Origine et identité. Voilà qui pourrait être un très beau sujet de réflexion dans plusieurs disciplines (littérature, sociologie, psychologie, philosophie…). Sans doute, beaucoup de grands penseurs se sont intéressés, de manière séparé ou jumelé à ces notions.
Quelle est la part de l’origine (ethnique ou raciale) dans l’identité des individus? Peut-on être ou se définir indépendamment de ses origines? Y’a t-il possibilité d’échapper ou de renoncer, ou même de refuser une part ou tout de son origine? Ce sont quelques questions qui me sont venues sur ces notions. et ces interrogations sont parties de l’actualité récente autour de la romancière Marie Ndiaye, Prix Goncourt 2009 pour son ouvrage Trois femmes puissantes.
Petit rappel. Marie Ndiaye est une écrivain française. Née d’un père sénégalais et d’une mère française, elle a été élevée par cette dernière, en France, après que son géniteur ait quitté sa femme et ses enfants pour retourner vivre au Sénégal. Marie avait alors Un (1) an. de ce père, elle dit ne rien garder, n’avoir que peu de souvenirs. Du pays et du continent duquel il vient, elle ne dit ne pas connaître grand chose. Son univers à elle, affectif, instructif éducationnel a été celui de sa mère, issue elle-même d’une famille de la campagne française. Marie s’est donc construite dans ce contexte-là, avec des valeurs, des références, des réalités hexagonales, franchouillardes mêmes. Ce sont ces valeurs là qu’elle transmet sans aucun doute à ses enfants. Ce sont également ces références qu’elle dit consigner dans ses ouvrages; c’est enfin la réalité de
la France des villes, de la banlieue, de la campagne qu’elle dit raconter. Bref Marie Ndiaye dit qu’elle est française, simplement française et seulement française.
Pourtant, comme une provocation, une bonne partie de la critique littéraire, certains journalistes aussi, l’assimilent régulièrement à l’Afrique. « Auteur franco-sénégalaise » parfois, « écrivain d’origine africaine » écrit-on là-bas. Pourquoi? Parce qu’elle s’appelle Ndiaye et qu’un tel nom ne peut provenir ni du Cantal, ni de Bretagne, ni de Provence…? Parce qu’elle a le teint métissé? Parce que certains des personnages de ses romans s’appellent Khadi, Fanta ou encore Nora? Certes, ces raisons pourraient permettre de valider l’étiquette africaine qu’on lui colle. Mais, en France comme ailleurs, peut-on se fonder sur de seuls arguments pareils pour classifier un auteur voire tout simplement un citoyen? Est-il possible d’attribuer une origine (synonyme d’identité) à un individu à partir d’éléments qu’il juge lui-même extérieurs à sa vie, à son identité? Enfin, peut-on contraindre quelqu’un à porter une origine contre son gré?
Les réponses à ces questions ne sont pas simples. Marie Ndiaye s’appelle précisément Ndiaye et pas De Charette ou Lemonnier; en cela elle ne peut reprouver l’africanité de son nom, à défaut d’être celui de sa personne. De même, grâce (ou à cause?) de la nationalité de son père et partant, de son teint métissée, difficile de nier une autre part d’Afrique en elle. de même aussi, pourrait-on dire que, situer des scènes certains de ces ouvrages en Afrique (Dakar dans Trois femmes puissantes) et « affubler » certains de ces personnages de patronymes exotiques, concourent également à porter l’Afrique. Marie Ndiaye a donc beau refuser d’être une fille africaine, elle a beau ne pas avoir l’Afrique au cœur, mais ce continent est dans ses gènes. Bien plus que dans ses gènes même, il est dans son être, dans son identité. Qu’elle le veule ou pas, qu’elle le revendique ou non, les éléments susmentionnés le démontrent.
Et si ces éléments ne suffisent pas, des gens sont là pour lui rappeler cette réalité. A preuve, un fameux député de la majorité française -Eric Raoult, pour ne pas le nommer – qui lui conseilla, sur fond de remarque nauséabonde, un « droit de réserve » dans ses réactions publiques. Une remarque teintée de paternalisme et même de discrimination. En effet, en s’attaquant à elle, et en la mettant en parallèle dans la même phrase avec « Noah Yannick et Lilian Thuram », ce monsieur a tout simplement signifié qu’elle n’était à considérer que par la couleur de sa peau (les deux autres personnages cités dans la même phrase étant aussi « de couleur »). Bref, en l’attaquant de la sorte, cet élu UMP a choisi, de façon euphémique, de lier l’origine de Marie Ndiaye à son identité. Une preuve de plus que, bon gré mal gré, ces deux notions font bien souvent, trop souvent même, chemin ensemble.
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