Dans le précédent texte au même titre, j’exposais les différentes situations qui rendent possibles Le temps des récompenses. J’ai terminé par le cas des victoires électorales. Sur ce sujet, j’ai évoqué les exemples des pays africains, où, les victoires électorales donnent lieu à plusieurs types de récompenses (produits alimentaires pour les plus « petits », strapontins et maroquins plus ou moins importants pour les « gros »).
En France aussi la pratique n’est pas rare. On dira même qu’elle est, ces derniers temps, très accentuée. On sait déjà que, du fait d’une démocratie « effective », et donc, d’une vie politique bien organisée en bords (Droite, Gauche, Centre…), partis (RPR, PS, UDF…), courants, associations… les choses sont souvent assez claire avant même le début des différentes échéances électorales. Parce que, dans les formations politiques, des personnalités ou des groupes, en fonction de leur « poids électoral » et/ou de leur apport pendant la campagne, savent à peu près ce qui les attend comme décorations ou récompenses en cas de victoire. A quelques exceptions près, depuis le début de la Ve République, les gouvernements sont quasiment constitués avant les élections, et, connus des observateurs avertis (politologues, journalistes…).
Ainsi, de Georges Pompidou à Jacques Chirac, en passant par Giscard d’Estaing et François Mitterrand, c’était le cas. Certainement pas trop avec le général de Gaulle (tout au moins dans la deuxième partie de sa présidence); tant sa figure de « héros national », « libérateur du pays » écrasait la scène politique (de ses « camarades » et collaborateurs jusqu’au peuple), et, partant, l’élevait à une stature de « Commandeur », voire de « Père de la nation ». Ses successeurs n’ont pas été dans le même rapport avec leurs collaborateurs et leurs camarades. Ils ont cravaché ensemble pour arriver aux affaires. Et c’est donc à juste titre qu’ils ont partagé ensemble le « gâteau ». La répartition se faisant au prorata des « apports » de chacun, et, en fonction des calculs politiciens.
Mais, certains bénéficiaires de ces récompenses ont parfois été des « amis » ou des « copains » dont l’action politique en faveur du camp gagnant n’était que moindre. Il s’agit de tous ceux qui ont bénéficié du fait du prince pour se retrouver dans la cour des grands, bref, à « la mangeoire ». Un poste a même été créé dans l’organigramme gouvernemental, dans lequel le gros du contingent de ces « opportunistes » et copains se retrouvent régulièrement. C’est celui de Secrétaire d’Etat. « Sous-ministre » aux contours parfois mal définis, et, pour beaucoup, à l’action invisible, les secrétaires d’Etat sont, dans la Ve République en France, des gens cooptés pour « figurer » dans le gouvernement, sur la base d’éléments très subjectifs. Ce ne sont pas, en théorie, des poids lourds politique; ce ne sont pas non plus des grands « barons » régionaux. Mais, parfois, de simples personnalités dont le zèle et l’opportunisme sont primés par l’octroi de ce maroquin. Le pire c’est que, ils seront « aux affaires » avec une principale recommandation; se faire voir le moins possible, et toujours réaffirmer, sa fidélité, son attachement et son soutien indéfectible au Chef de l’Etat. Il est vrai que, cette recommandation s’est aussi appliquée à des ministres de moindre importance et parfois même, cas rare, à des poids lourds de certains gouvernements.
Cette attitude a consacré, pendant longtemps, les rapports (pervers) de domination et d’écrasement qu’il y a, en France, entre le chef de l’Etat et son gouvernement. C’est l’une des raisons pour lesquelles la France a été considérée comme une « monarchie républicaine ». Car, le président est, de fait, un monarque élu. Il a tous les pouvoirs, il entretient un rapport autoritaire et quasi-paternaliste avec les membres de son gouvernement, pourtant souvent eux-mêmes élus du peuple. Les seuls moments où cette logique est très peu évidente ont été pendant les cohabitations, car le président et le gouvernement (issu du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale) n’étant pas du même bord politique. Le gouvernement étant lui, sous la tutelle du Premier ministre, issu de ses rangs. Les récompenses de complaisance sont donc moindres ici.
En conclusion, et, avant de passer à un cas pratique de ce thème (dans une prochaine livraison), l’on dira qu’une élection, quelqu’elle soit, demande beaucoup d’énergie, d’argent, de forces humaines et intellectuelles. C’est un investissement individuel et collectif, dans lequel beaucoup « dépensent » énormément. Il peut être compréhensible que, après coup, les « récompenses » soient au rendez-vous. Que des gens qui ont « investis » soient payés en retour. Bref, comme un retour sur investissement pour justement tous ceux qui ont « dépenser ». Mais, quand on transforme des postes ministériels, administratifs en maroquins pour copains, c’est qu’il y a quelque chose qui va pas. Quand les vainqueurs d’un scrutin, tels des mercenaires, se ruent sur tous les postes « juteux » du pays, on peine à comprendre le sens de leur engagement politique et plus tard celui de l’honnêteté de leur gestion des affaires publiques. Pire, quand, parmi ceux-ci, ils se retrouvent des gens pour bénéficier de récompenses en fonctions et postes lucratifs, uniquement sur la base de la copinerie, alors la République est plutôt une vache à lait cocue; car des gens se nourissent de ses ressources de manière injuste. Ainsi, « Le temps des récompenses » est donc un moment, un esprit à banir des mentalités et des habitudes de notre société. Mais quand on voit certaines récentes nominations en France, on se dit que, malheuresement, cette pratique a encore des très beaux jours devant elle.