Les mots de Rama

Rama Yade a du chic. Pas seulement pour son goût pour les fonds de teint et les tenues de jeune fille post-pubère à la mode classe-tailleur. Mais aussi pour les formules et les mots pour évoquer, qualifier, analyser, commenter…certaines situations. Ainsi, dans ce registre, on se souvient de son fameux « la France n’est pas un paillasson sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s’essuyer les pieds du sang de ses forfaits », balancé au sujet de la venue en France au début du mois de décembre 2007. Ouah. La formule choc, qui, en ce temps-là, fit couler beaucoup d’encre et de salive. Je ne listerai pas ici d’autres interventions de la ministresse française des Droits de l’homme; la liste serait trop longue.

Mais sa dernière sortie en date a retenue mon attention. Evoquant la couverture médiatique de la vie privée du président Sarkozy, elle a traité les journalistes de CHAROGNARDS. « Ce qui me frappe c’est l’extrême violence des attaques contre le président de la République. Des attaques personnelles, ciblées, que je trouve indignes et infamantes (…) On a l’impression de voir des charognards qui ont humé l’odeur de leur proie et qui fondent sur lui et qui s’acharnent », a t-elle déclaré à la radio RTL il y a quelques jours. Poursuivant dans sa lancée, elle a même parlé de « chasse à l’homme ».

Il n’est pas nécessaire de faire une étude ni stylistique, ni sémantique de ces propos pour en voir la virulence et la gravité. Il est à peu près sûr que, quand elle les a prononcés, Mme Yade devait être très remontée, très fâchée. J’ose croire que, c’est cette colère, cette fâcherie qui l’ont conduit à de propos aussi déplacés. Car, pour en vouloir à ce point à la presse (elle qui l’a faite d’ailleurs et l’a en grande partie propulsée là où elle est), et sur un sujet qui ne la concerne même pas directement (le président est suffisamment grand pour répondre à ceux qui s’en prennent à lui, en témoigne les procès qu’il a intentés ces derniers temps contre certains médias), elle devait en avoir gros sur le coeur.

On aurait pu ne pas lui en vouloir si elle n’était pas coutumière de ce genre d’excès de langage. Pour s’en justifier, elle se réfugie souvent derrière son « franc-parler ». Soit. Mais ce « franc-parler » exclut-il les mesures de bon sens? Altère t-il son jugement au point où ses propos soient toujours excessifs, à tel point que certains de ces collègues et amis du gouvernement s’en désolidarisent? Assurément pas.

Rama Yade a sans doute été (et continue t-elle de l’être d’ailleurs) bercé par ces commentaires qui faisaient d’elle la benjamine du gouvernement (Le président et le PM ne le disent-ils pas assez souvent?). Elevée à l’africaine, elle sait aussi qu’on passe souvent beaucoup de caprices et de bêtises aux benjamins. Est-ce parce qu’elle sait que MM Sarkozy et Fillon la savent comme benjamine (et aussi une « gamine »?), et semblent être moins exigeant avec elle, qu’elle use et abuse d’un langage parfois très peu convenant? Si elle pense cela, et en joue, elle ne perd rien pour attendre le retour du bâton. Car, comme souvent dans ces cas, quand fini l’Etat de grâce, les « représailles » sont graves et douloureuses.

Rama Yade a certainement beaucoup de qualités à faire valoir, que des propos idiots comme ceux qu’elle a lancés envers les journalistes sur RTL. Elle espère aussi certainement mener une longue carrière politique dans ce pays. Si elle a bien lu ses manuels d’histoire politique, ou même tout simplement les journaux, elle doit donc savoir que, quand on se montre aussi malveillant envers les gens, on ouvre ni plus ni moins une boîte à pandore qu’on aura du mal à refermer. En d’autres termes, en s’attaquant de manière aussi grossière aux journalistes, comme aux élus d’opposition ou à tout autre personne, on s’expose, du moins à une vendetta, sinon à une réplique parfois franche ou discrète de ceux qu’on a attaqués. Les journalistes ne la louperont donc pas à la première occasion venue. Et, à ce moment-là, elle verra sans doute à quoi doivent ressembler des « charognards ». 

Les mots en français ont un sens (plusieurs même). Quand on les utilise on en mesure la portée. Visiblement, ce n’est pas la préoccupation première de MMe Yade ces derniers temps. C’est bien dommage, car, à son tour, elle fera sans doute face à une salve de propos similaires, où l’injure le disputera au grossier et au « malveillant ». 

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