Omar Bongo: Géant en politique, nain en littérature

Omar Bongo est mort le 8 juin 2009. Il y a bientôt 3 mois. Si Hampâté Bâ était encore vivant, sans doute qu’il aurait utilisé à son sujet sa citation restée célèbre, « En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ». Cette citation, serait allée comme un gant à l’ancien président gabonais. A l’heure où, aujourd’hui, ses compatriotes votent pour lui élire un successeur, que reste t-il d’Omar Bongo? Quel souvenir garder de lui? Quelle image retiendra t-on de lui? Avant sa mort, et dans les jours qui ont précédé celle-ci, de nombreuses voix se sont fait entendre, au niveau local et international, pour dire qu’Omar Bongo Ondimba était « un grand homme d’Etat », « un fin stratège en diplomatie », un « Géant politique en Afrique ». Sans doute, ses jugements provenaient du fait que l’homme aura passé les trois-quarts de sa vie sur terre à la tête de son pays; soit 42 ans. Plus de Quatre décennies donc à présider, avec ce que cela comporte de prestige, de simplicité et toutes les facilités que cela procure. 

Bongo a théorisé et pratiqué jusqu’à l’extrême
la Jouissance du pouvoir. Arrivé aux affaires à 32 ans à peine (âge où beaucoup commencent juste leur vie professionnelle), il aura eu tout le temps pour se construire la réputation qu’il s’est construite. Franc-tireur, homme d’une grande générosité et d’une grande largesse avec les deniers publics, il a transformé son pays en grand village dont il était le chef. Et ce, pendant 42 ans. Durant ce temps, il aura connu vu naître et mourir des générations de gabonais, dont la majorité vivait dans la plus grande pauvreté. Il aura été aussi par exemple le « collègue » de tous les présidents de
la Ve République en France (De Gaulle, Pompidou, VGE, Mitterrand, Chirac, Sarkozy). Il a été, dit-on, un négociateur infatigable ainsi que le facilitateur attitré dans de nombreux conflits sur le continent (Biafra, RCA, Côte D’Ivoire, Madagascar…). En France, avance t-on, sa générosité et ses largesses financières ont assuré le financement des campagnes électorales de plusieurs partis (Droite comme Gauche). Sur le plan intérieur local, il a partagé le « gâteau » (entendez les finances publiques) avec presque toutes les tribus ou clan de
la République, avec qui il avait tissé soit un lien de cousinage, soit un lien d’affaires. Bref, il aura occupé tout l’espace public dans son pays et une bonne partie ailleurs. Normal donc que, en retour, il ait bénéficié de tous les compliments sur son action publique, et qu’on lui ait érigé une stature de « Baobab, Géant, Mythe, ou même Légende de la politique africaine ». Bref un surhomme. 

Mais, hors ce plébiscite de sa dimension politique et diplomatique, faites par les journalistes et autres analystes des affaires publiques, que retiendra  par exemple la littérature d’OB? Quelles images et représentations, en fiction notamment, a t-on ou aura t-on de lui? Je m’interroge sur cet aspect parce que je sais que, dans la constitution des images surhumaines (mythe, légende…), la littérature joue un rôle majeur. Il peut s’agir d’un personnage de la mythologie, mais aussi d’une personne issue du milieu public (politique, sport, show biz). La littérature va parfois forger l’image en la construisant sur la bases d’éléments inventés, soit en empruntant aux éléments réels pour en faire une fiction. Le but ici étant, non pas de reproduire fidèlement ou infidèlement l’histoire de la personne représentée, mais d’en présenter une autre facette, et surtout, d’être un document fiable, témoignant de la personne illustrée pendant de longues années encore après sa mort. Des exemples nombreux existent dans ce cas. Ailleurs dans le monde et même en Afrique aussi. Par exemple, autour d’Ernest Guevara, le « Che », s’est constituée toute une fiction littéraire. Dans une moindre mesure, Patrice Lumumba, Thomas Sankara sont à classer dans la même catégorie. Mais pas Omar Bongo. 

Mes recherches, à ce jour, ne m’ont rien révélé de ce côté. Passons sur les biographies littéraire romancées qui ressemblent plus a des livres « sur commande », voire des tracts de propagande qu’à des ouvrages à la littérarité affirmée. Ses actions en politique, dans les affaires, en dans les domaines diplomatiques et économiques ont bien été passées narrer par quelques thuriféraires. Comme un certain Josué Koloko, qui a publié, à compte d’auteur, deux livres aux titres étonnement louangeurs:  El Hadj Omar Bongo ou l’art et la manière de gouverner le Gabon et El Hadj Omar Bongo Ondimba, un bilan inégalé, une histoire exemplaire. Hors cet auteur, citons aussi deux livres écrits par deux anciens protégés d’OB; Une éthique du pouvoir : l’art politique d’Omar Bongo Ondimba, de Guy Nzouba-Ndama et, Omar Bongo Ondimba l’insoumis. Livre I, Le rêve d’un nouvel ordre international pacifique et consensuel de Grégoire Biyogo.  

Ces ouvrages ne feront pas oublier qu’aucun auteur sérieux n’a jamais utilisé la figure d’OB comme personnage principal ou même secondaire d’une fiction. Aucun roman, aucun recueil de poèmes ou de nouvelles, aucune pièce de théâtre d’envergure. Les écrivains de fiction l’auraient-ils snobé? Son personnalité n’était-elle pas transformable en personnage? Ses nombreux « faits d’armes » et le rayonnement qu’on s’est accordé à lui attribuer, ne suffisaient-ils pas à constituer la trame d’une véritable oeuvre de fiction (littéraire ou cinématographique)? Pour l’heure, la réponse à ces différentes questions est négative. Comme une (ultime?) preuve de son insignifiance, de sa petitesse… Lors des obsèques d’OB, de nombreux gabonais étaient inconsolables. Certains ont versé beaucoup de larmes sur celui qu’ils appelaient « papa bongo ». Mais avec le recul, et eu égard à ce qui précède, sur quoi ou qui pleuraient-ils? Sur le « Géant de la politique » ou sur le « nain de la littérature »? Sur son image policée et dithyrambique construite par les journalistes politiques ou sur sa non-image chez les écrivains?   

 

 

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