Chroniques…8

LA ROUTE NE TUE PAS?

Se déplacer au Cameroun est une épreuve. Le pays est sans routes fiables. Aucune autoroute par exemple pour relier les deux grandes villes (Douala et Yaoundé), pourtant distantes de seulement 250 km. Une route existe, qu’on appelle là-bas « axe lourd » qui permet de voir circuler à peine 3 voitures côte à côte. Ailleurs dans le pays, la situation n’est guère meilleure. Les routes sont toutes aussi étroites. Et si elles n’étaient qu’étroites, cela ne poserait qu’un problème mineur. Elles sont aussi en très mauvais état, avec des nids de poule et autres trous en tous genres sur la chaussée. Bien plus, les abords sont souvent encombrés d’herbes ayant atteint une taille impressionnante, et, à des virages, masquant la vue aux automobilistes. La liste des problèmes de nos voies de circulation est longue qu’on ne pourrait toutes les énumérer ici. 

Mon intention n’est pas seulement de décrire ses routes. C’est surtout de dire les conséquences qu’elles produisent au quotidien sur la vie des camerounais. En effet, l’état des routes est responsable à 30% au moins des graves accidents qui se produisent quasi quotidiennement dans ce pays. Car, comment ne pas envisager qu’une route présentant les caractéristiques suivantes: 4 à 5 m de largeur, circulation à double sens, absence de terre-plein central, virages tous les 100 à 200m, absence de protection de la chaussée par des glissières de sécurité, quasi absence de trottoirs tracés permettant la circulation des piétons… ne soit pas propice à des accidents réguliers (collision, sortie de routes, renversement de piétons)? 

On ne compte plus le nombre de morts survenus sur ces routes. Des dizaines, voire de centaines de personnes y périssent tous les mois. Victimes des ces routes. Mais aussi, victimes de la folie des chauffeurs. Ces derniers, malades de vitesse, sont dans la majorité des cas responsables à plus de 50% des drames routiers cités plus haut. Car, tous veulent aller vite. Le code de la route est un gros mot pour eux. Le respect des priorités n’existe pas. Ils n’ont pas également le bon sens nécessaire à l’appréciation de certaines situations. Ils abhorrent une chose: rouler au pas. Tout le monde veut dépasser, sur ligne droite, au virage, sur les collines, bref partout. 

La conjonction des routes défectueuses et des « chauffards » produit donc des catastrophes régulières sur les routes camerounaises. Lors de mon séjour, pas moins de 4 accidents sérieux se sont produits sur des itinéraires déterminés, au moment où j’y passais. Comme cet accident entre Edéa et Douala qui a décimé un groupe de 10 commerçants qui se rendaient à Douala pour livrer leurs marchandises. Ou comme cet autre à Melong, non loin de Nkongsamba, où un car Hiace est entré en collision avec un camion arrêté en passe, faisant plus de 8 morts dont un enfant de 2 ans, décapité. 

Que font les autorités pour prévenir ou éviter ce genre de situation? Tout le monde se pose la question. A ce jour, pas grand chose. Une initiative pour le moins baroque avait cours quand j’y étais: c’était d’organiser sur les grands axes routiers une campagne de sensibilisation appelé « Prévention routière ». Mais celle-ci n’a aucun effet, car les préposés à cette mission se transformaient en agents de racket, comme le sont déjà les agents de forces de l’ordre qui doivent veiller à la circulation urbaine et interurbaine. D’autre part, des mannequins représentants un individu ont été installé à certains endroits des grandes routes, suivis du nombre de personnes décédés non loin de là il y a peu. « Ici, 10 morts », « ici, 23 morts ». Parfois, sur un trajet de 100 km, comptabiliser tous ces panneaux donne le vertige. Rien qu’à penser au nombre total de personnes mortes en si peu de temps, en si peu de distance… 

« La route ne tue pas, mais c’est nous qui tuons… », chantait un artiste camerounais dans les années 90. Il devrait réviser son jugement. Car aujourd’hui, les routes camerounaises sont bel et bien des sentiers pour la mort.  

 

 

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