C’est par un entretien au palais de l’Elysée avec le président français Nicolas Sarkozy que Paul Biya a terminé sa visite en France vendredi dernier. Déprogrammé de son horaire initial (10h), ce tête-à-tête a eu lieu finalement à 16h. Le nouveau président français ayant eu à gérer un agenda très chargé ce jour-là avec la fin du « Grenelle de l’environnement » et surtout un rendez-vous à l’improviste avec les cheminots en grève depuis quelques jours.
Dans leur entretien, les deux chefs d’Etat ont abordé plusieurs sujets. Selon certaines informations, il a très peu été question de politique ; surtout pas de politique interne camerounaise. Ils ont surtout fait le tour d’horizon des relations bilatérales entre les deux pays. « Nos entretiens ont porté sur une sorte de revue de la coopération bilatérale. Nous sommes parvenus à la conclusion que cette coopération se portait bien » a dit Paul Biya aux médias.
Poursuivant dans son compte-rendu de son entretien avec son homologue français, le président Biya s’est aussi réjoui du fait que, « l’Afrique compte au rang des priorités du président Sarkozy ». Une affirmation qu’on peut avoir peine à confirmer, tant les exemples et les preuves de cet intérêt affiché de Nicolas Sarkozy pour l’Afrique ne semblent pas patents. On peut néanmoins lui reconnaître la volonté de ne pas trop s’immiscer dans les affaires internes des pays du continent, ce qui en soi, peut être considéré comme un « intérêt affiché ».
Mais pour le reste, le président français réaffirme quasiment au quotidien qu’il entend promouvoir davantage les relations économiques avec les pays étrangers. Il en a sans doute parlé avec Paul Biya. Et, sur ce terrain, les deux hommes n’ont pas manqué d’aborder le projet de construction d’une voie de chemin de fer entre le Cameroun et
la RCA pour lequel le groupe français Bolloré est candidat. (Lire à ce sujet l’encadré).
Par cet entretien, le Président Biya mettait ainsi fin à sa visite d’Etat en France commencée mardi 23. Elle l’aura conduit aussi à l’Unesco, où il a tenu un discours à l’occasion de la 34e Conférence générale de cette institution. Des entretiens informels et une rencontre avec le Secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie Abdou Diouf ont également ponctué ce séjour en terre française.
ENCADRE : Paul Biya et la « Une » de la discorde
Paul Biya en Une d’un quotidien français. Le quotidien gratuit Matin Plus avait en effet choisi de consacrer sa Une de vendredi dernier au président camerounais avec le titre suivant : « Le président du Cameroun reçu à l’Elysée ». Mais cette initiative a été épinglée par d’autres journaux et des associations de droits de l’homme, notamment Survie. Réagissant le premier, l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur a critiqué cette Une et les articles sur M. Biya à l’intérieur de ce journal. Ce sont des articles de propagande, ont dit en substance les journalistes du Nouvel obs.
Car en effet, Matin Plus, propriété du groupe Bolloré, a semble t-il pris cette initiative parce que son propriétaire Vincent Bolloré est candidat à un marché juteux au Cameroun. Sachant que c’est ce jour-là même que le président Biya devait être reçu par M. Sarkozy (par ailleurs grand copain de M. Bolloré),
la Une de Matin Plus avait vocation à mettre la pression sur le président français afin qu’il convainque son homologue camerounais de lui accorder la construction de la prochaine ligne de chemin de fer (800 km) entre Yaoundé et Bangui en RCA.
La présidente de l’association Survie, Odile Biyidi, interrogée à cet effet dit ceci : « Cette une illustre certainement l’utilité de posséder des journaux quand on a des intérêts en Afrique », avant de rappeler plus loin que, M. Bolloré n’est pas un novice dans ce genre de coup et que son groupe est habitué à une certaine « prestation de service aux hommes politiques ».
La couverture de Vendredi dernier ne dérogeait donc en rien à cette habitude. Pire même, dans l’article d’intérieur, seuls les « mérites » du président camerounais ont été évoqués. On y parle de la volonté du « président camerounais de moderniser le système démocratique de son pays ». Pas un mot sur les élections controversées, ou encore sur les rumeurs de modifications de la constitution affichée par certains thuriféraires du pouvoir pour permettre à Paul Biya de se représenter en 2011. Rien non plus sur les récentes émeutes survenues au Cameroun dont ceux ayant entraîné l’assassinat de deux conducteurs de taxi-motos. En fait, rien qui fâche.
Nous avions signalé le très faible intérêt des médias français pour la visite officielle de Paul Biya en France. Il est dommage que la seule initiative venue nous démentir, celle de Matin Plus donc, soit entachée d’autant de d’arrière-pensées et de raisons subjectives.