La mort de Césaire est une grande perte pour la France, pour les Antilles, pour l’Afrique et aussi pour la Francophonie. S’il n’en a pas été un chantre zélé de la Francophonie politique comme son ami Senghor, il n’en a pas moins soutenu à sa manière la francophonie culturelle.
Sur le plan de la langue d’abord, Césaire a été un fervent défenseur de la langue française. Sans en faire un combat personnel, il a simplement soigné son style afin que le parler présent dans ses ouvrages soit d’une qualité irréprochable. D’inspiration surréaliste à ses débuts littéraires, il est devenu…césairien. C’est-à-dire, à lui tout seul, il a été un style littéraire et linguistique. Un usage de la langue française mêlant des éléments de sa propre vie, de son milieu, de ses fantasmes aussi. Lire par exemple Cahier d’un retour au pays natal est un régal, d’ailleurs comme dans ses autres ouvrages.
Revenons à Césaire et la Francophonie. Dans un dossier que nous avons consacré à ce thème dans le magazine Francophonie du Sud (supplément du Français dans le monde) de mars-avril 2006 (N°11), il livre sa vision la plus récente sur la Francophonie. C’est un extrait de l’entretien qu’il a accordé quelques mois auparavant à l’universitaire français Jean-Michel Djian (in Léopold Sédar Senghor, Génèse d’un imaginaire francophone; Gallimard, 2005, 253 p)
Question de l’universitaire : Quand le secrétaire général dela Francophonie Abdou Diouf est venu vous rencontrer en Martinique en cette année 2005, il disait souhaiter qu’on ne considère pas la francophonie comme un bloc monolithique. C’est votre avis ?
Réponse de Césaire: Exactement. Je suis d’accord. Je sais que nous avons une personnalité que nous devons affirmer. Quel français va-t-on parler ? Oui, d’accord, parler français. Mais je sais que ce que j’exprime n’est pas forcément ce que le français à côté de moi pense, ni ce qu’il sent, ni ce qu’il ressent. Il existe des francophonies. Et, au fond, c’est bien comme ça. C’est ce qui fait la richesse d’une civilisation, non ?
Pourquoi aviez-vous des réserves sur cette grande idée de francophonie ?
C’était un acte de colonialisme, tout simplement. Cela m’est apparu comme un acte politique, presque une forme d’impérialisme, la francophonie. « Ferme ta gueule, toi qui viens de Dakar ! Ferme ta gueule, toi qui viens des Antilles ! Ferme ta gueule, toi qui viens du Gabon ! » Je n’étais pas du tout anti-français. J’étais contre une forme d’expansionnisme linguistique, ce qui signifiait la mort des cultures spécifiques.
Vous avez toujours la même opinion, trente ans après ?
Je suis très lié à
la France. J’ai appris à lire en français, à écrire en français, à penser en français. Mais il faut finir avec la francophonie du XIXe siècle. « Le français partout et on est sauvés ! » Non ce n’est pas de cela que nous avons besoin. Il y a bien trop de cultures à protéger. Parlons plutôt de francophonies au pluriel.
Tout est dit dans ces échanges.
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