Archive pour avril 2008

Le business de l’immigration choisie »

Mercredi 30 avril 2008

« L’immigration choisie » est un business. Comme la vente des Airbus et des centrales nucléaires et autres armes de fabrication française. Pour s’en convaincre, il suffit de voir comment, à chacun (ou la plupart) de ses déplacements depuis son élection, Nicolas Sarkozy emporte avec lui dans ses bagages, de grands chef d’entreprises françaises, quelques ministres compétents sur les Affaires étrangères (Droits de l’homme, Europe, Ecologie) et aussi…l’ami Brice Hortefeux, ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale.

Alors qu’on pensait que ses compétences étaient d’abord nationales (son ministère s’appelle bien Immigration et Identité nationale…), que va faire ce dernier dans les déplacements du président en Chine, en Afrique noire et hier encore en Tunisie? La réponse est simple, il va promouvoir son « affaire » d’immigration choisie. Car, il ne faut pas surtout qu’on nous dise que ces déplacements de M. Hortefeux concernent le volet « Codeveloppement » auquel son ministère est aussi compétent; il y a longtemps que des études sérieuses ont montré que, ce cher Codéveloppement est, au moins une mauvaise plaisanterie, au pire une idiotie à laquelle personne ne croit plus. Je n’entrerai pas dans les raisons profondes qui amènent à ces jugements. Toute personne qui s’intéresse un peu au sujet de l’Immigration (précisément celle des africains vers la France), de ses causes, de ses conséquences et surtout des moyens pour y remédier arrivera au moins aux mêmes conclusions.

Revenons au bizness de l’immigration choisie. On a appris que le ministre Hortefeux avait signé en Tunisie un accord de gestion des flux migratoires avec ce pays. Auparavant, il l’avait déjà fait avec d’autres pays tels que le Bénin, le Sénégal, le Gabon. Sans doute le fera t-il aussi avec la Côte d’Ivoire, le Cameroun, la Turquie, la RDC, gros pourvoyeurs d’immigrés (légaux et clandestins » en France. Et après ces pays, d’autres encore certainement. Mais au final çà donnera quoi? Quels en seront les résultats?

Jusqu’ici, la déclinaison de « l’immigration choisie » ressemble toujours (hélas!) à la mise en place d’un système où on va faire son marché dans les pays d’émigration. En clair, avec quelques promesses et des beaux sourires, on va sillonner les pays africains pour « choisir » quelques beaux cerveaux qui viendront en France après. Dans ce cas, pourquoi ne pas ouvrir aussi une Foire de l’emploi aux aéroports de Roissy et Orly ainsi que dans les ambassades françaises à l’étranger pour y sélectionner les futures recrues de cette immigration choisie? Ainsi au moins, on assumera la vraie raison de ce concept qui n’est ni plus ni moins qu’un concept de business. Et un biz, c’est un biz.

France: Que faire des sans-papiers?

Lundi 28 avril 2008

Que faire des sans-papiers en France? La question peut paraître provocante pour certains, et pour d’autres, sans intérêt Mais la réapparition dans l’actualité (à la faveur de la grève d’un millier de travailleurs clandestins à Paris et dans sa région) et le débat politique et publique de ce sujet ces derniers jours montent bien que, les Sans-papiers sont un problème dont il faut s’occuper sérieusement aujourd’hui, afin de ne plus le voir ressurgir tous les 6 mois, et précisément le plus souvent à la veille ou au lendemain de scrutins électoraux. Comme une vieille rengaine ou un épouvantail qu’on agite, à dessein, pour rassurer un certain électorat.

Au sujet de la dernière « affaire » en date sur les sans-papiers, le gouvernement, Président de la république, premier ministre et ministre de tutelle en tête se sont prononcés de manière catégorique pour une « régularisation au cas par cas » de ces travailleurs clandestins qui demandent un titre de séjour afin de sortir de la clandestinité. D’autres leaders politiques de Droite comme de Gauche les ont suivi dans cet argument. Mais espère t-on qu’après avoir étudié (et régularisé?) au « cas par cas » la situation des quelques 900 individus clandestins en grève ne ce moment, on aura solutionner le problème des sans-papiers en France alors qu’on estime leur nombre total à « 200 000 à 400 000?

