La crise militaire (encore appelée « coup d’Etat ») ouverte au Tchad le week-end dernier (du 1er au 4 février) s’est achevée. Pour un moment certainement. J’en ai parlé dans un article précédent. Le dénouement est arrivé dans la même cacophonie qui avait présidé le déclenchement. C’est-à-dire, dans un flou total, tant sur les « acteurs » réels, que sur les acteurs extérieurs, que sur les implications des uns et des autres. Bref, les seules certitudes qui soient admises sur ce sujet en ce moment, c’est que les rebelles ont battu en retraite (sans trop d’explications), et Idriss Déby est sorti de son bunker présidentiel en chef victorieux (alors que pendant deux jours il était en apnée).
On saura dans les jours à venir toutes les conséquences, tant humaines que politiques et diplomatiques de cette crise. On saura aussi quel est le coût financier, psychologique et moral de cette tragédie. Mais dores et déjà, et ceci est sur le plan diplomatique, on sait que cet épisode bizarre aura marqué un tournant dans les relations entre la France et le Tchad. Dans le conflit du week-end dernier, il est à peu près certain que la France a joué un rôle important pour éviter le pire au soldat Déby. Au nom de quoi? Des accords militaires signés entre les deux pays en 1976, nous dit-on. C’est tout? Autrement dit, c’est uniquement pour des accords aussi vieillots, signés à une autre époque (celle de la Guerre froide), illisibles au regard de la situation socio-politique du Tchad (et même de la France) d’aujourd’hui, que la France a déployé hélicoptères, mirages, et autres armes lourdes et légères pour permettre au petit chef de N’Djamena de garder son poste?
Cette thèse officielle est tellement banale voire grotesque que aucune personne avisée ne pourrait y croire. Pour en savoir plus, on a eu un début de réponse hier (6 février) de la bouche du président tchadien lui-même. Cette raison supplémentaire de « l’aide » française à la »victoire » de M. Déby c’est la »grâce » que se dernier serait prêt à accorder aux membres de l’Arche de zoé. L’arche de zoé, vous vous souvenez? Ce groupe « d’humanitaires » qui étaient allés « sauver » des enfants du Darfour, et qui avaient tenté des les « amener » vers la France avant d’être arrêtés. Ces six membres de l’Arche de zoé qui avaient été condamnés au Tchad à huit (8) ans de Travaux forcés et plus de 6 millions d’euros de dommages et intérêts. Ces mêmes gens qui avaient pourtant été transférés après leur condamnation vers la France deux jours après leur condamnation en Afrique. Ces mêmes membres de l’Arche de zoé enfin qui avaient vu leur condamnation tchadienne convertie en huit (8) ans de prison en France le 28 janvier dernier, parce que les Travaux forcés n’existent plus en droit français.
Ce sont donc eux (les membres de l’Arche de zoé) qui semblent avoir, en partie, motivés la France d’engager son armée et sa diplomatie (voir les gesticulations du French Doctor Kouchner) au Tchad; puisque dès le lendemain de la fin des hostilités, il est désormais question de les gracier. Cette stratégie ou plutôt ce deal est vraiment ignominieux. Car, que la France défende ses ressortissants, c’est son droit le plus absolu. Qu’elle soutienne un roitelet au méthodes de gouvernance obscure, et qui, depuis 18 ans qu’il est en poste, n’a pas montré quelques signes que ce soient de faire sortir son peuple de la misère (malgré la découverte, l’extraction et la commercialisation du pétrole ces dernières années), n’est déjà pas acceptable. Qu’elle intervienne directement dans des affaires intérieures des africains (même s’il s’agit d’une guerre), sous le prétexte « d’accord de coopération » vieillot et éculé, est aussi à peine compréhensible.
Mais, le pire est à venir. Car si la France a marchandé la « défense » de son « ami » Déby contre la libération (même par grâce) des membres de l’Arche de zoé, alors qu’on sait ce qu’ils ont fait, c’est à tout le moins se foutre de la gueule du monde. A commencer par les 103 enfants et leur famille, principaux VICTIMES dans l’aventure des « humanitaires » de Zoé. C’est aussi se foutre de la gueule des tchadiens (la jeunesse, la justice, les forces de sécurité…) pour qui, un tel marchandage s’apparente, au moins à une insulte, au pire à un bras d’honneur. Ce bras d’honneur s’adresse aussi à toute la jeunesse africaine, qui s’est appropriée l’affaire des enfants malmenés dans »l’affaire de l’Arche de zoé ».
Il viendra un jour où, la France sera plus amie avec l’Afrique et les africains. Ce jour-là, c’est celui où elle n’en fera plus qu’à sa tête sur le continent. Ce jour-là, c’est celui où, tout en préservant de manière ouverte et claire ses intérêts, elle ne sabordera pas ceux des africains. Ce jour-là, ce sera celui où, au détriment des populations nombreuses, elle ne continuera plus à soutenir des petits potentats qui ne servent que leurs intérêts, et qui, par leur mauvaise gestion, provoquent de graves crises humaines, dont l’une des conséquences immédiates est l’immigration des jeunes africains vers la France et les autres pays d’Europe. Ce jour-là, doit vite arriver, sinon, des évènements comme ceux du Tchad, de la Côte d’Ivoire en 2004, du Rwanda l’an dernier, où la population (les jeunes notamment) ont du faire des grandes manifestations aux cris et slogans anti-français, recommenceront demain, au Togo, au Bénin, au Cameroun, et un peu partout. Ce qui serait bien dommage, pour les africains, mais aussi et surtout pour la France.
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