Césaire est Mort aujourd’hui en Martinique. Sa disparition, comme on peut l’imaginer est une grande perte pour beaucoup de monde (ultra-marins, africains, déshérités du monde entier, écrivains, défenseurs des droits de l’homme, « nègres »…). Nombreux seront ceux qui lui rendront un hommage appuyé après sa disparition. J’esquisse ce mouvement ici.
J’ai découvert Césaire il y a quinze ans environ. C’était en classe de seconde, où, un de ses livres (Cahier d’un retour au pays natal) était inscrit à notre programme de français. Depuis cette date, je ne l’ai jamais quitté. Parce que son oeuvre m’a parlé. Parce que sa pensée, sa vie aussi, m’ont séduit. J’ai lu Césaire, j’ai adoré lire les ouvrages qu’il a écrit, les tribunes qu’il a publiées, les interviews qu’il a données aussi. Je ne citerai pas tous ce que j’ai lus de lui. Mais entre le Discours sur le colonialisme, Une Saison au Congo, Cahier…, plus d’une dizaine de livres lus et relus parfois jusqu’à dix fois comme le fameux Discours sur le colonialisme.
La pensée de Césaire, peuvent dire ses détracteurs, étaient une pensée du début du siècle dernier. Ses idées, pas en cohérence avec le monde d’aujourd’hui, car, dans la majorité, elles étaient des idées de « combat », d’affrontement entre les « sans voix » et les autres, entre les « nègres » et les blancs. Soit. C’est un choix qu’il a fait quand il a commencé à écrire et à structurer sa pensée intellectuelle au début des années trente. C’est un choix qui s’imposait aussi si on regarde bien le contexte de l’époque, où la Colonisation (son pire cauchemar) était encore en vigueur. Mais qui peut dire que de nos jours la pensée de Césaire n’est plus d’actualité? Qui peut dire que Césaire est un homme du passé, à l’heure où dans les facs, les lycées et les collèges de France et de plusieurs pays, ses poèmes et pièces de théâtre sont enseignés? Bien plus même, alors qu’il a été visité, courtisé, choyé par les principaux ténors de la scène politique française dans la dernière campagne présidentielle (Ségolène Royal en avait même fait le Président d’honneur de son comité de campagne), qui peut dire que Césaire était encore un marginal, un « has been »? Pas grand monde.
Pas grand monde comme peuvent le confirmer les nombreux hommages qui lui ont été adressés hier. Dans la classe politique, chacun y est allé de son petit couplet. Des anciens présidents (Giscard et Chirac) à l’actuel, des leaders de Droite comme de Gauche, et même dans les partis d’extrême ou Olivier Besancenot du côté Gauche et Jean-Marie Le Pen à l’extrême droite n’ont pas manqué de s’adresser à la presse sur la mort de Césaire. Il y avait beaucoup de fausses bonnes réactions, de vraies tartufferies aussi; Certains auraient même mieux fait de se taire. Mais, sans doute, l’occasion de « coller à l’actualité » comme on dit dans le jargon médiatique était plus fort, et ils l’ont donc saisie.
Il est néanmoins regrettable que personne n’ait mentionné l’ostracisme politique et intellectuel dont il a été victime. En effet, côté littéraire, pas un grand prix, pas une place d’universitaire dans une des grandes facs de la République, pas une place à l’académie française. Du côté politique, pas une place dans aucun gouvernement, alors même qu’il a été député de la nation pendant…45ans. A l’évidence, Césaire gênait; il a derangé beaucoup de personnes dans le système national. Du fait de ses idées? De sa couleur? Assurément.
Le nègre qu’il était, et qui s’était dit fier de l’être (il faut lire Nègre je suis, Nègre je resterai) s’en est donc allé à presque 95 ans comme son ami et compagnon d’écriture Léopold Sedar Senghor. Après avoir traversé tout le siècle dernier, il était entré dans la modernité du XXIe siècle. Portant avec lui le bilan de ses luttes, de ses combats, de sa vision du monde. Des générations de « nègres » et bien au delà auront su reconnaître, à travers son oeuvre que c’était un grand homme. Un génie.
Alors comme moi, ils doivent être entrain de lui dire, va grand homme; va génie du monde; va reposer dans les douces prairies de la terre d’Afrique, des Antilles, du Monde. Va contempler avec Senghor et avec d’autres les astres luisants qui brillent à jamais pour ceux qui « marchent dans la nuit des temps » comme tu le disais toi-même. Va reposer ton corps de poète, ton âme de militant après toutes les luttes pour nous que tu as menées. Va rejoindre les autres anticolonialistes, anti-exploitants des pauvres. Va te reposer en paix. Va…
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.