Certainement que non. Régularisé 1000 travailleurs clandestins nous parlons bien de travailleurs, et pas d’assistés ou autres délinquants) est une solution à courte vue et totalement improductive aussi bien pour la France, que pour les individus en question. Avec quels moyens (techniques et financiers) va t-on expulser ce contingent, si on ne se résout pas à les régulariser un jour ou l’autre (même sous conditions)? Quels pays d’origine (africain notamment) acceptera de signer des laisser-passer pour 2000 ou 5000 personnes à réadmettre sur son territoire alors même que ces personnes sont un poids en moins voire un soutien financier considérable pour l’économie du pays? Quel réseau éducatif ou petit patron, ou voisin du quartier…restera sans voix quand on devra rapatrier soit l’élève, soit le salarié, soit le voisin bien intégré?

L’administration et les politiques responsables devraient se poser ces questions et d’autres encore pour comprendre combien peut être difficile l’entreprise de vouloir « renvoyer tous les clandestins chez eux ». Ainsi, la solution du « cas par cas » prôné par tous en ce moment, pour sortir de la crise des sans-papiers de la restauration et du bâtiment en grève est insuffisante pour résoudre à terme le problème général des sans-papiers en France. Que faut-il faire? Demanderont certains.

Il faut se mettre à l’évidence que, une régularisation plus importante (je ne parle pas de MASSIVE, puisque le mot semble en effrayer certains) est certainement la solution la plus cohérente et efficace aujourd’hui et demain. Pour cela, il faut que les politiques et les médias expliquent que le « fameux appel d’air » qu’ils présentent comme une conséquence des régularisation de grande ampleur est un LEURRE, si ce n’est tout simplement un chiffon rouge qu’on agite pour effrayer les moins informé. Y a t-il eu, plus qu’ailleurs, une ruée d’étrangers en Espagne et en Italie ces derniers mois, alors qu’ils ont régularisé respectivement 700 000 et 500 000 (soit plus du nombre total de clandestins en France) personnes il y a deux ans? Pour qu’il y ait « appel d’air » il faudrait également qu’il y ait des possibilités d’entrées dans ces pays; mais sait-on quel parcours du combattant les candidats à l’émigration dans un pays européen doivent braver aujourd’hui? Il faudrait surtout qu’ils finissent par admettre que les immigrés sans-papiers sont des travailleurs comme tous les autres et que le fruit de leur travail profitera davantage à la France qu’à leur pays d’origine. De ce fait donc, c’est une chance de les régularise dans cette optique.

Sinon, il faudrait alors mettre fin à l’hypocrisie actuelle qui les laisse vivre sur place, payer des impôts, bénéficier gratuitement de quelques services de première nécessité (aide médicale et de transport par exemple), alors même qu’ils sont dépourvus de toute reconnaissance officielle que viendrait matérialiser un titre de séjour. Il faut aussi dire qu’un clandestin régularisé est désormais « contraint » de travailler, de se déplacer aussi sans crainte, et même…de retourner dans son pays, en vacances ou pour s’y réinstaller. Ce fut le cas des portugais qui débarquèrent en France dans les années 50, 60, 70; beaucoup repartirent dans leur pays après y avoir construit des maisons pour leur retraite. Les clandestins d’aujourd’hui, majoritairement africains et chinois, le ferait sans aucun doute également, s’ils avaient la garantie qu’ils pourraient travailler en toute légalité.

FRANCE : Le président Sarkozy s’exprime

Jeudi 24 avril 2008

On attendait qu’il parle. Et il l’a fait. Depuis quelques semaines, les français attendaient un discours ou une intervention solennelle de leur chef de l’Etat. Celui-ci a répondu à cette « demande » jeudi soir dans un long entretien télévisé face à 5 journalistes. Il faut dire que cette parole était d’autant plus attendue que, depuis plusieurs semaines, la quasi-totalité des sondages et enquêtes d’opinion montrent un désamour (le mot n’est pas assez fort) entre les français et leur président. Le dernier en date révélait même que 79% des français sont contre l’action du président Sarkozy. En outre, une longue série de couacs et de ratés au sein du gouvernement est venue assombrir encore un peu plus l’horizon du président et de ses ministres. Eu égard à tout cela, M. Sarkozy se devait donc de s’exprimer face à ses compatriotes. 

