Chroniques…5

DES HOMMES ET DES MOTOS 

John Steinbeck me pardonnera. Il avait écrit Des souris et des hommes (1937), magnifique roman sur les relations humaines. Je lui emprunte son titre, pas intégralement, mais dans sa structure et sa composition. 

Car, pour titrer cette autre Chronique, rien de plus intéressant que de jouer sur les mots et les positionnements comme c’est le cas avec « Des hommes et des motos ». Et si je l’ai fait, c’est aussi parce que, le Cameroun est devenu un pays de la moto-roi. Des motos partout. Dans les villes, les villages, les quartiers. Des motos par centaines, milliers. Des motos et des Hommes dessus. Des motos en mouvement; toujours. Elles se faufilent, vrombissent, se déploient tel des fourmis magnans ou de la mauvaise herbe dans un jardin. De fabrication chinoise, elles sont toutes siglées « Moto Nanfang ». Je n’ai pas cherché l’explication, mais on m’a dit que c’était des motos chinoises. 

Il y en a partout. Des motos pour tous. Accessible à tous. Dessus, pour les conduire, des jeunes hommes à peine matures et conscients. Derrière eux, des personnes de tous les sexes, tous les âges, toutes conditions sociales, toutes tenues vestimentaires (aussi bien les costards-cravates, que les jeans-jeans, ou les treillis). Les mototaximen se prennent au quotidien pour des as de la vitesse et du faufilage. Ils ne reculent devant aucune difficulté; ni les véhicules plus grands (surtout les camions qui sont souvent sans freins), ni l’état des routes. Pour eux, un seul objectif: transporter le plus grand nombre de « clients » dans la journée, pour avoir une recette considérable le soir. Pour cela, il faut aller vite, très vite même, au risque de se faire écraser avec son ou ses clients. Pour y parvenir aussi, tous les moyens de gruger sont bons: surtaxe du prix du trajet, arrêt du moteur sur les pentes pour économiser le carburant (les taxis-brousses aussi le font) et surtout, transport de deux « clients » sur l’engin. 

Si j’avais eu le choix, je n’aurai jamais emprunté ces motos pour un trajet lors de mon séjour. mais, parfois, en l’absence d’autres moyens, ou pour gagner un peu de temps, ou encore pour aller à une destination précise (loin de la route bitumée), je n’avais pas d’autres choix que de monter sur une moto. Non sans mal je l’avoue. Car, à chaque instant, je pensais y jouer ma vie (d’ailleurs il y a pas que sur les motos que ce sentiment d’insécurité sur la route règne quand on est au Cameroun; en voiture aussi, et même à pied, c’est pareil. Au quotidien, les nouvelles d’un accident de circulation impliquant une moto sont nombreuses. Pas une semaine ne se passe d’ailleurs sans que, à Douala ou à Yaoundé, ou même dans une autre petite bourgade du pays, un mototaximan ne finisse sous les roues d’une voiture, ou d’un camion. 

Et pourtant, malgré ces dangers, les camerounais dans leur ensemble plébiscitent désormais la moto comme moyen de transport en commun le plus sollicité. Loin devant les bus de
la Socatur et même des taxis. Ce n’est que normal d’ailleurs. Car, les vrais propriétaires de ces motos sont des entreprises chinoises qui ont décidé de lancer une offensive de charme sur l’économie locale. La moto n’est que l’un des « éclaireurs » de cette ambition. Au grand bénéfice et/ou risque des camerounais. 

 

 

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