Archive de la catégorie ‘Actu du monde’

Présidentielle US: l’étonnante campagne des médias français

Mercredi 13 février 2008

La campagne présidentielle aux USA bat son plein en ce moment. Dans un système marathonien qui est propre à ce pays, les postulants Démocrates et Républicains font campagne et s’affrontent pour obtenir les suffrages des militants et sympathisants de leur camp, afin de le représenter lors du vote du futur président en Novembre prochain.

Pour l’heure, après un premier tour de piste, où les candidats étaient nombreux dans chacun des camps, seuls restent en piste Mike Huckabee et John Mc Cain (côté Républicain) et Barack Obama et Hilary Clinton (côté Démocrate). Ils en sont rendus à plus de la moitié du vote interne, et doivent encore attendre qui d’eux sera désigné pour porter les couleurs de son parti.

Dans ce commentaire, je souhaite m’exprimer sur la « couverture » de cette campagne électorale (dans les deux camps) dans les médias français. Et principalement à la télévision. Les grandes chaînes de ce pays, ainsi que les chaînes d’infos en continu nous abondent au quotidien d’articles, reportages, interviews, dossiers sur cette campagne. Et même, les jours de grands votes comme le mardi 5 février (appelé Super Tuesday), beaucoup de chaînes ont fait des couvertures spéciales sur cet évènement.

Pour entrer dans les détails, les médias français, comme s’ils s’étaient passés le mot, font une couverture assez bizarre de cette campagne. Notamment celle des Démocrates. Ici, on entend parler tous les jours que de Barack Obama. A lui les bons mots, à Hilary Clinton les mauvais maux. Quand il gagne une primaire, c’est qu’il a convaincu et a séduit. Quand elle l’emporte, on nous explique que l’écart avec son challenger est assez minime et que c’est une victoire à la Pyrrhus.

Je suis comme beaucoup de monde flatté et séduit par la personne de M. Obama. Mais, comme beaucoup aussi certainement, je me demande si on n’en fait pas des tonnes, dans les médias français surtout, sur lui parce qu’il est noir. Et que de ce fait, on se sente obligé de lui « filer un coup de main » médiatique, pour lui permettre d’arriver sur le toit des USA. En clair, M. Obama doit être dans son pays le chouchou d’une partie de la presse acquise à sa campagne pour des raisons qui lui sont propres. En revanche, en France, il est le chouchou de TOUTE la presse. Pour quelles raisons?

On n’a que peu d’informations sur son programme de politique intérieure; juste plus de protection de l’Etat envers les pauvres (alors qu’il ne veut pas l’engagement de ce même Etat pour assurer une couverture médicale à tous les américains; 46 millions d’américains en sont dépourvus). Sur l’international, on en sait encore beaucoup moins, si ce n’est qu’il n’a pas voté pour la guerre en Irak (alors même qu’il n’était pas sénateur) et qu’il va réconcilier l’Amérique avec le monde (comme si cela était en soi un programme). Bref, on nous survend Obama en Kennedy du 21e siècle (encore que sur Kennedy, il y aurait pas mal de chose à dire aussi), en Sauveur de l’Amérique et du monde de demain.

Et pourtant, pour l’instant, sa campagne se résume à la narration d’une histoire; son histoire personnelle. Elle est argumentée de discours de tribun, très emballant, très enjôleur aussi, mais parfois, à l’extrême limite de la rêverie et de l’apprenti-sorcellerie. Et les médias français nous servent çà à foison comme quelque chose d’extraordinaire. D’ailleurs, d’après eux, il ne fait plus de doute que ce sera lui le candidat officiel des Démocrates à la prochaine élection. Cette prévision que la presse française caresse et affirme sans ambages me fait peur. Ou plutôt me fait rire. Non pas que je ne souhaite pas la victoire de M. Obama (en fait je m’en fiche un peu que ce soit lui ou quelqu’un d’autre, n’étant pas citoyen américain et n’ayant rien à attendre de ce pays), mais davantage parce que, la dernière fois que les journalistes français se sont montrés aussi enthousiastes sur un candidat lors d’un scrutin aux USA, le résultat de leur pronostic s’est avéré faux. C’était le cas en 2004, où la presse française dans son grand ensemble avait fait une propagande anti-Bush et pro John Kerry, à tel point que çà devenait indigeste. Résultat des courses, le candidat démocrate avait été battu à plates coutures par un Bush qu’on décrivait ici comme impopulaire, belliqueux, battu d’avance. La même chose s’est produite en 2006 lors des élections générales en Italie, où on nous a expliqué pareil ici que Berlusconi était un loser et qu’il serait sévèrement battu par M. Romano Prodi. Là aussi, le résultat fut à peu près différent de la campagne menée ici et surtout des prévisions avancées. Car, M. Prodi n’a finalement gagné qu’avec un petit député d’avance (son gouvernement vient d’ailleurs de chuter, faute de majorité suffisante).

Face à ces « erreurs de pronostics » de la presse française, conséquences de couvertures médiatiques tronquées et/ou malveillantes de cette même presse, j’ai décidé de me mettre à suivre la campagne américaine en V.O (version originale). Mon anglais est boiteux, certes, mais il me laisse encore le temps de regarder une émission en anglais, ou de lire un texte dur le site Internet d’un journal américain. Je vous invite à suivre ma démarche, pour sortir de l’intoxication dans laquelle on baigne en ce moment avec les médias français au sujet de la Campagne électorale américaine.