Pendant 90 minutes, il a donc abordé tous les sujets et répondu aux questions de ces interviewers. S’il a voulu se montrer pédagogue sur un certain nombre de points (notamment sur les Réformes engagées depuis son élection) il se sera aussi révélé très emprunté et même approximatif sur des sujets plus précis comme l’international (le Tibet) et l’immigration en France (notamment la question des sans-papiers). 

Sur ce dernier sujet, c’est par des boutades qu’il a du donner le change au journaliste qui l’interpellait sur le sort que le gouvernement doit donner aux quelques 800 sans-papiers africains qui travaillent dans la restauration et le bâtiment et qui sont actuellement en grève à Paris et dans sa région. « Il y a une loi en la matière en France. Et les préfets l’appliqueront au cas pas cas, en tenant compte de la justice, mais aussi de la fermeté » a-t-il martelé.  Il faut juste rappeler que l’Afrique à proprement parler n’a pas été évoqué dans cette longue interview. On savait que notre continent n’était pas sa tasse de thé. Il l’a encore démontré hier soir. Ce n’est donc pas encore l’heure de la « rupture » annoncée sur l’Afrique et un vrai intérêt (autre que paternaliste comme sous Jacques Chirac) du locataire de l’Elysée. Sera-ce à une autre occasion ? Il faut l’espérer en tout cas. 

Souvenons-nous d’il y a 6 ans…

Mardi 22 avril 2008

Il y a six (6) ans jour pour jour, Jean-Marie Le Pen accédait au second tour de l’élection présidentielle. Il y a six ans donc, plus de 16 millions de français accordaient leur vote à un candidat qui avait inscrit dans son programme, entre autres, la haine de l’étranger, le  rejet de tout ce qui n’est pas « FRANCAIS », le refus de l’Europe et bien d’autres idées baroques encore. La suite de l’histoire, on la connaît désormais. Deux semaines plus tard (5 mai 2002), dans un « sursaut républicain » (mon oeil!) les français avaient ensuite dit NON à la xénophobie, à la marginalisation, à la discrimination, au racisme (que certains avaient pourtant approuvé deux semaines plus tôt) proposés par M. Le Pen. Ce dernier fut ainsi battu à plates coutures au second tour de cette élection présidentielle par Jacques Chirac avec 82% des suffrages contre 18%.

Aujourd’hui, qui se souvient de ce 21 avril 2002? Pas grand monde, ou plutôt, beaucoup préfèrent ne pas s’en souvenir. Et ceci pour cause; une autre élection a eu lieu entre-temps, et, elle a effacé le souvenir de cette « date maudite » que le pays a du porter comme un boulet pendant cinq ans. Combien d’émissions spéciales ont été organisées sur cette date-évènement? Une dizaine, une Centaine… Que n’a t-on pas entendu ou lu à ce sujet dans ces émissions politiques  ou dans les journaux entre 2002 et 2007?  Chacun des analystes et des hommes politiques de tous bords agitaient en permanence, pendant cette période, le spectre d’une nouvelle « ca-ta-stro-phe ». Le « syndrome du 21 avril » était devenu un nouveau mal qui menaçait en permanence les français à chaque élection entre 2002 et 2007. On se souvient même que, François Fillon, aujourd’hui Premier ministre, avait comparé la victoire de la Gauche aux Régionales de 2004 (20 régions sur 22), de « 21 avril à l’envers ».  Ce qui lui avait, en partie, coûté son poste de ministre de l’Education nationale.

Aujourd’hui donc, personne n’en parle. Pas même le principal acteur de cet évènement, Jean-Marie Le Pen ou ses affidés. Le grand perdant de ce « 21 avril », Lionel Jospin, n’y fait pas non plus allusion. Ni Jacques Chirac, ni personne d’autre. Pourquoi ce mutisme? Pourquoi pas d’émission anniversaire comme il s’en prépare beaucoup ces jours-ci sur « Mai 68″, sur le « premier anniversaire de Sarkozy à l’Elysée »? A t-on désormais honte de cette date? Ou alors, se peut-il que la blessure ne soit pas encore totalement cicatrisée? Seuls les principaux acteurs de la vie politico-médiatique de ce pays peuvent répondre à ces questions. Ne pas l’évoquer, l’éluder comme ils le font, laisserait germer et naître tous les fantasmes possibles sur ce 6e anniversaire du « 21 avril 2002″. 

