La (nouvelle) Francophonie en France

Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la république, la Francophonie est un peu la grande absente de l’action politique qu’il a mise en place depuis 4 mois. Elle est même carrément ignorée. Jusqu’ici, il y’ avait un ministère chargé de la Coopération et de la Francophonie; même si celui-ci n’était qu’un ministère délégué. Aujourd’hui, il y a eu déclassement, car, c’est un Secrétariat d’Etat qui assure la compétence de ces secteurs. En plus de cela, le porte-feuille a été confié à Jean-Marie Bockel, venu des rangs du PS; celui-ci, depuis qu’il a été nommé, se balade de pays en pays sans propositions concrètes sur la Francophonie nouvelle annoncée par M. Sarkozy dans sa tribune publiée le 20 mars dernier dans Le Figaro, le jour de la Journée mondiale de la francophonie (cf.

Jean-Marie Bockel donc, quand il n’est pas en voyage à l’étranger, férraille plus tôt ici sur la justification de sa présence au gouvernement, et les accusations de traîtrise qui lui sont lancés par ses anciens amis du PS et par certains journalistes. Il y est tellement occupé que, consacrant une grande partie de son temps à son avenir politique, plutôt qu’à la charge qui lui a été confiée, il « manoeuvre » dans son Haut-rhin natal pour créer une nouvelle formation politique rassemblant « la Droite, la Gauche, le Centre » aux prochaines municipales. Ses principales interventions médiatiques sont quasi-toujours au sujet des municipales de l’an prochain, où il compte bien se représenter à la mairie de Mulhouse. Quel temps consacre t-il à la mission qui lui a été confiée? Il répondra certainement que, pour ces domaines (Coopération et francophonie), il travaille dans la discrétion. Soit.  On attendra encore un peu avant de juger davantage.

Pourtant, à notre avis, le poste aurait du être confié à Rama Yade. Non parce qu’elle a quelque chose de spécial, mais parce que, si nos souvenirs sont bons, elle était présentée dans les médias (et Dieu seul sait combien elle y était présente) pendant la campagne présidentielle comme Secrétaire nationale de l’UMP chargé de la francophonie. Ce ne devait pas être un contre-sens, car, on a bien vu que Rachida Dati, magistrate, a été nommée à la Justice; Fadela Amara, militante sociale, au Logement et Quartiers (quelque chose du genre)… Pourquoi Rama Yade n’a t-elle pas été nommée à un poste où elle était sensée être compétente? « Secrétaire nationale à la Francophonie de l’UMP », etait-ce un emploi fictif, juste pour lui coller un titre? Ou alors n’avait-elle pas le profil nécessaire pour prolonger au gouvernement un travail dont elle était chargée dans le parti? Difficile à dire. Mais, vraisemblablement, il se pourrait que, malgré ses grandes qualités, le parti qui l’emploie n’ait voulu que profiter de son image et de sa belle frimousse. Et ils y sont parvenus, non sans rappeler à la Gauche qu’ils étaient les premiers à donner, à travers elle et les deux autres citées plus haut, la chance aux « minorités visibles ».

Entre temps, la Francophonie est un non-sujet, ou plutôt un sujet tabou pour ce gouvernement. Dans le brouhaha actuel sur l’immigration, pas une voix qui s’élève pour dire qu’il est insensé de faire passer des tests de français à des ressortissants francophones qui souhaient émigrer en France. Pas une voix non plus pour reprendre à son compte les promesses de plus de coopérations avec les pays francophones du sud, dans des domaines précis comme la coopération universitaires, le visa francophone pour les étudiants…

En ces temps de chasse au sans-papiers, de test ADN pour les candidats au regroupement familial, mais aussi de débat sur le nucléaire iranien, sur le réforme des retraites et autres, il ya très peu de chances ques les médias en parlent. Car, qui pour l’évoquer au sein du gouvernement ou même dans la majorité? Et, plus globalement dans la classe politique française? A ce jour, la première personnalité politique d’envergure à (re)parler de Francophonie, et avec un langage nouveau, c’est… Ségolène Royal. L’ancienne candidate à la présidentielle, en visite au Québec en cette mi-septembre, a plaidé pour une Francophonie renforcée à travers le monde. Parmi les propositions qu’elle a avancées, la création d’une Université francophone internationale, et d’un système « Erasmus* francophone« ; mais aussi, un contrat politique entre les pays membres de l’Organisation internationale de la francophonie pour protéger l’environnement.   

Ces propositions, nous espérons que le gouvernement actuel les récupère, et que Jean-Marie Bockel, Rama Yade ou tout autre, les mettent sur la table du président Sarkozy, afin qu’elles soient réalisées pendant son mandat. Afin que la nouvelle francophonie en France puisse prendre (enfin?) forme. Afin que, d’un sujet de seconde voire de troisième zone, la Francophonie puisse (re)devenir (enfin aussi?) un thème important dans la société française. C’est un pari politique, mais aussi un défi culturel, qui ne pourra, à terme, q’u'être bénéfique à tous les français et tous les francophones de France et d’ailleurs. 

* Erasmus est le nom donné au programme d’échange d’étudiants et d’enseignants entre les universités et grandes écoles européennes. 

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