De l’amour de la France

Aimes-tu la France? Aimons-nous la France, devrais-je dire? « Nous », c’est tous ceux qui vivent en France; de nationalité française ou pas. Je dirai même, surtout de nationalité étrangère.

A l’occasion des dernières campagnes électorales, beaucoup de candidats majeurs ont recommandé presque à l’unisson « d’aimer la France ». Certains sont même allés jusqu’à ajouter que, « il fallait aimer la France ou alors la quitter ». Pas besoin de commentaires pour comprendre une telle phrase, ses non-dits… Je ne souhaite pas non plus commenter cette phrase et la thématique qui l’environne dans une vision franco-française (je ne le suis d’ailleurs pas). Simplement, il me paraît important d’analyser à ma manière cette assertion qui est aussi à la fois comprise parfois comme, d’une part, une mise en demeure au étrangers de France, d’autre part, une recommandation pour les français.

Au hasard de l’une de mes lectures, je suis tombé sur un sonnet de Joachim De Bellay (1522-1560) au titre fort évocateur de « France, mère des arts, des armes et des lois ». Ce sonnet, c’est le neuvième (9e) d’un recueil à succès de ce poète de la Renaissance, Les Regrets, publié en 1558. Pour bien l’intégrer dans le commentaire que je vais faire, et qui corroborera bien mon propos sur « l’amour de la France » que les hommes politiques nous recommandaient de manière véhémente pendant la dernière campagne présidentielle, je vais citer ce poème dans son entièreté.

France, mère des arts, des armes et des lois,
Tu m’as nourri longtemps du lait de ta mamelle :
Ores, comme un agneau qui sa nourrice appelle,
Je remplis de ton nom les antres et les bois.
Si tu m’as pour enfant avoué quelquefois,
Que ne me réponds-tu maintenant, ô cruelle ?
France, France, réponds à ma triste querelle.
Mais nul, sinon Écho, ne répond à ma voix.

Entre les loups cruels j’erre parmi la plaine,
Je sens venir l’hiver, de qui la froide haleine
D’une tremblante horreur fait hérisser ma peau.

Las, tes autres agneaux n’ont faute de pâture,
Ils ne craignent le loup, le vent ni la froidure :
Si ne suis-je pourtant le pire du troupeau.

Que constate t-on à la lecture entre les lignes de ce poème, qui, pour rappel, a été publié il ya près de cinq siècles (500 ans)? Que l’amour de la France, par les français, (Du Bellay en est-un de bonne souche), ne va pas toujours de soi. Le poète, ici, certes exilé à Rome au côtés de son oncle, le Cardinal Joseph du Bellay, se languit et désespère de retrouver sa terre natale. Car son pays lui manque, et plus précisément sa terre d’Anjou (voir précisemment ici le sonnet 31). Mais en même temps, si la France lui manque (il reconnait noramment, dans le 2e vers, la préciosité de son  »lait » nourricier), il s’étonne aussi du silence de sa patrie à son appel au secours, traduit ici au vers 6 par cette question quasi-supplicatrice (« que ne me réponds-tu maintenant, ô cruelle? »). Certainement sans réponse, le poète poursuit sa complainte et son appel au secours, par une interpellation plus directe, sur le mode de la personnalisation, aux vers suivants, 7 et 8 (« France, France, réponds à ma triste querelle // Mais nul, sinon écho, ne réponds à ma voix »). La fin du sonnet, est le déroulé du spleen du poète, teinté d’amertume, de dépit, et surtout de crainte. La crainte que l’abandon de sa « mère nourricière », la France, ne le condamne au sort de l’agneau qui erre au milieu d’un troupeau de loup.

Dans ce texte, « l’amour de la France » du poète ne semble pas être vraiment transcendant. Il l’aime, certes, mais pas d’un amour inconditionnel et éternellement fidèle. On a l’impression qu’il l’invoque davantage pour se tirer d’affaire (ici précisément de son ennui et de son exil romain), que pour lui dire « je t’aime, bon gré, mal gré ». Néanmoins, il proclame être attacher à cette France, qui, naguère, l’allaita, mais qui, à présent, lui ferme ses oreilles et son coeur.

Depuis quelques années, et de manière plus accrue pendant la campagne à l’automne dernier, « on » (politiques, journalistes, sondeurs, « français de base »…) a beaucoup reproché aux petits-fils d’immigrés africains et maghébins de ne pas « aimer assez la France ». « On » a relevé leurs problèmes, passé au crible leurs hobby, tenue vestimentaire et autres; surtout, « on » a mis en avant les propos, trop souvent de manière exagéré, les propos de quelques-uns d’entre-eux qui vociféraient des « Nique la france ». A t-on jamais cherché à savoir réellement pourquoi ils proféraient de tels jurons? S’est-on demandé pourquoi certains arboraient des effigies du pays de leur parents ou grand parents sans jamais rien savoir de ces lieux qu’ils n’ont souvent jamais visité? Non.

Bien au contraire, « on » leur a même dit « la France vous aime. Vous devez l’aimer aussi, d’un amour inconditionnel, sans même vous soucier parfois de ce qu’elle vous apporte dans la concrétisation de vos rêves, dans la mise en route de votre vie d’homme, dans votre épanouissement social, professionnel aussi. On leur a commandé « aimez la france »! Comme si cela allait de soi; ou pis, comme si aimer la France était une panacée, une espèce d’antidote voire de remède miracle qui aiderait la majorité de ces jeunes, tiraillés entre le chômage, la miserre intellectuelle et finacière, ainsi que la perte de répères et de valeurs, de s’en sortir. 

Pour l’instant, ces jeunes, dans leur for intérieur, ne semblent pas avoir sacrifier complètement l’amour pour la France, leur pays. Mais ils attendent en retour, d’autres preuves d’amour de cette terre qui les vit naître et grandir. Ils attendent un geste d’elle, qui souvent, ne tient qu’à une seule chose : Un Emploi. En attendant, ils expriment leur spleen, leur mal être, leur désaffection, circonstanciée, de cette France, leur patrie. En cela, ils sont dans la droite ligne de…Du Bellay, qui, Cinq (5) siècles avant eux, le dit, et le fit aussi. 

2 Réponses à “De l’amour de la France”

  1. Maï dit :

    J’aime beaucoup cvotre blog et ce message en particulier. Peut-être est-ce parce que je partage vos idées. Je trouve qu’on ne dit pas assez ce que vous dites, ou on le dit avec maladresse et hargne.

    Continuez comme ça.
    Je vais vous ajouter à mes « blogs conseillés », en espérant vous compter parmi mes futurs visiteurs.

  2. Maï dit :

    J’aime beaucoup votre blog et ce message en particulier. Peut-être est-ce parce que je partage vos idées. Je trouve qu’on ne dit pas assez ce que vous dites, ou on le dit avec maladresse et hargne.

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    http://abdoulayesadji.blogspot.com/

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