Ingrid Betancourt est libre depuis avant-hier 2 juillet. Et en France la libération de l’otage colombienne (qui possède aussi la nationalité française) a été célébrée de fort belle manière. Trop ? Peut-être que oui, peut-être que non. Il n’est pas encore temps de le dire. On savait le pays de Voltaire et Molière « terre des Droits de l’Homme ». Et à ce titre, d’une part, c’est un lieu privilégié pour s’approprier, porter, incarner et surtout soutenir les souffrances de certaines personnalités brimées et martyrisées dans d’autres régions du monde. D’autre part, l’hexagone s’est toujours voulu un endroit « refuge idéal » pour ceux dont la cause est menacée ou presque perdue chez eux. Sur cette dernière idée, aujourd’hui, on peut légitimement en douter, au regard de la politique actuelle d’entrée et d’accueil réservée aux étrangers (notamment ceux du sud) souhaitant vivre dans ce pays. Mais là est une autre histoire sur laquelle nous reviendrons dans un autre article.
Car pour l’instant, l’heure est aux réjouissances marquant la fin de la captivité de cette femme retenue otage par les guérilleros des Farc depuis janvier 2002, soit depuis plus de 6 ans. Six ans d’attente pour ses proches et pour ses amis. Six ans de souffrance aussi pour elle-même et pour d’autres otages enlevés en même temps, avant ou après elle, et qui ont également été libérés par une opération délicate et « parfaite », selon ses mots, de l’armée colombienne. A Paris, l’annonce de sa liberté a fait l’effet d’un feu d’artifice. Un énorme feu d’artifice même. Si dans la rue, les gens n’étaient pas mobilisés comme lors des grandes victoires de l’Equipe de France, il reste que Dans certains beaux quartiers de Paris, réputés proches de la cause de la sénatrice colombienne, on a sabré le champagne. Comme aux sièges des nombreux Comités de soutien qui s’étaient créés pour faire connaître son histoire et travailler à sa libération.
Mais là où on a touché des sommets en termes d’appropriation de la libération de cette dame, c’est dans les médias. Dès l’instant de l’officialisation de sa libération, les radios, Internet et surtout les chaînes de télévision étaient sur le pont pour relater, commenter et analyser le sujet. Sur les chaînes d’informations en continu et même la principale chaîne du service public Fr 2, les programmes normaux ont été interrompus dès la confirmation de la bonne nouvelle pour laisser place à des « soirées spéciales » au sujet de Mme Betancourt, qui ont duré jusqu’à plus de 2 h du matin. Avec des « directs » à différents endroits (au Palais de l’Elysée, à
la Mairie de Paris, à l’Ambassade de Colombie à Paris, à Bogota…) On a frôlé l’overdose. Et on n’en est pas sorti. Car dès le lendemain (hier) les tranches d’information et même plus de tous les médias audiovisuels et de la presse écrite ont eu pour unique sujet « la libération d’Ingrid Betancourt ».
Dans l’après-midi de jeudi, des mini manifestations on eu lieu dans les villes française à ce sujet. la plus importante étant celle organisée par
la Mairie de Paris, qui a accolé à la large effigie de l’ex-otage colombienne déjà présente sur son fronton, l’adjectif « LIBRE ». D’autres manifestations auront-elles lieu dans les jours qui viennent ? Il faut croire que oui. Car, déjà, il s’annonce que Mme Betancourt sera à Paris dès demain après-midi, où elle sera reçue à sa descente d’avion par le président dela République Nicolas Sarkozy. Qui, à l’occasion, ne manquera pas de l’élever au rang le plus important de la dignité française. Il l’a déjà fait en discours. D’autres hommes politiques de premier plan y sont aussi allés de leur petit couplet. De Jacques Chirac à François Fillon le premier ministre, l’ensemble du gouvernement, les ténors de l’opposition ; bref quasiment tout ce que
la France compte de personnalités politiques d’envergure.
La France a donc fait sienne l’histoire de cette dame durant ces deux derniers jours, mais aussi, depuis le premier jour de sa captivité.
Parce que, sans doute, elle en a la nationalité ; et que d’autre part, la famille d’Ingrid a toujours eu des liens assez étroits avec le pays de Nicolas Sarkozy. Elle y a vécu jeune avec son père diplomate, elle y est revenue étudier les sciences politiques au début des années 80. Et, fait ultime dans cette relation avec
la France, elle avait épousé un français (comme sa sœur du reste) avec qui elle a eu ses deux seuls enfants. C’est donc un pays à qui elle doit beaucoup. Aujourd’hui âgée de 47 ans, et après 6 ans et demi de captivité, Ingrid Betancourt oit se reconstruire. Nul doute que
la France, au regard de l’intérêt manifestée à sa personne et à sa cause que nous venons de relater, l’aidera encore et toujours dans cette nouvelle étape de sa vie qui commence.
Parce que Ingrid Betancourt est avant tout une « création » française. Une « création » en ce sens que c’est en France et en France seulement qu’elle a bénéficiée d’une hyper-médiatisation, en tant que otage et depuis qu’elle est libre. Que valait-elle avant son arrestation? Que représentait-elle en Colombie, en France et à l’échelle du monde? Pas grand chose. Petit indice pour le confirmer, avant son arrestation, alors qu’elle était en pleine campagne électorale pour la présidentielle colombienne, elle était créditée de 0,4% des intentions de vote. « Enorme » capital de confiance donc de la part de ces concitoyens. Pour sur que, après les malheurs qu’elle a vécues dans la jungle pendant plus de six ans, elle aura démultiplié sa cote de confiance par dix, cent voire mille. Dont la moitié accordée, donnée, offerte par la France.