La crise tchadienne: suite

Vendredi 8 février 2008

La crise militaire (encore appelée « coup d’Etat ») ouverte au Tchad le week-end dernier (du 1er au 4 février) s’est achevée. Pour un moment certainement. J’en ai parlé dans un article précédent. Le dénouement est arrivé dans la même cacophonie qui avait présidé le déclenchement. C’est-à-dire, dans un flou total, tant sur les « acteurs » réels, que sur les acteurs extérieurs, que sur les implications des uns et des autres. Bref, les seules certitudes qui soient admises sur ce sujet en ce moment, c’est que les rebelles ont battu en retraite (sans trop d’explications), et Idriss Déby est sorti de son bunker présidentiel en chef victorieux (alors que pendant deux jours il était en apnée).

On saura dans les jours à venir toutes les conséquences, tant humaines que politiques et diplomatiques de cette crise. On saura aussi quel est le coût financier, psychologique et moral de cette tragédie. Mais dores et déjà, et ceci est sur le plan diplomatique, on sait que cet épisode bizarre aura marqué un tournant dans les relations entre la France et le Tchad. Dans le conflit du week-end dernier, il est à peu près certain que la France a joué un rôle important pour éviter le pire au soldat Déby. Au nom de quoi? Des accords militaires signés entre les deux pays en 1976, nous dit-on. C’est tout? Autrement dit, c’est uniquement pour des accords aussi vieillots, signés à une autre époque (celle de la Guerre froide), illisibles au regard de la situation socio-politique du Tchad (et même de la France) d’aujourd’hui, que la France a déployé hélicoptères, mirages, et autres armes lourdes et légères pour permettre au petit chef de N’Djamena de garder son poste?

Cette thèse officielle est tellement banale voire grotesque que aucune personne avisée ne pourrait y croire. Pour en savoir plus, on a eu un début de réponse hier (6 février) de la bouche du président tchadien lui-même. Cette raison supplémentaire de « l’aide » française à la  »victoire » de M. Déby c’est la  »grâce » que se dernier serait prêt à accorder aux membres de l’Arche de zoé. L’arche de zoé, vous vous souvenez? Ce groupe « d’humanitaires » qui étaient allés « sauver » des enfants du Darfour, et qui avaient tenté des les « amener » vers la France avant d’être arrêtés. Ces six membres de l’Arche de zoé qui avaient été condamnés au Tchad à huit (8) ans de Travaux forcés et plus de 6 millions d’euros de dommages et intérêts. Ces mêmes gens qui avaient pourtant été transférés après leur condamnation vers la France deux jours après leur condamnation en Afrique. Ces mêmes membres de l’Arche de zoé enfin qui avaient vu leur condamnation tchadienne convertie en huit (8) ans de prison en France le 28 janvier dernier, parce que les Travaux forcés n’existent plus en droit français. 

Ce sont donc eux (les membres de l’Arche de zoé) qui semblent avoir, en partie, motivés la France d’engager son armée et sa diplomatie (voir les gesticulations du French Doctor Kouchner) au Tchad; puisque dès le lendemain de la fin des hostilités, il est désormais question de les gracier. Cette stratégie ou plutôt ce deal est vraiment ignominieux. Car, que la France défende ses ressortissants, c’est son droit le plus absolu. Qu’elle soutienne un roitelet au méthodes de gouvernance obscure, et qui, depuis 18 ans qu’il est en poste, n’a pas montré quelques signes que ce soient de faire sortir son peuple de la misère (malgré la découverte, l’extraction et la commercialisation du pétrole ces dernières années), n’est déjà pas acceptable. Qu’elle intervienne directement dans des affaires intérieures des africains (même s’il s’agit d’une guerre), sous le prétexte « d’accord de coopération » vieillot et éculé, est aussi à peine compréhensible.

Mais, le pire est à venir. Car si la France a marchandé la « défense » de son « ami » Déby contre la libération (même par grâce) des membres de l’Arche de zoé, alors qu’on sait ce qu’ils ont fait, c’est à tout le moins se foutre de la gueule du monde. A commencer par les 103 enfants et leur famille, principaux VICTIMES dans l’aventure des « humanitaires » de Zoé. C’est aussi se foutre de la gueule des tchadiens (la jeunesse, la justice, les forces de sécurité…) pour qui, un tel marchandage s’apparente, au moins à une insulte, au pire à un bras d’honneur. Ce bras d’honneur s’adresse aussi à toute la jeunesse africaine, qui s’est appropriée l’affaire des enfants malmenés dans  »l’affaire de l’Arche de zoé ».

Il viendra un jour où, la France sera plus amie avec l’Afrique et les africains. Ce jour-là, c’est celui où elle n’en fera plus qu’à sa tête sur le continent. Ce jour-là, c’est celui où, tout en préservant de manière ouverte et claire ses intérêts, elle ne sabordera pas ceux des africains. Ce jour-là, ce sera celui où, au détriment des populations nombreuses, elle ne continuera plus à soutenir des petits potentats qui ne servent que leurs intérêts, et qui, par leur mauvaise gestion, provoquent de graves crises humaines, dont l’une des conséquences immédiates est l’immigration des jeunes africains vers la France et les autres pays d’Europe. Ce jour-là, doit vite arriver, sinon, des évènements comme ceux du Tchad, de la Côte d’Ivoire en 2004, du Rwanda l’an dernier, où la population (les jeunes notamment) ont du faire des grandes manifestations aux cris et slogans anti-français, recommenceront demain, au Togo, au Bénin, au Cameroun, et un peu partout. Ce qui serait bien dommage, pour les africains, mais aussi et surtout pour la France.  