 

GREVE DES SANS PAPIERS

Mardi 22 avril 2008

« Régularisation de tous les sans papiers ». C’est le mot d’ordre lancé par 530 immigrés clandestins en grève depuis plus d’une semaine à Paris. Ils sont soutenus par différentes associations de droits de l’homme et de soutien aux immigrés en France. Fait nouveau même, ces travailleurs immigrés clandestins sont également appuyés par leurs patrons, qui ont choisi de les accompagner dans ce mouvement de revendication d’un titre de séjour. 

D’origine africaine (maliens, sénégalais, ivoiriens, camerounais), ces personnes vivent en France depuis plusieurs années. Ils travaillent et paient des impôts. Certains ont des enfants scolarisés. Embauchés après avoir présenté soit un faux papier, soit celui d’un proche, ils sont aujourd’hui excédés de vivre dans une situation de grande précarité administrative et parfois professionnelle. En effet, malgré le fait qu’ils travaillent, ils courent toujours le risque de se faire arrêter et rapatrier à tout moment, pour défaut de titre de séjour. De même, les entreprises qui les emploient courent le risque de lourdes sanctions financières et judiciaires pour « travail dissimulé et aide au séjour irrégulier ». 

 

Commencé à Paris et dans sa région, ce mouvement de grève des sans-papiers a désormais pris de l’ampleur et s’étend à d’autres localités de province. Aussi, il défraie la chronique dans les médias et son traitement occupe une bonne place des journaux télévisés et dans la presse écrite nationale. 

Pour l’instant, l’administration française n’a pas réagi que très timidement à ce « dossier ». Hier lundi, les représentants de ces sans-papiers et des syndicats qui les soutiennent ont été reçus par le directeur de cabinet du ministre de l’Immigration Brice Hortefeux. De cet entretien, il est ressorti que, « sur instruction du ministre », les préfectures traiteront leurs dossiers de régularisation avec « bienveillance ». Une façon de dire qu’ils seront tous régularisés ? Nous le saurons dans les prochains jours. 

Mais dores et déjà, cette grève soulève quelques questions. Alors que Nicolas Sarkozy a déclaré
la France en « chantier », le pays peut-il se priver de personnes qui travaillent de manière assidue et compétente dans des secteurs clés et peu prisés des français comme le BTP, la restauration, l’entretien? Les petits patrons qui emploient ces clandestins et qui peinent à trouver de la main d’œuvre, vont-ils être sacrifier sous l’hôtel de la lutte contre l’immigration clandestine, alors même qu’ils contribuent à leur manière à l’effort de croissance du pays ?
La France peut-elle continuer à faire la politique de l’autruche sur cette question alors même que des études montrent qu’elles a besoin des immigrés pour soutenir sa croissance et assurer son système de retraite ? Serait-ce encore illogique pour les autorités d’entreprendre une vaste campagne de régularisation des sans-papiers conditionnés par leur accès au marché du travail, comme cela s’est fait en Espagne et en Italie ? 

Autant de questions auxquelles, en plus de gérer la situation ponctuelle de ces 530 sans papiers, les autorités françaises devront s’atteler  pour résoudre celle des milliers d’autres clandestins travailleurs qui vivent sur son territoire. 

 

Césaire enterré avec son Cahier…

Lundi 21 avril 2008

Ca y est. Césaire repose à jamais. Il a été inhumé hier chez lui en Martinique dans la sphère familiale au cimetière La Joyau. Après des obsèques nationales qui auront vu des rassemblements en son honneur à Paris, en Afrique et surtout à Fort-de-France, où une grande manifestation a eu lieu dans le stade de foot de la ville.

L’un des principaux enseignements qu’on retiendra de ces quatre jours de frénésie ouvert avec l’annonce de sa mort jeudi dernier jusqu’à son inhumation hier dimanche, c’est que partout les manifestations d’hommage se sont déroulés dans le calme et conformément à ce que le poète lui-même aurait souhaité. C’est-à-dire dans sous le signe de la fraternité, de l’amitié, de l’universalité, de la culture.

