En entrant dans le dernier week-end de mon séjour (celui du 20 au 21 septembre), je pensais déjà au retour. Epuisé par des déplacements à répétition. Bousculé aussi par un mini-accident de la circulation, sur l’une de ces routes que je décrivais dans Chroniques… Heureusement, plus de peur que de mal; en dehors d’un léger choc frontal avec le pare-brise avant de ce véhicule de transport, je n’avais rien eu d’autre. Seul le chauffeur de cette petite voiture, qui s’était assoupi au volant, s’en tira avec une légère blessure au coude gauche. C’était le vendredi 19, sur la route de Mbouda, une ville en plein cœur du pays Bamiléké, dans l’ouest Cameroun.
D’autres frayeurs rythmèrent mon séjour. Elles tenaient plus de situations globales que des moments précis et pratiques. Par exemple, la situation des soins sanitaires dans les hôpitaux. Ou encore, la question du travail chez les jeunes. Sans oublier la sécurité ou l’insécurité (c’est selon), la pollution, les problèmes des enfants (malnutrition, éducation…). Je ne prendrai pas le temps de développer tous ces points. Ce serait interminable. Il importe de dire néanmoins que, sur ces différents sujets, beaucoup de choses doivent être faites. Et pas seulement au plan pratique, mais aussi et surtout, bien en amont. Comme par exemple sur l’insécurité: elle atteint des niveaux records au Cameroun. Violentes, gratuites, les agressions des personnes (jeunes comme vieux) se multiplient au quotidien. Elles sont, dans la majorité des cas, perpétrées par des jeunes, garçons surtout. Mais, de plus en plus, les filles ne sont pas en reste, alors qu’il y a quelques années encore, elles n’en faisaient pas partie.
Comment arriver à aborder cette question pour, à défaut de la faire finir, la résorber au moins? Comment s’attaquer dès la base à tous ces enfants qui, dès leur jeune âge, pensent à détrousser ou agresser les gens dans la rue ou dans leur domicile? Comment faire pour éradiquer, sans la violence inouïe, le phénomène des « coupeurs de route » qui gangrène le pays? La principale réponse à tout ceci réside sans doute dans l’éducation et le travail. Les nombreux chômeurs qui peuplent les grandes, moyennes et petites villes du pays seront, sans aucun doute, moins tenté d’aller voler ou agresser, s’ils étaient actifs et gagnaient, même minimalement leur vie. Car, le travail est le meilleur moyen pour redresser les gens. Voltaire le prédisait dans son « le travail éloigne de nous trois grands maux: l’ennui, le vice et le besoin ». Si ces jeunes camerounais sont employés, l’insécurité baissera dans le pays.
Quant à la situation sanitaire, elle est tout aussi désespérante. En plus, dans certains cas, de la vétusté du matériel et des autres problèmes d’infrastructures et d’équipements, le coût des soins est quelque chose qui, de plus en plus, n’est plus à la portée du camerounais moyen. Pour aller à l’hôpital, il faut payer un ticket d’entrée. Pour se faire soigner, il faut payer des frais de consultation et de premiers soins parfois très élevés. Du coup, ceux qui n’ont pas les moyens, sauf en cas extrêmes, ne partent pas à l’hôpital. Mais plutôt au « poteau » sorte de pharmacie en pleine rue où, quelques marchands de sommeil vendent des produits dangereux sans aucune formation, ni précaution.
Le dernier aspect auquel j’ai pensé parler c’est Dieu et
la Religion. L’Eglise (catholique j’entends) est une institution sociale, bien établie et bien ancrée dans les différents lieux. Mais, de plus en plus, les gens y vont par reflexe pavlovien. Sans discernement, sans souci de se demander le sens de leur adhésion. Ce n’est pas un reproche, mais une simple remarque. La dévotion des gens pour les cultes, et les mouvements cultuels est même parfois suspecte. Certains remplissent leur agenda hebdomadaire de toutes sortes de réunions et autres activités à l’Eglise: Chorale, mouvement charismatique, légion de Marie… Cette adhésion au religieux est sans doute voulue aussi par l’étrange impression d’abandon et de souffrance permanente qu’ont les gens, et dont ils pensent, à tort ou à raison, qu’ils n’en seront soulagés que par Dieu. D’où l’expression très en vogue là-bas qui résume tout sur ce sujet: « C’est Dieu qui nous protège ou qui nous sauve ». Je ne la commenterai pas.
De tous ces problèmes que je viens de souligner, j’avais une vague idée. Je les ai touchés, endurés, vécus durant ces trois jours. J’ai imaginé la difficulté, la galère même de ceux qui la vivent tous les jours, sans rechigner, sans protester, sans espérer quoique ce soit d’autres. Et à côté de tout çà, de cette misère à ciel ouvert, quelques « bénis » ont décidé de vivre, avec l’argent de l’Etat, dans une opulence exacerbée. Je n’aime pas réfléchir en opposant les gens entre eux, riches contre pauvres, puissants contre petites gens. Mais là, je n’ai pu m’empêcher de dire il y a dans ce pays « Deux mondes, deux destins ». Le célèbre écrivain Mongo Béti qui le disait dans les années 50, et qui espéraient que cette situation s’achèverait vite, doit se retourner dans sa tombe aujourd’hui en constatant qu’en 2008, le Cameroun vive encore avec un « Tanga nord » et un « Tanga sud », soit Deux mondes et Deux destins donc. Faut-il espérer que dans un avenir proche cette séparation disparaisse pour laisser une nation unie et homogène dans la prise en charge de ces citoyens et l’accès de ceux-ci aux ressources du pays? C’est un espoir, juste un espoir.
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