La crise tchadienne; quelques enseignements

Mercredi 6 février 2008

Depuis quelques jours, le Tchad est ébranlé par une guerre civile entre une rébellion armée qui veut chasser du pouvoir le président Idriss Déby, et les forces loyalistes. L’épisode actuel, est le énième d’une longue série qui date de pratiquement l’arrivée au pouvoir de M. Déby en 1990. Lui-même ancien chef de guerre, ayant pris le pouvoir par la guerre à la tête d’une rébellion. Dès lors, il s’exposait déjà alors à une chute quasi-identique. Si pour l’heure, les assaillants d’aujourd’hui ne sont pas encore parvenus à faire partir M. Déby, ce n’est que partie remise. Ils y arriveront bien à un moment ou un autre. Et si ce n’est eux, d’autres se chargeront de cela, certainement. Assurément même.

Non pas parce qu’ils ont ou auront raison ; ou encore parce qu’ils ont ou auront de meilleurs arguments de gouvernance que le président actuel ; mais, essentiellement pour deux choses : d’abord parce que, dans la configuration actuelle de ce pays (et dans beaucoup d’autres sur le continent), aucune autre possibilité n’existe pour envisager arriver au pouvoir. Les élections, des municipales à la présidentielle, en passant par les législatives et les sénatoriales, sont confisquées. Gagnées de manière récurrente par les mêmes qui sont en poste, parfois depuis plusieurs années. L’administration publique est « vérolée », contrôlée par les amis ou cadres du parti au pouvoir. Les leviers de la richesse échoient pour grande partie à ceux (minoritaires) qui sont proches du président et du parti qu’il préside. Or, ces gens qui « mangent » ne représentent pas la majorité, mais plutôt une petite minorité. Et dans le même temps, ceux qui « ne mangent pas » sont les plus nombreux. Et c’est souvent eux qui grossissent les rangs des rébellions pour réclamer juste un peu de « pain ». La rébellion, la guerre civile est donc d’abord et avant tout une question de survie (alimentaire, existentielle…)     Le deuxième élément qui peut permettre d’expliquer la situation actuelle à N’djamena et dans les autres villes du pays est propre à l’histoire politique de ce pays. C’est celle qui tend à venir confirmer, voire valider la logique de prise du pouvoir par les armes, qui semble avoir fait son lit dans ce pays depuis l’indépendance en 1960. En effet, jamais aucun président n’est arrivé au pouvoir au Tchad par un autre moyen que par les armes. La guerre, la rébellion, semblent donc inscrit dans une espèce de continuité dans ce pays. Les époques, les années aussi changent, mais cette vision de la conquête du pouvoir ne change pas visiblement chez les tchadiens. Ce n’est certes pas une fatalité ; mais une habitude. Une habitude donc une seconde nature. Est-ce compréhensible ? Hier, François Tombalbaye, puis Felix Maloum, puis Goukouni Oueddei, puis Hissène Habré, ensuite Idriss Déby et peut-être maintenant Mahamat Nour (ou un autre chef rebelle), peuvent-ils justifier pourquoi choisir toujours la voie des armes pour la conquête du pouvoir ? Les réponses sont dans les éléments que nous avons avancés plus haut. Elles sont aussi dans les ambitions personnelles de ceux qui veulent arriver au pouvoir. Enfin, elles existent aussi dans l’attitude des pays voisins, des pays alliés et/ou de la communauté internationale (voir encadré). Le Tchad ébranlé aujourd’hui, c’est quelque chose de normal donc, que seuls les myopes n’auraient pas pu voir venir. La seule question qui soit pertinente en ce moment, c’est de savoir à qui le tour après ce pays ? 

ENCADRE: Le rôle de la « communauté internationale » dans la crise tchadienne

Que fait la « communauté internationale » au Tchad ? La question mérite d’être posée. D’après les derniers rebondissement de la crise qui frappe ce pays ces derniers jours, on a cru entendre que « la communauté internationale » condamne la tentative de prise du pouvoir par la force au Tchad. En clair,
la France, l’Union africaine, les pays de l’Union européenne et bien d’autres encore, refusent de valider un probable coup d’Etat dans ce pays. On croit rire à cette idée. Car, si cette « communauté internationale » devait refuser tous les coups de force dans les pays africains, il y a longtemps qu’elle ne parlerait plus avec beaucoup des dirigeants passés ou actuels du continent. L’un des derniers en date est François Bozizé de Centrafrique. En 2003, à la suite de son coup d’Etat contre le président élu Ange-Félix Patassé, lui et son pays avait été mis au ban des institutions internationales ; avant d’être réintégré au plus vite. Il est certain que, si les mutins de N’Djamena réussissent leur coup, c’est sans doute ce qui adviendra également. Et, en toute logique, on ne voit même pas pourquoi cela serait autrement. 