Ceux qui ont organisé ces obsèques ont aussi pris la bonne décision en faisant rythmer de ces textes les différents temps forts des obsèques. Ainsi, on a vu que devant la Place de la Sorbonne Samedi, sur l’esplanade de l’Hôtel de ville à Paris, ou dans le stade de Dillon à Fort-de-France, ce sont des artistes, des comédiens, des écrivains qui ont tenu le haut de l’affiche. Ce sont eux qui ont lu les extraits de textes de Césaire. Des textes forts, lourds de sens, et dont on aura pu, à l’occasion (re)apprécier la beauté. Ils ont lu tour à tour des extraits des Armes miraculeuses, de Soleil cou coupé, Cadastre, Ferrements… Certains ont mimé des scènes de ces pièces de théâtre comme Une Saison au Congo, La Tragédie du roi Christophe. Incontestablement, c’est Cahier d’un retour au pays natal qui a été le plus cité dans ses obsèques; et à juste titre. Ce long poème en prose étant certainement l’ouvrage le plus connu de l’auteur.

A des amis qui me demandaient vendredi dernier « avec lequel de ses livres l’accompagnera t-on dans sa dernière demeure? » Je leur avais répondu « certainement, avec Cahier… » Comme pour Zola, en 1902, où les mineurs descendus du Nord de la France criaient « Germinal » (du nom de son oeuvre principale) en accompagnant sa dépouille au cimetière de Montmartre à Paris, la foule rassemblée pour les obsèques de Césaire pensait et criait…en silence « Cahier d’un retour au pays natal« . 

 

 

Obsèques de Césaire: Pourquoi la frénésie des politiques?

Dimanche 20 avril 2008

Pourquoi sont-ils tous allés, Nicolas Sarkozy en tête, à Fort-de-France enterrer Césaire? Par amour pour le poète martiniquais? Par respect de sa carrière, de son oeuvre, de sa pensée? Peut-être. Sans doute même, puisqu’ils l’ont tous confessé, la main sur le coeur même. On va les croire.

On va aussi supputer un peu. Sur la présence du président de la République par exemple. Pourquoi est-il allé aux obsèques de Césaire, alors qu’il avait un agenda bien chargé, avec notamment une intervention télé (Tf1 et Fr2) lundi 21? Sans doute parce que, après son élection, il avait promis d’être « le président de tous les français ». A ce titre, il est déjà allé aux obsèques de plusieurs citoyens, morts pour la plupart dans l’exercice de leurs fonctions. Il a aussi honoré de sa présence les obsèques de personnes dont la carrière ou l’activité avait contribué au rayonnement du pays.

Césaire s’inscrit sans doute dans cette dernière catégorie. Et même bien au delà. Pour cela, Nicolas Sarkozy ne pouvait donc pas s’abstenir d’aller à son inhumation. En plus, au plus bas dans les sondages (le dernier en date paru aujourd’hui révèle que 79% des français sont mécontents de l’action du gouvernement), c’est certainement aussi une manière pour lui de coller à l’actualité et de se montrer le plus proche possible des français. En espérant un retour d’ascenseur de leur part dans les enquêtes d’opinion, où il espère remonter au plus vite.

L’autre raison que ne pouvait ignorer Nicolas Sarkozy en allant aux obsèques de Césaire, c’est le « précédent Senghor ». En 2001, à la mort du poète-président sénégalais, grand ami de la France, député, ministre et académicien de cette République, ni Jacques Chirac, président de la République, ni Lionel Jospin, premier minstre, ne s’était déplacé à Dakar pour rendre un hommage digne de ce nom à l’illustre disparu. Une réaction qui en avait outré plus d’une personne en Afrique et certains dans la classe intellectuelle française.

On se souvient à cette occasion de la tribune de l’académicien Erik Orsenna dans Le Monde. Il y disait tout le mal qu’il pensait des dirigeants de son pays, et sa honte d’être français. Sans doute, si Nicolas Sarkozy n’avait pas été porté Césaire en terre, d’autres comme Orsenna auraient réagi de la même manière que lui à propos de senghor.

