C’est leur anniversaire aujourd’hui. 25 ans pour Paul Biya. 6 mois pour Nicolas Sarkozy. Il ne s’agit bien entendu pas de l’anniversaire de leur jour de naissance. Mais plutôt celui de leur « jour de gloire »; c’est-à-dire, celui de leur accession à la magistrature suprême de leur pays respectif (Cameroun et France). Les deux hommes se sont rencontrés il y a près de deux semaines. Ont-ils parlé, par anticipation, de ces anniversaires? Je doute que si. Mais certainement se sont-ils posés dans l’optique du temps. Le temps du pouvoir. Car tous les deux adorent le pouvoir et le temps, même s’ils n’ont pas le même rapport avec ce temps.
Nicolas Sarkozy, lui, a défini depuis longtemps sa stratégie par rapport au temps en politique. Agir vite (précipitamment?) et surtout éviter de vouloir durer. Chez Paul Biya, à l’analyse, on se rend compte que c’est tout le contraire: durer, et surtout, ne pas agir vite mais plutôt lentement et très lentement même.
Sans vouloir rentrer dans le fond des dossiers et leur signification pratique, on dirait que les 6 mois de présidence de M. Sarkozy sont au moins égal au quart de siècle de gérance de M. Biya. L’un a engagé des chantiers urgents pour son pays très rapidement, l’autre a pris son temps pour ne rien faire quasiment. Le premier a compris que, seule l’action est prépondérante quand on est aux affaires; le second s’est dit que seules la discrétion, l’effacement (l’inaction?) sont les moyens de gouverner.
On pourra toujours dire qu’on les jugera aux résultats. Mais, tordons tout de suite le bec à ce genre de jugement fallacieux du genre fuite en avant. Car, en 25 ans de présidence, le Cameroun de M. Biya ne semble pas être plus développé, plus avancé qu’il ne l’était déjà quand il prenait le pouvoir. Dans le même temps, la France a quand même changé depuis que M. Sarkozy est président; c’est-à-dire il y a 6 mois. En effet, plusieurs réformes sont mises en routes (après on n’est d’accord avec ou pas; c’est un autre débat). La classe politique, administrative, diplomatique est tout aussi mobilisée tous azimuts. « Les choses bougent » pour reprendre une expression consacrée. Et ce depuis 6 mois seulement.
Au Cameroun, on évolue à vitesse de tortue; d’ailleurs pourquoi se gêner, puisque là-bas, on dit que la vitesse de la tortue c’est la vitesse du sage. On annonce un projet, et on le « réalise » des années plus tard. A titre d’exemple, la réforme universitaire, annoncée au milieux des années et faite en 93. Le projet de construction d’un stade de foot qui existe depuis 20 ans au moins et qui n’est jamais réalisé. D’autres « dossiers » plus importants encore croupissent ainsi dans les beaux esprits de notre président, sans jamais avoir l’heur de se matérialiser.
Partout, où les hommes installés au pouvoir suprême pensent avoir un peu de respect et de considération pour leur peuple, ils s’imposent de faire le bilan de leur action chaque fois qu’est venue l’anniversaire de leur accession au « trône ». Dans la France de M. Sarkozy, cela est vrai, comme çà l’était déjà avant lui et certainement çà le sera après. Tous les mois environ, lui ou ses partisans ou même ses détracteurs dressent ensemble le bilan de son action. Il y ressort des choses faites, des promesses non tenues, des réalisations à faire ou parfaire. Bref, quelque chose quand même. En revanche, au Cameroun, seul le folklore est grand en jour anniversaire. Des discours creux sur « l’homme du 6 novembre » sont pondus sans retenue par une certaine presse, qui, même par pudeur, ne dresse même plus les « grandes réalisations » effectuées par M. Biya. Le peuple n’est pas non plus entretenu par celui-là même qui se réclame de sa confiance. Pas une action, pas une descente sur le terrain, pas un discours bilan. Rien; pire même, une présence à l’étranger dans quelques lieux cossus et huppés. Certainement pour fêter tout seul « l’anniversaire » en question.
En ce 6 novembre, M. Sarkozy a rendu visite à des marins pêcheurs en grève; il a évoqué le sort de ses compatriotes détenus dans une sordide affaire au Tchad. Il est allé au Etats-Unis pour une visite officielle. Dans la même journée, il a donné son point de vue sur la crise entre l’Iran et la communauté internationale; il s’est aussi exprimé sur plein d’autres sujets. Même si, comme d’habitude il a suscité la polémique dans la plupart de ces sujets. Bref il a quand même bougé et a été actif en ce jour anniversaire de son arrivée au pouvoir. Au Cameroun, M. Biya a été absent, n’a rien dit; ni en discours, ni en communiqué, ni en descente sur le terrain. Rien, et rien de rien. Mais, c’est son avantage, n’a suscité aucune polémique. C’est çà l’avantage de jouer les Fantômas.
Par ces deux exemples, on constate donc que chacun de nos deux protagonistes a vécu son jour anniversaire de gloire à sa manière. Bon anniversaire MM les présidents.