Car, dans le même temps, que fait cette « communauté internationale » quand il s’agit de coups d’Etat électoraux ; ou encore, phénomène de mode en ce moment sur le continent, quand il s’agit de coups d’Etat constitutionnels ? Lorsque au Tchad, au Gabon, au Cameroun, au Togo et ailleurs encore, les dirigeants organisent des révisions de la loi fondamentale pour s’éterniser au pouvoir, que dit la « communauté internationale », France en tête ? Que pense t-elle, des scrutins organisés dans la violence et où les résultats créditent toujours les vainqueurs de majorités très absolus, avec des pourcentages de suffrages engrangés tutoyant les 100% ? Que disent les pays de la « communauté internationale » lorsque certains régimes pratiquent encore la torture, le chantage, la prise d’otage d’Etat, le racket généralisé et font du bien être de leur peuple le cadet de leur souci ? Où est cette communauté internationale pour condamner l’analphabétisme, les coutumes rétrogrades, la famine, la prostitution et surtout la corruption dans les pays comme le Tchad et d’autres encore ? 

Personne en Afrique n’est dupe ; notamment en ce qui concerne les raisons qui peuvent pousser les gens à créer une situation comme celle du Tchad en ce moment. C’est essentiellement la désespérance face à un pouvoir en place depuis longtemps, et qui charrie son monde en se projetant comme un « pouvoir à vie ». 

La communauté internationale n’avait presque pas bougé, en dehors des condamnations de principe. A la suite de cet épisode, le président tchadien s’était fait (re)élire dans un scrutin émaillé d’incidents et d’irrégularités. Encore une fois, la même communauté internationale n’avait pas fait de zèle pour dénoncer, et au besoin exiger de nouvelles élections. Depuis quelques jours, la même communauté internationale déploie un trésor d’énergie pour condamner, menacer et même combattre les forces rebelles, au prétexte qu’elles n’ont pas le droit de prendre le pouvoir par les armes. Comment comprendre cette attitude de deux poids, deux mesures  appliquée dans ce pays par
la France et les grandes puissances, qui avalisent un coup d’Etat constitutionnel et électoral, et condamne une tentative de coup d’état militaire ? Si l’incursion de ces jours ne réussit pas, il est à espérer qu’elle recommencera ; car, quand un peuple n’a aucune possibilité légale d’espérer le changement et l’alternance, il ne lui reste que les armes. Et dans le cas des tchadiens, et de bien d’autres africains, c’est le cas. Il y a à craindre qu’après le Kenya, le Tchad, d’autres foyers naîtront sur le continent, que la « communauté internationale » aura du mal à éteindre, si elle continue d’être si partisane et si peu inspirée. 

 

 

L’Afrique (noire) est mal partie: épisode 3

Mercredi 12 décembre 2007

Dans les deux premiers épisodes de cette réflexion, j’ai abordé l’aspect historique du titre. De son auteur aux justifications contextuelles de ce titre. Puis, j’ai évolué dans cette réflexion pour montrer, par plusieurs éléments, pourquoi l’assertion de René Dumont était fondée. En effet, l’Afrique noire est (toujours) mal partie. Cela l’était en 1962 quand il a publié son ouvrage, cela l’est aussi encore aujourd’hui.

Certes, on n’est plus dans la même problématique, ou plutôt dans la même déclinaison de cet état de retard de notre continent. Bien plus, il y a même des avancées et des choses positives qui ont été réalisées sur le continent. Personnellement, et sans nier ou occulter ces aspects positifs et évolutifs, j’ai choisi de ne pas m’y intéresser. D’autres le font très bien. Pour des raisons qui leur sont propres. Et c’est tant mieux qu’ils puissent avoir des gens pour présenter « l’Afrique positive » comme on dit dans quelques milieux huppés aujourd’hui.

Moi j’ai choisi de parler de l’Afrique qui va mal. Parce que mon sentiment c’est que ce continent va très mal. Beaucoup plus qu’on ne le pense et qu’on ne prétend le dire. Le malaise est perceptible à plusieurs niveaux, qui, tous, justifient à tout le moins le titre que nous avons donné à cette série de réflexion. C’est un malaise lié à l’histoire et à certains choix qui ont été faits; j’en ai parlé dans les précédents « épisodes ». C’est aussi un malaise lié à la conjoncture socio-politique des deux dernières décennies. C’est à la lumière de ces deux derniers domaines que je vais aborder cette autre réflexion.

Les grands bouleversements politiques mondiaux du début des années quatre-vingt-dix, marqués notamment par la Chute du mur de Berlin et la fin du Communisme ne se sont pas arrêtés aux portes de l’Afrique. Bien au contraire même, cet élément spécifique a été le déclencheur d’une agitation politique et sociale sur le continent noir qu’on a rapidement et pompeusement baptisé de « retour au multipartisme et à la démocratie ». En fait, sous la pression de quelques chancelleries occidentales (France et Grande-Bretagne en têtes), les dirigeants de la plupart des pays africains ont autorisé certains de leurs compatriotes à créer des formations politiques. Dès lors, il n’y avait donc plus seulement le Parti unique, mais aussi des partis « d’opposition ». On a alors vu des centaines d’associations se déclarer comme parti politique et prendre un enregistrement public dans ce sens. Des plus farfelus aux plus excentriques.

Quelques-uns néanmoins, surfant sur une vague de mécontentement général, on parfois tiré leur épingle du jeu et se créer  une place dans le champ politique et social du pays. Ainsi, à la faveur des premières consultations électorales qui ont été organisées, ils ont pu faire élire quelques députés ou maires issus de leurs rangs. Parfois même, dans certains pays, l’Alternance a pu s’opérer, et, un candidat issu de l’opposition est arrivé à l’emporter sur le candidat du Parti unique. On l’a vu au Bénin en 1991, au Congo en 1992, en RCA en 1993, et, un peu plus tard au Sénégal en 2000, pour ne citer que ses exemples-là.