 

Voici l’intégralité de la tribune d’Erik Orsenna après l’absence de Jacques Chirac et Lionel Jospin aux obsèques de Léopold Sédar senghor.

Le Monde,04.jan.02 – 13h06 – analyse – On se le disait, le répétait, sans oser y croire. Les masques sont tombés. L’affaire est entendue. La France, désormais, se moque de l’Afrique. De ses fidélités passées, de ses douleurs présentes, de l’avenir de sa jeunesse. Chacun chez soi. Le Nord avec le Nord. Les gueux du Sud entre eux. Merci la Méditerranée. La mer nous protège des appels des plus pauvres.

Un grand d’Afrique vient de mourir, son dernier  » Vieux ». Un grammairien, c’est-à-dire un gourmand de règles sous le désordre du monde. Un poète, c’est-à-dire un chasseur d’échos secrets. Un démocrate, c’est-à-dire un respectueux de la dignité humaine. Un ministre du général de Gaulle en même temps qu’un militant indomptable de son pays. Un ami indéfectible de la France en ce qu’elle a d’universel : sa langue, celle de la liberté.

Quatre-vingt-quinze années d’une telle existence, ça se salue.

On se déplace, et l’on ôte son chapeau quand on porte en terre celui qui a si hautement vécu.

Eh bien non !

Nos autorités en ont décidé autrement. Qui avait ses vœux à préparer. Qui ses vacances à ne pas interrompre. On a envoyé à Dakar un Raymond, de Belfort, et un Charles, des Côtes-d’Armor. Leur valeur ni leur personne ne sont en cause, mais leur statut. Pas de président de la République française. Ni de premier ministre. La terre sur Léopold Sédar Senghor s’est refermée sans eux.

Alors j’ai honte. Honte pour eux et pour nous, Français qu’ils représentent. Honte de leur oubli et de leur petitesse. Petitesse de vision. Croient-ils une seconde vivre en paix, de plus en plus riches, dans la citadelle Euroland.

A Matignon, depuis cinq ans, décide un socialiste. Jamais, depuis des décennies, notre aide publique au développement n’a tant baissé. Malgré une manne budgétaire jamais aussi grasse.

Alors j’avoue ne plus rien comprendre. Pour moi, le socialisme – auquel j’ai adhéré dès le cœur de l’adolescence – était d’abord la défense des plus faibles. Donc du tiers-monde.

Bonne chance, messieurs, pour les élections à venir. Les masques sont tombés. La France pour vous n’est plus qu’une mutuelle. Faut-il déplacer un peuple entier pour choisir le dirigeant d’une société d’assurances ? Un voyage à Dakar vous aurait appris, notamment, l’étymologie. Que Senghor vient du portugais senhor. Un monsieur, un seigneur. Comme celui qui vient de s’en aller.

Je comprends que vous ayez craint son ombre.

CESAIRE ENTRERA T-IL AU PANTHEON ?

Dimanche 20 avril 2008

   

 

Césaire doit-il entrer au Panthéon de Paris (le monument où reposent les Grands hommes de la nation)? C’est la grande question qui est venue « animée » un peu la disparition d’Aimé Césaire, au point même de devenir un sujet politique opposant Droite et Gauche. Ségolène Royal, ex-candidate du PS à la présidentielle de 2007 l’a demandé dès l’annonce du décès du poète. A sa suite, d’autres personnalités de son camp ont suivi. Même Christine Albanel, ministre de
la Culture est allée dans le même sens. En face, les grands leaders de
la Droite ont fait la sourde oreille. Officiellement, personne n’a refusé catégoriquement cette hypothèse. Mais, de manière astucieuse, les dirigeants de l’Ump au pouvoir et d’autres opposants à cette idée ont préféré évoquer l’attachement viscéral que Césaire avait pour les Antilles. Et donc, selon eux,
la Martinique doit être son panthéon ». 

Il faut rappeler que, l’entrée au Panthéon relève en France d’une décision du Chef de l’Etat, en parfaite entente avec la famille du défunt. Cette dernière étant opposée à cette idée, il est donc peu probable que Césaire y repose. A moins que la 3e voie défendue par le Conseil représentatif des associations noires de France ne l’emporte au final ; c’est-à-dire qu’une stèle portant le nom de Césaire soit apposée dans ce Panthéon. Au fronton du Panthéon, il est marqué « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante ». Césaire y aurait toute sa place, car c’était un grand homme. 

