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Archive pour juillet 2008

BETANCOURT : La France célèbre bruyamment sa libération

Jeudi 3 juillet 2008

Ingrid Betancourt est libre depuis avant-hier 2 juillet. Et en France la libération de l’otage colombienne (qui possède aussi la nationalité française) a été célébrée de fort belle manière. Trop ? Peut-être que oui, peut-être que non. Il n’est pas encore temps de le dire. On savait le pays de Voltaire et Molière « terre des Droits de l’Homme ». Et à ce titre, d’une part, c’est un lieu privilégié pour s’approprier, porter, incarner et surtout soutenir les souffrances de certaines personnalités brimées et martyrisées dans d’autres régions du monde. D’autre part, l’hexagone s’est toujours voulu un endroit « refuge idéal » pour ceux dont la cause est menacée ou presque perdue chez eux. Sur cette dernière idée, aujourd’hui, on peut légitimement en douter, au regard de la politique actuelle d’entrée et d’accueil réservée aux étrangers (notamment ceux du sud) souhaitant vivre dans ce pays. Mais là est une autre histoire sur laquelle nous reviendrons dans un autre article. 

Car pour l’instant, l’heure est aux réjouissances marquant la fin de la captivité de cette femme retenue otage par les guérilleros des Farc depuis janvier 2002, soit depuis plus de 6 ans. Six ans d’attente pour ses proches et pour ses amis. Six ans de souffrance aussi pour elle-même et pour d’autres otages enlevés en même temps, avant ou après elle, et qui ont également été libérés par une opération délicate et « parfaite », selon ses mots, de l’armée colombienne. A Paris, l’annonce de sa liberté a fait l’effet d’un feu d’artifice. Un énorme feu d’artifice même. Si dans la rue, les gens n’étaient pas mobilisés comme lors des grandes victoires de l’Equipe de France, il reste que Dans certains beaux quartiers de Paris, réputés proches de la cause de la sénatrice colombienne, on a sabré le champagne. Comme aux sièges des nombreux Comités de soutien qui s’étaient créés pour faire connaître son histoire et travailler à sa libération. 

Mais là où on a touché des sommets en termes d’appropriation de la libération de cette dame, c’est dans les médias. Dès l’instant de l’officialisation de sa libération, les radios, Internet et surtout les chaînes de télévision étaient sur le pont pour relater, commenter et analyser le sujet. Sur les chaînes d’informations en continu et même la principale chaîne du service public Fr 2, les programmes normaux ont été interrompus dès la confirmation de la bonne nouvelle pour laisser place à des « soirées spéciales » au sujet de Mme Betancourt, qui ont duré jusqu’à plus de 2 h du matin. Avec des « directs » à différents endroits (au Palais de l’Elysée, à
la Mairie de Paris, à l’Ambassade de Colombie à Paris, à Bogota…) On a frôlé l’overdose. Et on n’en est pas sorti. 
Car dès le lendemain (hier) les tranches d’information et même plus de tous les médias audiovisuels et de la presse écrite ont eu pour unique sujet « la libération d’Ingrid Betancourt ». 

Dans l’après-midi de jeudi, des mini manifestations on eu lieu dans les villes française à ce sujet. la plus importante étant celle organisée par
la Mairie de Paris, qui a accolé à la large effigie de l’ex-otage colombienne déjà présente sur son fronton, l’adjectif « LIBRE ». D’autres manifestations auront-elles lieu dans les jours qui viennent ? Il faut croire que oui. 
Car, déjà, il s’annonce que Mme Betancourt sera à Paris dès demain après-midi, où elle sera reçue à sa descente d’avion par le président dela République Nicolas Sarkozy. Qui, à l’occasion, ne manquera pas de l’élever au rang le plus important de la dignité française. Il l’a déjà fait en discours. D’autres hommes politiques de premier plan y sont aussi allés de leur petit couplet. De Jacques Chirac à François Fillon le premier ministre, l’ensemble du gouvernement, les ténors de l’opposition ; bref quasiment tout ce que
la France compte de personnalités politiques d’envergure.
La France a donc fait sienne l’histoire de cette dame durant ces deux derniers jours, mais aussi, depuis le premier jour de sa captivité. 

Parce que, sans doute, elle en a la nationalité ; et que d’autre part, la famille d’Ingrid a toujours eu des liens assez étroits avec le pays de Nicolas Sarkozy. Elle y a vécu jeune avec son père diplomate, elle y est revenue étudier les sciences politiques au début des années 80. Et, fait ultime dans cette relation avec
la France, elle avait épousé un français (comme sa sœur du reste) avec qui elle a eu ses deux seuls enfants. C’est donc un pays à qui elle doit beaucoup. Aujourd’hui âgée de 47 ans, et après 6 ans et demi de captivité, Ingrid Betancourt oit se reconstruire. Nul doute que
la France, au regard de l’intérêt manifestée à sa personne et à sa cause que nous venons de relater, l’aidera encore et toujours dans cette nouvelle étape de sa vie qui commence. 