Mais, de manière constante, le maintien des autorités issues des partis uniques, ou l’arrivée des dirigeants venus de l’opposition n’a pas souvent changé grand chose pour les populations africaines. Dans la plupart des pays, les retards en terme d’avancées démocratiques sont toujours aussi criants. L’éducation n’est presque pas aux normes de modernité et n’assure pas à ces lauréats un quelconque bonheur professionnel et/ou social. Le système sanitaire, économique et culturel n’est pas non plus structuré. Les populations, dans leur grande majorité, ont vu leurs conditions de vie se dégrader gravement. Résultat de tout ceci, la misère grandissante et surtout l’émigration massive vers l’Europe ou les pays un peu plus riches.

Le point culminant de ce malaise généralisé qui fait que, aujourd’hui encore, l’Afrique noire soit demeurée dans les starting-block, c’est la situation des Droits de l’Homme. On dirait, à l’analyse, que c’est un luxe en Afrique, tant ces droits sont bafoués et violés dans tous nos pays au quotidien. Les droits civiques sont à peine respectés; ceux liés à l’expression le sont encore moins. Tout ceci combiné fait dire à l’homme de la rue d’Abidjan ou de Dakar, ou de Douala, ou de Kinshasa ou encore d’ailleurs que notre continent est toujours mal partie. Et les choses ne vont pas s’arranger dans les mois et les années à venir.

Parce que, la grande affaire en vogue dans nos pays en ce moment, c’est la révision de la Constitution par les régimes en place, pour permettre aux présidents déjà en place de se représenter aux prochaines élections; en clair, d’être élu à vie et de mourir en fonction. Ca s’est vu au Togo de Gnassingbé Eyadema avant sa mort en début 2005, en Tunisie de Ben Ali; çà se trame au Cameroun de Biya, au Congo de Sassou, au Gabon de Bongo et dans d’autres pays encore. Les populations, souvent priées d’avaliser les mascarades de « référendums » qui vont valider ces « réformes » constitutionnelles, ne sont pas dupes. En règle générale, elles n’y vont pas, rendant les taux de participation à ces échéances, et plus globalement à tous les scrutins électoraux, exagérément faibles. 

Pris en tenaille, et n’ayant pas d’autres choix que le pire (les pouvoirs en place) ou l’inconnu (les forces qui veulent le changement), les peuples africains sont désespérés et résignés. Beaucoup ont baissé les bras, et, tels des moutons, attendent qu’on les conduise soit au pâturage (rarement) soit…à l’abattoir (régulièrement). Ils ont renoncé à toute action violente pour se faire entendre et changer de gouvernement (comme cela a pu être initié par le passé dans certains pays d’Europe (Ukraine, Georgie) ou d’Asie (Kirghizstan) et d’Amériques). Ils savent que toutes confrontations directes avec les régimes tourneraient au bain de sang. Et donc, ils attendent que les situations changent d’elles-mêmes. Que la providence vienne faire bouger les choses. Et qu’enfin, notre continent décolle. Pour l’instant, çe n’est pas le cas. Mais on espère que çà le sera un jour. Dans dix, vingt, cent ans. Peut-être.

Ismaél Beah: Enfant-soldat devenu ambassadeur de l’Unicef

Samedi 24 novembre 2007

Heureux qui comme Ismaél Beah a fait un beau voyage. Un beau voyage? Oui. Un très beau voyage même; qui l’a mené des forêts sierra léonaise et libérienne jusqu’au siège social de l’Unicef à New York. Un voyage digne d’un conte de fée, digne de l’histoire d’Ulysse ou de Jason; J’exagère un peu dans la comparaison, mais bon, il ne faut pas faire la fine bouche face à l’histoire de ce jeune homme qui a fait l’actualité des gens célèbres ces derniers jours.

Ismaél Béah est un jeune sierra léonais de 27 ans, devenu cette semaine, Ambassadeur de bonne volonté de l’Unicef; plus exactement « Défenseur de l’UNICEF pour les enfants affectés par la guerre« . Habituellement, cette fonction symbolique, mais très honorifique est attribuée aux stars du Cinéma, du Sport, de la Culture, et même à d’anciennes personnalités politiques de premier plan, notamment ceux ayant oeuvré dans l’Ecologie, les Droits de l’homme, la Bonne gouvernance… Mais Ismaél Beah n’appartient à aucune de ces catégories. Il sort du néant. Pire même, de l’enfer. Celui de la guerre.

En effet, IB (ses plus simples initiales) a été enfant soldat dans son pays la Sierra Léone. Il a été enrôlé dans les troupes rebelles pour porter les armes et combattre contre des ennemis. C’était au début des années 90. Ses parents et ses deux frères ont été tués dans cette guerre civile en 1992. Le jeune homme a alors 12 ans. Dès cette même année, il est « réquisitionné » comme soldat avec de milliers d’autres jeunes enfants comme lui. Commence alors pour lui, une vie de sauvage et de criminel, qui l’amènera à « tuer pour le plaisir de tuer » comme il le dit lui-même. Son calvaire, et le mot n’est pas assez fort pour exprimer ce qu’il a vécu, va s’achever en 1996, quand il sera démobilisé.