 

CESAIRE ET SENGHOR; « amis comme cochons » jusqu’au bout

Samedi 19 avril 2008

« Senghor et moi, on était amis comme cochons ». C’est ce qu’affirmait Césaire dans l’interview de Jean-Michel Djian cité dans le précédent article. Amis comme cochons, ils l’étaient donc; amis comme cochons, ils le resteront certainement là haut. Je ne vais pas retracer ici l’entièreté de leur itinéraire commun; ce serait fastidieux et même sans fin. Seulement, il est important d’en souligner les grandes lignes et d’en donner quelques explications.

Rappelons que Césaire a attendu d’être dans sa 95e année pour trépasser. Exactement comme Senghor qui, à sa mort en 2001, avait le même âge. Les deux compères se sont connus à la fin des années 1920; en 1928 très exactement. Ils auront été très proches l’un de l’autre dès cet date (on peut le lire dans la même interview que j’ai citée plus haut et que je publie en annexe plus bas). Césaire affirmait dans un autre entretien que, ce n’est pas la couleur de peau qui les avait réunis. Mais, sans doute, un même idéal de vie, une même soif d’émancipation, d’élévation vers les cimes de l’intelligence, qu’ils voulaient pour eux-mêmes et pour tous les autres « nègres ».

« Missionnaires » de leur pays respectif (Césaire de la Martinique, Senghor du Sénégal), les deux jeunes hommes avaient débarqué à Paris en ces années 20 pour poursuivre leurs études. Le hasard fit que ce soit vers les Lettres que l’un et l’autre se dirigèrent. Le même hasard les fit se rencontrer dans la cour de recréation dès les premiers jours de leur scolarité, pour ne jamais plus se quitter. C’est fort de cette amitié qu’ils eurent la lucidité et la force de lancer le mouvement de la Négritude, qui restera leur grande réalisation commune.

La Négritude était leur acte de foi en la vie. Leur carte d’identité sociale et littéraire. « Nègre », ainsi avaient-ils été injuriés par un jeune blanc. « Nègres », ils en sont devenus fiers, et, de cette attaque raciale, ils en ont fait l’un des courants de pensée, voire l’un des modes de vie les plus resplendissants et les plus affirmés de l’humanité. La Négritude était, est encore aujourd’hui, et sera toujours demain la fierté d’être noir. Elle regroupe l’ensemble des valeurs des noirs. Et tant qu’il y’ aura des noirs, il y’ aura la Négritude. Autant dire dans tous les temps.

Senghor et Césaire, en plus de la littérature et des langues (anciennes et nouvelles), avaient aussi partagé la passion de la politique. Le terrain politique était à leurs yeux l’espace idéal où devait s’éclore leur vision du monde, théorisée dans la Négritude. C’est en rentrant en politique qu’ils se sont assurés une meilleure publicité pour leurs oeuvres. Et leur poésie a été aussi au service de la politique et vice versa. Césaire ne disait-il pas que « Si vous voulez comprendre ma politique, lisez ma poésie? » preuve extrême que l’une et l’autre étaient liées? Dans les faits, ils auront choisi de jouer dans les deux catégories, et aux premières places. Ils ont donc été élus tous les deux à l’assemblée nationale en 1945. Au palais Bourbon, ils se feront ardents défenseurs des colonies. Césaire, en tant que défenseur de la départementalisation des territoires d’Outre-Mer, et Senghor, pour l’autonomie des peuples colonisés d’Afrique. Chacun d’eux obtiendra satisfaction dans cette revendication principale. 

Plus tard, Senghor retournera au Sénégal occuper les plus hautes fonctions de son pays. Césaire quant à lui continuera de siéger au parlement français et deviendra maire de Fort-de-France. Chacun suivra son chemin, mais à chaque fois que ce sera possible, les deux hommes se rejoindront sur un texte ou sur une manifestation comme ce fut le cas lors du premier Festival mondial des arts nègres de Dakar en 1966, ou encore lors d’une visite de Senghor président du Sénégal en Martinique en 1976.