Parce que Ingrid Betancourt est avant tout une « création » française. Une « création » en ce sens que c’est en France et en France seulement qu’elle a bénéficiée d’une hyper-médiatisation, en tant que otage et depuis qu’elle est libre. Que valait-elle avant son arrestation? Que représentait-elle en Colombie, en France et à l’échelle du monde? Pas grand chose. Petit indice pour le confirmer, avant son arrestation, alors qu’elle était en pleine campagne électorale pour la présidentielle colombienne, elle était créditée de 0,4% des intentions de vote. « Enorme » capital de confiance donc de la part de ces concitoyens. Pour sur que, après les malheurs qu’elle a vécues dans la jungle pendant plus de six ans, elle aura démultiplié sa cote de confiance par dix, cent voire mille. Dont la moitié accordée, donnée, offerte par la France.

Ingrid Betancourt (libre) et nous

Mercredi 2 juillet 2008

Libre. Ingrid Betancourt a été libérée par les Forces armées révolutionnaires colombiennes (Farc) qui la retenaient otage depuis plus de six (6 ans). 6 ans de captivité, à vivre dans des conditions difficiles certainement (dans la jungle colombienne). Il était temps que cela se termine, pour elle, pour d’autres prisonniers (une dizaine a été libérée avec elle). Mais aussi et surtout pour ses proches, ses enfants, ses amis et…pour nous. 

Personnellement, je ne la connais pas. Ni d’Adam, ni d’Eve, pour reprendre une expression consacrée. Mais, pas un jour sans avoir une « trace » d’elle. A la télé, à la radio, dans la presse écrite, sur Internet. Pas un jour sans avoir une déclaration, un message, un texte parlant d’elle. 

Ingrid Betancourt est devenue, en quelque sorte, l’une des consciences des médias occidentaux et notamment français depuis son enlèvement. Dans ce pays, dont elle avait aussi la nationalité (elle a été mariée à un français avec qui elle a eu ses deux seuls enfants), Ingrid Betancourt était une affaire d’Etat. Des présidents de
la République (Chirac et Sarkozy), des Premiers ministres (notamment D. De Villepin, qui a été son prof et ami à Sciences pô Paris), des hauts dignitaires politiques associatifs et médiatiques de ce pays en avaient fait leur affaire personnelle. 

Pas une voix (en dehors de celle de J.M Le Pen) n’a été discordante sur le soutien de l’Etat français aux actions visant à libérer cette dame. Même l’opinion publique, souvent si nombriliste dans ce pays, a quasi toujours adhéré en grande majorité aux actions menées au nom de
la Sénatrice colombienne, ancienne candidate à la présidentielle de son pays en 2002. 

Avec sa libération survenue aujourd’hui, il est désormais possible de se demander pourquoi
la France et ses dirigeants ont-ils déployé autant d’énergie, de moyen aussi pour cette dame? Est-ce tout simplement parce qu’elle en avait en partie la nationalité? Est-ce pour son action politique dans son pays? On pourrait multiplier les questions a l’envi. Mais les réponses ne lèveraient pas toutes les équivoques. Toutes les incompréhensions. Tous les présupposés et les zones d’ombre de cette « affaire ».  

Ce qu’on peut dire, c’est que les nations (grandes comme petites) aiment à se trouver des égéries, des « légendes », des « héros ». Un point de fixation pour se donner bonne conscience, surtout quand il vient de si loin. Dans ce registre, citons la birmane Aun Sang Suu Kyi, la pakistanaise Benhazir Butho et donc désormais Ingrid Betancourt. C’est davantage pour leur image, bref pour des éléments marginaux que les pays occidentaux leur font la publicité. Ceci parfois au détriment du peuple dont ces personnalités se revendiquent. Dans le cas d’espèce, à Paris, Madrid et Londres par exemple, on se fout pratiquement du quotidien des petites dames colombiennes et birmanes aux prises avec les pires difficultés de la vie au quotidien. Seules comptent les symboles, les légendes qu’on a choisies et dont on veut parler absolument. 

C’est en grande partie en cela donc qu’on a eu du Ingrid Betancourt à toutes les sauces depuis cinq ans. Matin, midi et soir. Avec parfois des pics d’information qui frisaient le bourrage de crâne. Il est donc merveilleux qu’elle soit libérée. Entendra t’on parler d’elle un peu moins? Il faut croire, hélas, que non. Dès l’annonce de sa libération, les chaînes de télés ont commencé des « éditions spéciales » avec moult invités d’honneur, notamment les hommes politiques. Alors que les citoyens se battent pour leur pouvoir d’achat, alors que de nombreux problèmes existent dans le pays, notamment dans l’immobilier, sur le pétrole… il faut craindre que les jours à venir ne soient, dans la sphère politique et médiatique, complètement mobilisée par le sort, certes particulier et triste, d’Ingrid Betancourt. 

Pour ma part, je lui souhaite un bon retour au milieu des siens, et qu’elle demande avec force et courage, qu’on la laisse en paix. Elle le mérite bien après les années de galère qu’elle vient d’endurer.