A partir de cette année, il commence un autre « combat ». Celui-là, tout aussi difficile que l’épreuve de la guerre à laquelle il a été soumis pendant plus de trois ans. C’est celui de faire un trait, une croix, sur sa vie passée; d’oublier les massacres qu’il a commis, ou ceux dont il a été le témoin direct. Pour cela, il reprend le chemin de l’école à Freetown la capitale du pays. Loin des forêts dans lesquels il se battait. Loin aussi du regard de ses anciens « collègues » de guerre, et des autres enfants qui l’accompagnaient.

Mais, à peine avait-il commencé cette (re)socialisation par l’école que le conflit armé, jusque là cantonné aux régions de l’intérieur du pays, atteignait la capitale. Il dut alors fuir en exil et, errer de pays en pays. D’abord la Guinée, pays voisin. Puis, de Conakry, il fait un grand saut vers Le Cap en Afrique du sud, avant de revenir quelques mois plus tard à Abidjan en Côte d’Ivoire. Après avoir ainsi bourlingué pendant presque deux ans, sans faire grand chose, il atterrira aux Etats-Unis en 1998.

Au pays de l’Oncle Sam, il est accueilli par l’écrivaine Laura Simms. Cette dernière, conteuse professionnelle, deviendra en quelque sorte comme sa deuxième maman. Elle l’aidera à poursuivre cette scolarité, et, il étudiera même après les sciences politiques dans un collège américain.

Mais ce n’est pas sur les bancs de l’école que IB s’est révélé au monde. C’est davantage dans son activité de militant des droits des enfants. Et notamment des enfants soldats comme lui même l’était. Grâce donc à l’entregent de Laura Simms, il va sillonner les grands milieux politiques américains et surtout les assemblées de l’ONU pour sensibiliser les grands dirigeants de ce monde à la question des enfants-soldats. Pour être encore plus persuasif, il va publier un livre sur ce sujet: Long Way Gone: Memoirs of A Boy Soldier. C’est un roman autobiographique dans lequel il parle de son expérience d’enfant-soldat et de l’espoir qu’il y a d’en sortir pour vivre une vie « normale ».

La vie d’IB n’a pas été simple. Mais il s’en est sorti. Combien d’enfants-soldats en Sierra léone, au Libéria, en RDC, en Ouganda et ailleurs encore auront sa chance? Pas beaucoup certainement. Mais, l’espoir est désormais permis, au regard de son expérience; au regard du beau voyage qu’il a fait. De l’enfer, à la vie. Bravo à lui. Et que désormais, il profite de la tâche que lui a confiée l’Unicef pour aider d’autres enfants-soldats, à faire le même chemin de l’enfer à la vie. Rien que çà.

L’Afrique (noire) est mal partie: épisode 2

Lundi 19 novembre 2007

Dans le précédant article sur ce sujet, j’évoquais le contexte historique du titre de cette Série. J’ai parlé de René Dumont, à qui on doit cette expression, de son oeuvre et notamment de sa pensée sur l’Afrique. Aussi, j’ai essayé d’expliquer quels éléments réels avaient présidé à la conclusion sentencieuse de M. Dumont. Je n’y reviendrais pas. A présent, je vais tenter d’étudier un premier cas qui permette de montrer en quoi, aujourd’hui, 45 ans après les propos de René Dumont, l’Afrique (noire) est (toujours et plus que jamais même) mal partie.

Dans la foulée des indépendances, c’est-à-dire les années soixante, les pays africains, sortis de l’ère coloniale, devaient amorcés leur décollage. Un décollage économique, politique, culturel… Comme acquis de base, il y avait des ressources naturelles (les matières premières, les ressources agricoles, animales et halieutiques) en abondance, mais peu de ressources humaines. Non pas qu’il n’y avait pas assez d’individus; mais des personnes compétentes dans tous les domaines pour amorcer et fixer le cap du développement du continent, on en comptait sur le bout des doigts. 

La première étape de cette « construction » de l’Afrique consistait donc en la formation de cadres et compétences nécessaires qui devaient accompagner ce processus. Tous les pays choisirent alors, d’une part, de créer des universités locales pour parvenir à cette fin; d’autre part, d’envoyer la plupart de leurs jeunes talents poursuivre ou parfaire leur formation à l’étranger, et notamment dans les anciennes puissances coloniales. A ce niveau, il convient de relever la première erreur de casting qui, on le verra plus tard, est une des raisons du retard ou tout simplement du ratage du développement de notre continent. Car, comment comprendre que ce soit dans les pays anciennement puissances tutélaires (et donc bénéficiaires de la plupart des ressources et richesses du continent) que nos pays aient confié la formation de ceux qui justement étaient appelé à remplacer l’administration coloniale? 

C’est pour le moins une maladresse si ce n’est tout simplement une bêtise. Parce que les méthodes de développement des anciennes puissances coloniales dans ces pays n’avaient toujours pas montré leur efficacité; parce que, aussi, elles avaient refusé de « libérer » les lieux, et, quand elles avaient accepté d’octroyer les indépendances, elles avaient traîné les pieds pour partir. Et, comment a t-on pu leur confier par la suite la formation des futurs cadres africains? C’était là une façon de se mettre la corde au cou, en acceptant que nos futurs dirigeants, formés dans les anciennes puissances coloniales, soient des produits formatés, pire même des toutous raisonnant, réfléchissant comme leurs « maîtres ».

