L’histoire se répète en RDC. Une nouvelle guerre, ou plutôt un nouvel épisode de la sale guerre qui sévit dans ce pays depuis le milieu des années 90 a éclaté le mois dernier. Pour l’heure, les chiffres qui nous parviennent de cette région sont absolument terrifiants. En effet, on parle de centaines de milliers de déplacés, et, excusez du peu, « entre 45 000 et 50 000 morts » rien que dans la région du Kivu, zone où sont concentrés les combats en ce moment. Au rang des victimes, on compte surtout les femmes et les enfants; aussi les personnes vulnérables et les civils sans armes sont les plus exposées.
La lecture de ces chiffres, on conviendra, donne le tournis et le malaise quant à leur gravité. Mais ce qui est encore plus dramatique, c’est la lecture historique de ce conflit; ses raisons, ses causes et, à court et moyen terme, ses conséquences pour le pays, la sous-région et le continent même. Il faudrait toute une thèse pour développer tout çà, c’est vrai. Mais, puisque c’est un sujet urgent, intéressant, voici quelques réflexions à propos.
Quand en 1997, Laurent Désiré Kabila a chassé le Maréchal-Dictateur Mobutu du pouvoir, il a mis fin à plus de 30 ans de terreur, de pillage et de corruption que l’ancien « Homme-léopard » symbolisait avec son équipe (famille, clan…). Mais, ce qu’on n’avait pas assez dit à l’arrivée du gros Kabila, c’est que sa victoire sur le Mobutisme consacrait aussi la fin de la (pseudo?)Stabilité observée à peu près jusque là dans ce pays et dans la région.
Car en effet, après sa prise de pouvoir en 1965, Joseph-Désiré Mobutu est parvenu à se maintenir pendant trois décennies à la tête de cet Etat grand comme 3 fois
la France et 80 fois
la Belgique (son ancienne puissance coloniale). On pourra s’émouvoir sur les moyens qu’il utilisa pour parvenir à ce record de longévité à la tête de cet Etat. Mais, on ne pourra pas contester longtemps le fait que, pendant ce temps-là, le pays était administré en totalité et, hors quelques mouvements d’humeur, les sécessions ou guerres civiles étaient rares. Et ce n’est pas mince comme exploit.
Un exploit d’autant plus important que
la RDC est un pays immense, présentant toutes les caractéristiques d’une maison ingouvernable. Qu’on se représente bien l’affaire: 2,4 millions de km2, 65 millions d’habitants. A elle seule, Kinshasa compte plus de 6 millions d’habitants. De fait,
la RDC c’est deux pays dans un Etat: Kinshasa et le reste du pays. La capitale Kinshasa n’est pas située au cœur du pays (Centre) mais à l’extrême Est, à la frontière avec le Congo. Kisangani et Lubumbashi, respectivement 3e et 2e ville du pays, sont distantes de la capitale d’au moins 2000 km, sans avoir de voie terrestre ni ferroviaire pouvant les relier. De même, Bukavu et Goma, la capitale du Nord-Kivu, principal lieu d’affrontements entre Rebelles et Loyalistes ces derniers jours, est également très éloignée de Kinshasa.
Avec une telle configuration, il n’est donc pas surprenant que des mouvements de rebellions de créent un peu partout sur le territoire. La capitale étant loin des principales grandes villes et des principaux lieux de richesse, le pays étant mal administré, les populations vivant pour la grande majorité dans une extrême pauvreté, tous les ingrédients sont donc réunis pour que le pays soit une pétaudière. Ou pire, un enfer.
Et d’enfer,
la RDC l’est. Là-bas, la débâcle est économique, politique, sociale et même morale. Sur le plan économique, le pays figure est toujours l’un des plus pauvres de la planète. Et pourtant, il avait (a?) l’un des sous-sol les plus riche au monde. Sur le plan politique, les nombreuses guerres survenues depuis plus d’une décennie font peser sur le pays une ambiance d’état de siège permanent, agrémenté par le fait que, dans la sous-région, les bruits de bottes et de chars sont également légion. Outre cela, la querelle du leadership dans la classe politique de la génération post-indépendance n’est pas résolue. Et, des personnalités politiques actuelles, personne n’arrive vraiment à se dégager.
Sur le plan social et moral, une chose montre bien l’extrême difficulté dans laquelle se trouve le pays. Les congolais se sont refugiés en masse dans la religion, créant çà et là des Eglises réveillées aux doctrines et discours apocalyptiques, sans oublier les traditionnelles pratiques occultes. Aussi, le pays connaît une vraie saignée de ses ressortissants qui, en masse, partent vivre ailleurs. Notamment en Afrique du sud, en Europe aussi. S’ils prient beaucoup, ils ne sont forcément pas plus généreux ou plus solidaires. Bien au contraire, ils rivalisent même d’adresse pour se gruger entre-eux. Les riches (ceux qui ont accès à la fortune de l’Etat) s’enrichissent encore un peu plus tous les jours. Les pauvres, en nombre très importants, s’appauvrissent d’autant plus. Deux mondes existent ainsi que ne réunissent même plus l’amour d’être congolais.
Eu égard à ce tableau, on comprend bien pourquoi, d’après des chiffres des associations humanitaires,
la RDC est ces dernières années, le pays où la guerre et ses corolaires ont fait le plus de morts. Soit 4 à 5 millions de personnes depuis 1997. On est là sur les bases d’une CATASTROPHE. L’offensive lancée ces dernières semaines par le Général Laurent Nkunda et sa rébellion (appuyé par ses amis Rwandais) ne va qu’envenimer les choses. Et, il est à craindre que, dans les prochains mois, ces chiffres n’explosent encore un peu plus. Car, vu la volonté affichée par ce chef de guerre de renverser le pouvoir en place, vu l’inefficacité de l’armée gouvernementale (dont certains éléments désertent même pour rejoindre les rangs de la rébellion), vu la complicité des pays de la sous-région et du continent qui ne font rien pour aider cet Etat, vu l’incurie et l’inaction des organisations internationales, et surtout de l’Onu qui a dans ce pays une force d’intervention (
la Monuc) qui justement…n’intervient pas contre les belligérants. On pourrait citer à l’ envi le nombre de responsabilités engagées dans ce conflit. Mais on n’arriverait pas à dégager une idée force. C’est que, de nos jours,
la RDC est bel et bien un pays en enfer.