Ismaél Beah: Enfant-soldat devenu ambassadeur de l’Unicef

Heureux qui comme Ismaél Beah a fait un beau voyage. Un beau voyage? Oui. Un très beau voyage même; qui l’a mené des forêts sierra léonaise et libérienne jusqu’au siège social de l’Unicef à New York. Un voyage digne d’un conte de fée, digne de l’histoire d’Ulysse ou de Jason; J’exagère un peu dans la comparaison, mais bon, il ne faut pas faire la fine bouche face à l’histoire de ce jeune homme qui a fait l’actualité des gens célèbres ces derniers jours.

Ismaél Béah est un jeune sierra léonais de 27 ans, devenu cette semaine, Ambassadeur de bonne volonté de l’Unicef; plus exactement « Défenseur de l’UNICEF pour les enfants affectés par la guerre« . Habituellement, cette fonction symbolique, mais très honorifique est attribuée aux stars du Cinéma, du Sport, de la Culture, et même à d’anciennes personnalités politiques de premier plan, notamment ceux ayant oeuvré dans l’Ecologie, les Droits de l’homme, la Bonne gouvernance… Mais Ismaél Beah n’appartient à aucune de ces catégories. Il sort du néant. Pire même, de l’enfer. Celui de la guerre.

En effet, IB (ses plus simples initiales) a été enfant soldat dans son pays la Sierra Léone. Il a été enrôlé dans les troupes rebelles pour porter les armes et combattre contre des ennemis. C’était au début des années 90. Ses parents et ses deux frères ont été tués dans cette guerre civile en 1992. Le jeune homme a alors 12 ans. Dès cette même année, il est « réquisitionné » comme soldat avec de milliers d’autres jeunes enfants comme lui. Commence alors pour lui, une vie de sauvage et de criminel, qui l’amènera à « tuer pour le plaisir de tuer » comme il le dit lui-même. Son calvaire, et le mot n’est pas assez fort pour exprimer ce qu’il a vécu, va s’achever en 1996, quand il sera démobilisé.

A partir de cette année, il commence un autre « combat ». Celui-là, tout aussi difficile que l’épreuve de la guerre à laquelle il a été soumis pendant plus de trois ans. C’est celui de faire un trait, une croix, sur sa vie passée; d’oublier les massacres qu’il a commis, ou ceux dont il a été le témoin direct. Pour cela, il reprend le chemin de l’école à Freetown la capitale du pays. Loin des forêts dans lesquels il se battait. Loin aussi du regard de ses anciens « collègues » de guerre, et des autres enfants qui l’accompagnaient.

Mais, à peine avait-il commencé cette (re)socialisation par l’école que le conflit armé, jusque là cantonné aux régions de l’intérieur du pays, atteignait la capitale. Il dut alors fuir en exil et, errer de pays en pays. D’abord la Guinée, pays voisin. Puis, de Conakry, il fait un grand saut vers Le Cap en Afrique du sud, avant de revenir quelques mois plus tard à Abidjan en Côte d’Ivoire. Après avoir ainsi bourlingué pendant presque deux ans, sans faire grand chose, il atterrira aux Etats-Unis en 1998.

Au pays de l’Oncle Sam, il est accueilli par l’écrivaine Laura Simms. Cette dernière, conteuse professionnelle, deviendra en quelque sorte comme sa deuxième maman. Elle l’aidera à poursuivre cette scolarité, et, il étudiera même après les sciences politiques dans un collège américain.

Mais ce n’est pas sur les bancs de l’école que IB s’est révélé au monde. C’est davantage dans son activité de militant des droits des enfants. Et notamment des enfants soldats comme lui même l’était. Grâce donc à l’entregent de Laura Simms, il va sillonner les grands milieux politiques américains et surtout les assemblées de l’ONU pour sensibiliser les grands dirigeants de ce monde à la question des enfants-soldats. Pour être encore plus persuasif, il va publier un livre sur ce sujet: Long Way Gone: Memoirs of A Boy Soldier. C’est un roman autobiographique dans lequel il parle de son expérience d’enfant-soldat et de l’espoir qu’il y a d’en sortir pour vivre une vie « normale ».

La vie d’IB n’a pas été simple. Mais il s’en est sorti. Combien d’enfants-soldats en Sierra léone, au Libéria, en RDC, en Ouganda et ailleurs encore auront sa chance? Pas beaucoup certainement. Mais, l’espoir est désormais permis, au regard de son expérience; au regard du beau voyage qu’il a fait. De l’enfer, à la vie. Bravo à lui. Et que désormais, il profite de la tâche que lui a confiée l’Unicef pour aider d’autres enfants-soldats, à faire le même chemin de l’enfer à la vie. Rien que çà.

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