En plus des futurs cadres formés à Paris, Lille, Lyon, Londres, Bruxelles et d’autres villes occidentales, il y avait aussi l’ensemble de ceux qui, sur place en Afrique, s’étaient déjà mis au service de l’administration coloniale. Les « Moniteurs indigènes », les « Petits soldats nègres » et autres supplétifs de l’administration coloniale étaient aussi des relais sûrs sur qui les anciens « maîtres » pouvaient s’appuyer après leur départ. De ce fait donc, des officines secrètes, via des réseaux plus ou moins officiels, sans compter l’appui de certains de leurs anciens subalternes devenus, par leur seule faveur, les nouveaux « maîtres » des lieux avaient été conservées pour poursuivre l’entreprise d’exploitation des richesses. Et ces subalternes, ces supplétifs, du fait qu’ils devaient aux « maîtres blancs » leur accession aux « Affaires », étaient de fait des espions ou tout simplement des nègres prompts aux sales besognes qui pouvaient leur être demandées par la suites. « L’Amitié » entre les mères-patrie et les anciennes colonies étaient essentiellement à ce prix. 

Cette amitié a donc été entretenue de cette manière dans bon nombre d’Etats. Au grand dam des peuples de ces pays africains, qui, parfois, ne savaient plus quelle était la différence entre la période sous colonisation et l’après indépendance. Seuls quelques pays ont su, ou ont essayé de s’affranchir du diktat de ce schéma sus-évoqué: La Guinée de Sékou Touré par exemple, le Ghana de Nkrummah, le Congo de Lumumba et dans une moindre mesure le Togo de Sylvanus Olympio et plus tard encore la Haute Volta de Thomas Sankara ou le Zimbabwé de Robert Mugabé. Mais on sait ce qui leur arriva par la suite; certains furent liquidés physiquement (Lumumba, Olympio, Sankara), d’autres retournés, marginalisés, ou chassés du pouvoir de manière brutale.

Tout ceci montre donc les premières erreurs qu’ont commises les nations africaines dans leur quête d’épanouissement, de développement. Erreur de choix de formation pour leurs futurs cadres dirigeants donc. Mais aussi erreur sur la nature des relations à entretenir avec leurs anciennes puissances tutélaires, erreur aussi dans les rapports à établir entre eux (les anciennes colonies). D’autres raisons existent, que nous développeront dans les prochains « épisodes » de cette série.

L’Afrique (noire) est mal partie: épisode 1

Lundi 12 novembre 2007

René Dumont (1904-2001) était un visionnaire. Visionnaire? Certainement oui. En 1962, il publia un livre dont le titre donne son nom au titre de cet article: L’Afrique noire est mal partie. On peut le retrouver dans plusieurs versions de publication, dont le fameux « poche« . Ce livre, ainsi que d’autres encore qu’il publia en rapport avec notre continent (on peut citer L’Afrique étranglée (1980); Pour l’Afrique, j’accuse (1986); Démocratie pour l’Afrique (1991)…) est un véritable plaidoyer vibrant pour le continent. Ces livres, je ne les ai pas lus; juste des résumés et des notes de lecture. Je ne m’étendrai donc pas beaucoup là-dessus. Ils me serviront donc juste de prétexte pour l’argumentation qui va suivre.

Quand M. Dumont écrivait son « affirmation – titre » (l’Afrique noire est mal partie), c’était juste deux ans après l’accession à l’indépendance de la plupart de ces pays d’Afrique. Sous des intentions de réflexions écologiques (il était ingénieur agronome et grand expert des sujets environnementaux), M. Dumont s’attaquait surtout à des sujets politiques et économiques. Et notamment sur l’Afrique. Chacun de ses livres sur notre continent comportait donc une somme de constats et de pistes de réflexion sur ces sujets. C’est sans doute en voyant la situation des pays africains au lendemain des indépendances qu’il affirma que l’Afrique noire était mal partie. Aujourd’hui, de manière rétrospective, on lui donnera raison à ce monsieur. Et plusieurs fois même plus qu’une. Il a eu raison de dire qu’après les indépendances, notre continent était mal parti. La colonisation avait laissé nos pays exsangues. Dans tous les domaines: politique, économique, culturel… L’indépendance de nos pays n’avait pas été vraiment préparée. Les africains s’étaient battus pour l’avoir, et, au moment où ils s’y attendaient le moins, on (les puissances coloniales) la leur avait donnée. Comme un cadeau empoisonnée. Comme un mauvais bonbon qu’on donne à un enfant qui en réclame un bon.

De fait, les structures de gouvernance n’étaient pas appropriées par les peuples africains. Une élite, inféodée au pouvoir coloniale avait certes repris en main les affaires courantes à la suite du départ des « maîtres »; mais elle n’avait pas de marge de manoeuvre propre. Elle ne réfléchissait pas de sa propre tête. La  « feuille de route » de gérance était communiquée depuis les capitales des anciennes puissances coloniales. Les directives majeures aussi. Dans l’administration, on fonctionnait encore comme sous la colonisation. Le système éducatif aussi continuait d’être une pâle copie de celui des « maîtres ». Les exemples sont légion, et nous ne les citerons pas tous. Nos « dirigeants » avaient été choisis pour çà. Ils le respectaient à la lettre. Ceux qui voulaient s’affranchir de ce mode de conduite étaient « remplacés » voire liquidés. Il y avait donc des Etats dits « stables », où le président régnait d’une main de maître et assurait le calme et la sérénité par tous les moyens; et les Etats dits « instables », perturbés par les coups d’Etats et autres rébellions incessantes.

