Ingrid Betancourt (libre) et nous

Libre. Ingrid Betancourt a été libérée par les Forces armées révolutionnaires colombiennes (Farc) qui la retenaient otage depuis plus de six (6 ans). 6 ans de captivité, à vivre dans des conditions difficiles certainement (dans la jungle colombienne). Il était temps que cela se termine, pour elle, pour d’autres prisonniers (une dizaine a été libérée avec elle). Mais aussi et surtout pour ses proches, ses enfants, ses amis et…pour nous. 

Personnellement, je ne la connais pas. Ni d’Adam, ni d’Eve, pour reprendre une expression consacrée. Mais, pas un jour sans avoir une « trace » d’elle. A la télé, à la radio, dans la presse écrite, sur Internet. Pas un jour sans avoir une déclaration, un message, un texte parlant d’elle. 

Ingrid Betancourt est devenue, en quelque sorte, l’une des consciences des médias occidentaux et notamment français depuis son enlèvement. Dans ce pays, dont elle avait aussi la nationalité (elle a été mariée à un français avec qui elle a eu ses deux seuls enfants), Ingrid Betancourt était une affaire d’Etat. Des présidents de
la République (Chirac et Sarkozy), des Premiers ministres (notamment D. De Villepin, qui a été son prof et ami à Sciences pô Paris), des hauts dignitaires politiques associatifs et médiatiques de ce pays en avaient fait leur affaire personnelle. 

Pas une voix (en dehors de celle de J.M Le Pen) n’a été discordante sur le soutien de l’Etat français aux actions visant à libérer cette dame. Même l’opinion publique, souvent si nombriliste dans ce pays, a quasi toujours adhéré en grande majorité aux actions menées au nom de
la Sénatrice colombienne, ancienne candidate à la présidentielle de son pays en 2002. 

Avec sa libération survenue aujourd’hui, il est désormais possible de se demander pourquoi
la France et ses dirigeants ont-ils déployé autant d’énergie, de moyen aussi pour cette dame? Est-ce tout simplement parce qu’elle en avait en partie la nationalité? Est-ce pour son action politique dans son pays? On pourrait multiplier les questions a l’envi. Mais les réponses ne lèveraient pas toutes les équivoques. Toutes les incompréhensions. Tous les présupposés et les zones d’ombre de cette « affaire ».  

Ce qu’on peut dire, c’est que les nations (grandes comme petites) aiment à se trouver des égéries, des « légendes », des « héros ». Un point de fixation pour se donner bonne conscience, surtout quand il vient de si loin. Dans ce registre, citons la birmane Aun Sang Suu Kyi, la pakistanaise Benhazir Butho et donc désormais Ingrid Betancourt. C’est davantage pour leur image, bref pour des éléments marginaux que les pays occidentaux leur font la publicité. Ceci parfois au détriment du peuple dont ces personnalités se revendiquent. Dans le cas d’espèce, à Paris, Madrid et Londres par exemple, on se fout pratiquement du quotidien des petites dames colombiennes et birmanes aux prises avec les pires difficultés de la vie au quotidien. Seules comptent les symboles, les légendes qu’on a choisies et dont on veut parler absolument. 

C’est en grande partie en cela donc qu’on a eu du Ingrid Betancourt à toutes les sauces depuis cinq ans. Matin, midi et soir. Avec parfois des pics d’information qui frisaient le bourrage de crâne. Il est donc merveilleux qu’elle soit libérée. Entendra t’on parler d’elle un peu moins? Il faut croire, hélas, que non. Dès l’annonce de sa libération, les chaînes de télés ont commencé des « éditions spéciales » avec moult invités d’honneur, notamment les hommes politiques. Alors que les citoyens se battent pour leur pouvoir d’achat, alors que de nombreux problèmes existent dans le pays, notamment dans l’immobilier, sur le pétrole… il faut craindre que les jours à venir ne soient, dans la sphère politique et médiatique, complètement mobilisée par le sort, certes particulier et triste, d’Ingrid Betancourt. 

Pour ma part, je lui souhaite un bon retour au milieu des siens, et qu’elle demande avec force et courage, qu’on la laisse en paix. Elle le mérite bien après les années de galère qu’elle vient d’endurer.  

 

 

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