L’AFFAIRE MUTATIONS : Deux ans plus tard
Durant les mois de juin et juillet 2007, déclenchait « l’affaire Mutations », du nom d’un important quotidien camerounais. A l’époque, voici ce que j’avais publié (http://aubingeorges.unblog.fr/2007/07/23/ou-va-mutations/). Deux ans plus tard, je m’intéresse de nouveau à ce sujet. Qu’est devenue cette affaire ? Qu’a-t-elle entraîné comme répercussions dans le paysage médiatique du pays ? Que sont devenus les principaux protagonistes ? Cette affaire a-t-elle livré tous ses ressorts ? Ce sont-là quelques-unes des questions auxquelles je vais essayer de répondre.
S’il est une des prédictions que je faisais, et, en réalité, que je craignais, c’est que l’affaire Mutations n’entraîne dans ses dégâts la mort de ce journal. Dieu soit loué, une telle catastrophe n’est pas survenue. Car si Muta avait disparu à la suite de cette crise, cela aurait été une vraie Catastrophe, tant ce journal est important dans le paysage médiatique du pays. Evité la disparition, il n’y a eu « que » scission de l’équipe, ce qui peut ressembler à un moindre mal par rapport à ma crainte initiale. Bien plus même, de cette scission, est né un autre titre, Le Jour, un journal venu enrichir les rangs des quotidiens nationaux. Ce journal a été lancé par Haman Mana (voir interview à venir), l’ancien directeur de Mutations, suivi dans cette nouvelle aventure par certains anciens collaborateurs. En résumé, d’un seul journal, on est passé à deux. En effet, après quelques jours de balbutiements au plus fort de la crise (avec notamment la décision des deux équipes de publier leur journal sous le même titre Mutations, ou encore la judiciarisassions de l’affaire) les choses se sont arrangées par la suite. Désormais, chacun vit sa vie désormais. Avec plus ou moins de réussites et de joies. Nous n’avons pas tous les détails précis concernant chacun de ces titres (bilans financiers, audience quotidienne, statuts et traitements des salariés…). Mais à en croire leur principaux dirigeants et des observateurs avertis de l’univers médiatique local, ces deux quotidiens se portent plutôt bien aujourd’hui ; c’est l’une des bonnes choses issues de cette crise. A vrai dire même la seule même.
Aujourd’hui, plus de deux ans après, a-t-on suffisamment de recul pour disséquer les éléments ayant entraîné cette affaire ? Quelles erreurs, individuelles et collectives, ont poussé à la crise ? Quelles furent les conséquences ? Quels enseignements les uns et les autres en ont tirés ? Difficile d’avoir ici toutes les réponses. Une chose est certaine néanmoins ; dans ce pays, l’affaire Mutations aura dénudé notre belle profession. Elle avait donné à voir une guéguerre détestable entre journalistes où, dans des tribunes et autre interviews, l’insulte le disputait à l’invective, à la menace et autres calomnies. L’on avait pu apprendre que certains des protagonistes de l’affaire s’en voulaient à mort parce que, les uns comme les autres, ils avaient transformé des activités de plume (leur boulot de base) en activités de rente, où seule la recherche du profit et l’enrichissement comptait.
D’autre part, cette affaire avait aussi inhibé pendant un moment la presse dans son ensemble dans son rôle de 4e pouvoir face aux puissances administratives et politiques, qui, dans ce pays, n’en manquent pas une pour fustiger les « journaleux ». Le cadeau de la discorde, de l’embrouille, de la « guerre » qui avait été offert aux politiques était trop beau pour qu’ils ne s’en saisissent pas pour, sinon attiser les flammes, du moins moquer voire humilier notre profession. Quelle crédibilité pour les journalistes à pointer les travers des députés, les escroqueries des Directeurs généraux ou la duplicité d’opérateurs économiques sans scrupules, alors que précisément dans le même temps, eux-mêmes déversaient sur la place publique leurs habitudes en matière de gestion pas toujours irréprochables ?
Aujourd’hui, la tempête est passée. Mais le vent doit continuer de souffler, en interne du moins, pour les principaux protagonistes de cette affaire qui doivent sans doute regretter un tel gâchis. Mais il faut croire aussi que, au-delà des batailles de personnes et autres problèmes nés de cette affaire, dont nous avons parlé plus haut, la crise du journal de
la Rue de Repiquet restera gravée dans les annales. Si à l’avenir, une autre entreprise de presse connaissait pareil tumulte, nul doute que les chroniqueurs et analystes des médias ne manqueront pas de rapprocher ces faits avec ceux de Mutations. Un précédent fâcheux donc que chacun de ceux qui ont été plongés au cœur de cette affaire devra apprendre à gérer. En espérant que ce ne soit pas un boulet ni un mistigri
PS : Contactés par nous à s’exprimer pour enrichir cette « suite de l’affaire », certains n’ont pas répondu ; d’autres en revanche font encore attendre leur réaction. Je vous les ferai partager dès que possible.
REACTIONS: ci-joint un extrait de l’échange (par courriel) que j’ai eu avec Haman Mana à propos de cette « affaire »
- Quels étaient les principales raisons ayant causé la crise de votre ancien journal?
Je crois qu’en tant que professionnel, j’avais atteint la phase de saturation dans un système (que j’ai moi même bâti) et j’avais besoin d’autres défis, d’autres perspectives. Mes associés et partenaires ne me les offraient plus. il fallait donc que chacun prenne sa route…
- Quelle est à ce jour la situation de « l’affaire Mutations » (suites judiciaires, professionnelles, humaines…)?
Les suites judiciaires? Je n’en sais rien. Mais les suites humaines sont perceptibles. Il y avait de belles amitiés dans l’équipe Elles en ont souffert. Le traumatisme et les commotions ont été forts.
- Avec le recul, ne fallait-il pas que cette situation arrives pour vous (et les autres collègues qui vous ont suivi) permettre d’aller vers un nouveau challenge (Le Jour)?
Avec ou sans recul, cette situation était absolument nécessaire. Tout le monde en a profité. D’abord pour se remettre en question, ensuite pour pouvoir repartir sur autre chose. Le nouveau challenge dans lequel Nous nous sommes engagés parle de lui-même. Et il y a d’autres horizons à conquérir encore…
- Quels enseignements le milieu de la presse et celui des medias en général ont tiré de cette affaire?
Les enseignements que je tire de cette affaire, c’est qu’il y a de la place dans l’univers médiatique Camerounais pour les projets où il y a du souffle. Contrairement à ce que tout le monde dit, C’est encore ouvert, pour toutes sortes d’expériences, de folies et de rêves.