Dieu et l’argent

Peut-on servir Dieu et l’argent? C’est, sous forme d’interrogation, le message essentiel des textes choisis lors de la célébration eucharistique d’aujourd’hui (25e dimanche du temps ordinaire). En effet, dans la première lecture (livre d’Amos, 8, 4-7) et l’Evangile (Luc 16, 1-13) surtout, révèlent cette réalité.

La réponse du prophète Amos est claire et directe: « Non. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent ». Pour l’expliciter, Amos raconte ce qui se passait plusieurs siècle avant l’arrivée du Christ. Il montre qu’en Israël, à cette époque-là, une poignée de personnes s’enrichissaient considérablement; ceux-ci se faisaient construires des maisons luxueuses aux sols de marbre et aux murs incrustrés d’ivoire. Ceux qui y vivaient, en majorité des commerçants véreux, baignaient dans une opulence exacerbée. Dans le même temps, une grande partie du peuple vivait dans la misère, se faisant même piller par les premiers le peu de ressources qu’ils pouvaient avoir. Dans son texte, moins qu’aux aspects extérieurs de leur personnalité, le prophète Amos s’attèle à exposer les pensées sécrètes des riches. Il dénonce leur vénalité et leur cupidité, et s’insurge aussi du fait qu’ils soient entièrement au service de l’argent au point d’oublier par exemple d’être charitable ou de fermer boutique le jour du repos. Et, attirés de plus en plus par le lucre, ils n’hésitent plus à recourir à la fraude et au détournement pour augmenter leurs gains. en conclusion de son texte, le prophète dit que, cette façon de vivre ne plaît pas à Dieu, et qu’il châtiera ceux qui vivent de cette manière.

Dans l’Evangile de Luc, le Christ procède par morale par la négation pour dénoncer également l’amour de l’argent et de la richesse que certains pratiquent au détriment de Dieu et de leur prochain. En effet, il raconte une histoire qui s’est passée en Galilée. Là-bas, les grands propriétaires avaient des intendants. Ceux-ci, dans l’exercice de leurs fonctions, allaient très vite devenir des spécialistes du détournement et des professionnels du pillage des ressources qui ne leur appartiennent pas. Ils piquaient dans la fortune de leur patron, parti en voyage à Jérusalem. Lorsque l’un de ces intendants était pris la main dans le sac, il s’empressait de soudoyer les autres et d’étouffer ainsi toutes velléités de dénonciation. Tous les autres intendants faisaient pareil. Bien plus, ils faisainet même parfois preuve d’une certaine « générosité », en diminuant la dette de certains de leurs débiteurs; mais c’était uniquement pour faire taire ces derniers.

Le Christ raconte cette histoire à ses disciples, en souriant de temps à autre pendant son discours. A cause de ce sourire, on aurait penser qu’il se rejouissait de cette histoire. En clair, qu’il faisait une espèce d’éloge des Intendants fraudeurs et véreux. Oh que non! En fait, C’est moins sur les pratiques douteuses des intendants que le Christ fixe le centre de son propos. Mais il « salue » plutôt l’habileté de ceux qui les pratiquent d’opérer leurs fraudes et magouilles. D’autant plus que ceux-ci sont crédités d’un bon bilan dans la gestion des affaires qui leur sont confiées. Donc, s’ils sont fraudeurs, ils sont aussi des gestionnaires dont le bilan n’est pas défaillant. Le Christ recommande donc à ses disciples d’être également habiles; mais dans une autre intention et dans un autre domaine: l’amour pour le royaume de Dieu. Il leur demande donc ceci: « Et vous, les enfants de lumière, êtes-vous aussi habile pour le royaume de Dieu? ». Il va même plus loin en leur dire que les Intendants, même s’ils ont fraudé, ont tenu leur gestion à jour; et, de la sorte, ils pourront certainement avoir une autre tâche du genre à effectuer. Mais, poursuit-il, « quel gestionnaire qui ne tiendra pas bien son affaire sera reconduit à quelque poste que ce soit, même s’il n’a pas fraudé? »

Ces textes sont d’une grande actualité. Dans notre société actuelle où seul compte le bilan des gestionnaires, quelques soient les moyens utilisés, la « leçon » du Christ sonne comme un mode d’emploi pour beaucoup de dirigeants. Mais ceux-ci ne l’appliquent qu’à moitié; notamment le fait de truander pour obtenir de « bons résultats », ou encore, faire preuve d’habileté, et ressembler ainsi aux Intendants de la parabole sus-évoquée. Mais, pourront-ils user de cette « bonne gestion » et de leur habileté pour « gagner le ciel? » Pas sûr.

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