RENCONTRE AVEC UNE « VILLE MORTE »
Un réveil difficile. C’est ainsi que je me suis levé de ma première nuit de sommeil à Nkongsamba, au lendemain de mon arrivée en vacances au Cameroun. La nuit a été courte, froide, et pleine de petits bruits (celui des poussins du poulailler du voisin). Qu’importe, j’ai pu fermer l’œil et me reposer de la journée marathon que je venais de passer, entre mon réveil dans ma petite ville de Banlieue parisienne, le voyage, l’arrivée à Douala, le (re)voyage jusqu’à Nkongsamba… Cette nuit me permis, outre cela, d’évaluer le parcours déjà accompli et de planifier mon programme dudit séjour.
D’emblée, je savais qu’il y aurait beaucoup de déplacements. Naturellement, quand on revient chez soi 6 ans après, il y a un bon nombre de personnes qui veut me (re)voir. Et Moi aussi. Il fallait donc se soumettre à ce rituel. Aller saluer un tel tonton, une telle tata, un tel ami ou cousin et patati… Mais ces déplacements étaient pour plus tard. Il fallait d’abord reprendre pied avec ma ville. Dans quel état l’ai-je trouvé? Dans un état lamentable.
Quel choc. Quel coup. Ô déception, Ô tristesse. Ma ville bien aimée ressemble à Troie dévastée. Un immense champ de ruine, et c’est peu dire. Une ville sans aucune (mais alors aucune) modernité. En 6 ans, pas un nouvel édifice, pas une nouveauté probante, pas une couche de peinture sur les principaux bâtiments du centre-ville. Et que dire des routes? Là c’est carrément des pistes pour l’enfer. Complètement détruite, « pourrie » pour dire comme les jeunes. Ces routes sont tellement mauvaises que le contingent automobile de la ville s’est réduit comme peau de chagrin, laissant place aux motos. (Je reparlerai des motos dans une autre chronique).
Nkongsamba jadis 3e ville du pays, ne figure sans doute plus aujourd’hui parmi les dix premières. La ville est, depuis plusieurs années sur une pente descendante. Les pouvoirs publics, de même que les élites du coin l’ont abandonnée à son triste sort. Ce qui faisait son charme auparavant (cosmopolitisme, abondance de produits de consommation) n’est plus un avantage de nos jours. En plus, le café, principal culture de la région, ne fait plus recette. Les planteurs (agriculteurs) qui constituent l’essentiel de la population de la ville, ont donc perdu énormément de pouvoir d’achat. Ils ne sont pas les seuls d’ailleurs. Les autres petits commerçants de la ville ne sont pas les mieux lotis non plus.
Pourtant, la population de la ville est jeune. Les établissements se multiplient. Pour une ville d’à peine plus de 100 000 habitants, on compte plus d’une dizaine d’établissements du secondaire, parmi lesquels 4 lycées au cycle complet (de la 6e en terminale). Un Institut supérieur, établissement post-bac, l’Institut supérieur de management du Manengouba (Ismam) s’est même ouvert dans la ville, avec plus ou moins de succès.
Ancien pôle d’excellence sportif, Nkongsamba fait peine désormais. Pas une équipe de foot en championnat d’élite. L’Aigle de Nkongsamba, ancien porte fanion du département végète en Ligue (D3). Les autres clubs qui se sont créés dans la ville pour reprendre le flambeau ne font guère mieux et sont aussi engagés dans des échelons inférieurs du foot national. Dans les autres disciplines, ce n’est guère mieux. L’athlétisme n’a presque plus de champion licencié dans la ville. Le handball et le basket, sont quasi-morts également.
Au final, c’est à la ville que Césaire décrit dans son Cahier d’un retour au pays natal que j’ai pensée quand j’ai revu ma ville. Une ville triste, qui ne sourit plus, qui ne rythme plus, qui se meurt. Une vraie Ville morte.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.