fais pour ces championnats du monde d’Osaka, je comptabiliserai les les médailles remportées par ces athlètes comme des lauriers en faveur de leur pays…d’origine. Rien que çà!

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