Leur vision littéraire était plus proche que ne fut leur vision politique. Ceci tient sans doute au contexte. Césaire est resté cantonné dans un environnement politique français, avec ce qu’il y avait encore de marginalisation et de colonialisme entre la métropole et les département d’outre-mer comme sa Martinique natale. Senghor est devenu président d’un pays indépendant, qui, même s’il est resté longtemps inféodé à son ancienne puissance coloniale, avait une marge de manoeuvre plus grande que ne l’eut Césaire. Les réalisations politiques des deux hommes sont à voir dans le domaine de l’éducation et de la culture. Ils étaient tous les deux très instruits et d’une grande culture. Le Sénégal est aujourd’hui, grâce à Senghor, l’un des « quartiers latins » du continent africain. La Martinique ne l’est pas moins dans le regroupement des Dom Tom. Au lendemain de leur vie, Césaire et Senghor ont des laissé é des générations de compatriotes et de bien d’autres  »nègres » l’amour d’être eux-mêmes, et l’amour d’être instruit et cultivé.  

Césaire et la Francophonie

Vendredi 18 avril 2008

La mort de Césaire est une grande perte pour la France, pour les Antilles, pour l’Afrique et aussi pour la Francophonie. S’il n’en a pas été un chantre zélé de la Francophonie politique comme son ami Senghor, il n’en a pas moins soutenu à sa manière la francophonie culturelle.

Sur le plan de la langue d’abord, Césaire a été un fervent défenseur de la langue française. Sans en faire un combat personnel, il a simplement soigné son style afin que le parler présent dans ses ouvrages soit d’une qualité irréprochable. D’inspiration surréaliste à ses débuts littéraires, il est devenu…césairien. C’est-à-dire, à lui tout seul, il a été un style littéraire et linguistique. Un usage de la langue française mêlant des éléments de sa propre vie, de son milieu, de ses fantasmes aussi. Lire par exemple Cahier d’un retour au pays natal est un régal, d’ailleurs comme dans ses autres ouvrages.

Revenons à Césaire et la Francophonie. Dans un dossier que nous avons consacré à ce thème dans le magazine Francophonie du Sud (supplément du Français dans le monde) de mars-avril 2006 (N°11), il livre sa vision la plus récente sur la Francophonie. C’est un extrait de l’entretien qu’il a accordé quelques mois auparavant à l’universitaire français Jean-Michel Djian (in Léopold Sédar Senghor, Génèse d’un imaginaire francophone; Gallimard, 2005, 253 p)

Question de l’universitaire : Quand le secrétaire général dela Francophonie Abdou Diouf est venu vous rencontrer en Martinique en cette année 2005, il disait souhaiter qu’on ne considère pas la francophonie comme un bloc monolithique. C’est votre avis ?

Réponse de Césaire: Exactement. Je suis d’accord. Je sais que nous avons une personnalité que nous devons affirmer. Quel français va-t-on parler ? Oui, d’accord, parler français. Mais je sais que ce que j’exprime n’est pas forcément ce que le français à côté de moi pense, ni ce qu’il sent, ni ce qu’il ressent. Il existe des francophonies. Et, au fond, c’est bien comme ça. C’est ce qui fait la richesse d’une civilisation, non ?

Pourquoi aviez-vous des réserves sur cette grande idée de francophonie ? 

C’était un acte de colonialisme, tout simplement. Cela m’est apparu comme un acte politique, presque une forme d’impérialisme, la francophonie. « Ferme ta gueule, toi qui viens de Dakar ! Ferme ta gueule, toi qui viens des Antilles ! Ferme ta gueule, toi qui viens du Gabon ! » Je n’étais pas du tout anti-français. J’étais contre une forme d’expansionnisme linguistique, ce qui signifiait la mort des cultures spécifiques.

Vous avez toujours la même opinion, trente ans après ? 

Je suis très lié à

la France. J’ai appris à lire en français, à écrire en français, à penser en français. Mais il faut finir avec la francophonie du XIXe siècle. «  Le français partout et on est sauvés ! » Non ce n’est pas de cela que nous avons besoin. Il y a bien trop de cultures à protéger. Parlons plutôt de francophonies au pluriel. 

Tout est dit dans ces échanges.

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