Deux ans après les indépendances donc, cette configuration était déjà visible. En fait, elle était aussi le prolongement logique de ce qui se passait déjà pendant la colonisation. René Dumont avait donc bien vu tout cela. Et il l’avait dénoncé dans les livres que nous avons cité ci-haut. En 1962, l’Afrique noire était donc mal partie. En 2007, quarante-cinq (45) ans après, le même constant s’impose. Si ce n’est même pire. Car, plus que l’Afrique noire seule, c’est toute l’Afrique en générale qui est mal barrée. Et si on était même méchant, on dirait qu’elle n’est pas partie du tout. Elle est encore dans les starting-blocks. Que faut-il pour qu’elle décolle? Quelles équations posées pour tirer ce continent vers le haut, vers l’avant même? Les questions on déjà (je dirai même toujours) posées. Mais les réponses apportées à ces questions sont, c’est une évidence, loin d’être suffisantes. Je ne compte pas ici tenter l’exercice; ce n’est pas mon intention et je dirai même mon rôle. Mais je vais faire une analyse en 3 parties pour montrer effectivement en quoi l’affirmation de M. Dumont est encore très actuelle et toujours opérante aujourd’hui.

 

Du nouveau en francophonie

Jeudi 8 novembre 2007

Il y a du nouveau en Francophonie. L’Organisation internationale de la francophonie (OIF) a lancé un appel à candidatures pour « le volontariat francophone ». Qu’est-ce que c’est? Si j’en crois le communiqué l’annonçant, le Volontariat francophone est un « projet-pilote qui encourage la mobilité sud-sud (et) permet à des volontaires âgés de 21 à 35 ans de valoriser leur compétences tout en contribuant à des actions en faveur du développement. Avant même d’entrer dans le détail des significations de ce projet, saluons l’initiative. C’est en effet une de celle qui permet de donner plus de dynamisme à cette organisation souvent trop rigide et statique. Espérons maintenant que cette initiative sera un franc succès et surtout que les différents processus de mise en forme ne seront pas entachés d’irrégularités; comme par exemple le choix des volontaires, qui devra être basé sur les seules compétences et…volonté justement des différents candidats qui postuleront.

Personnellement je vais faire acte de candidature à l’une des missions proposées. Même s’il est vrai que j’aurai pu solliciter deux ou trois missions différentes, j’ai choisi de me proposer pour le poste de « journaliste au Laos ». D’abord parce que, le projet de l’OIF prévoit qu’on ne puisse se présenter qu’à un seul poste à fa fois. Ensuite, la mission en elle-même m’intéresse. En lisant son descriptif, j’ai réalisé que j’avais non seulement les compétences pour l’assurer mais aussi la volonté de m’investir dans une telle tâche.

Voici ce qui est proposé: La mission principale consiste à appuyer la rédaction d’un journal qui s’appelle le Rénovateur. Ce canard, fondé en 1998, est le seul du pays à écrire en langue française. Pour arriver à publier dans un français correct, il a toujours bénéficié de l’appui de l’OIF et même de l’Alliance française dans le pays, qui abrite d’ailleurs son siège. Par le passé, l’OIF a financé la parution de 7 numéros. A présent, elle se propose donc (par le poste de volontaire ouvert) de continuer à aider ce journal d’une autre manière. Le travail de ce volontaire consistera aussi à (re)lire, corriger les articles écrits par les journalistes locaux qui constituent l’équipe rédactionnelle du Rénovateur. C’est une tâche que je connais un peu, pour l’avoir fait quand j’étais stagiaire, puis collaborateur de l’Union de la presse francophone. En effet, au siège international de cette association de journalistes comprenant plus de 3000 membres journalistes francophones et des Sections dans plus de trente (30) pays dans le monde, nous recevions les articles d’un journal appelé Az Média, journal bilingue français – azerbaïdjanais.

Publié par la Section azerbaïdjanaise de l’UPF, il était envoyé au siège de Paris par courriel pour que les articles écrits par les journalistes locaux soient corrigés, « toilettés » même. Je m’y suis consacré pendant un an environ. Mon travail consistait, moins que dans le fond (connaissant peu le pays et sa politique ou son économie) à m’investir dans la forme et notamment le style, la grammaire, le lexique… Au début, l’exercice avait l’allure d’un sacerdoce. La compréhension, je dirai même le décryptage de phrases et expressions écrites par ces confrères étaient particulièrement difficiles. Il faut dire que, russophones à la base, ils avaient pour la plupart juste la maîtrise de l’azerbaïdjanais et du russe. Certains étaient aussi « calés » en anglais. Le français était pour eux tous une langue nouvelle; aimée, mas difficilement maîtrisée. Les textes écrits par eux n’étaient donc pas très « lisibles ». Avec Alain Garnier, qui s’occupait spécialement de ce dossier à l’UPF (conjointement avec ses fonctions de responsable de l’agence en ligne de l’Union) nous avons corrigé certains numéros. Au final, j’ai même fait une interview et un portrait croisés avec la présidente de la Section azerbaïdjanaise Zeynab Kazimova (également rédactrice-en-chef d’Az Média) qui a été publié dans le numéro 118 (Septembre – Octobre 2004) de La Gazette de la presse francophone, le journal de l’Union…  

Mais je ne compte pas m’appuyer que sur cette seule expérience. J’ai aussi pour moi une certaine connaissance de la presse et notamment des sujets liés à la francophonie; comme l’attestent mes collaborations régulières depuis plus de trois ans avec des journaux spécialisés comme La Gazette cité ci-haut, et aussi Francophonie du Sud, supplément du Français dans le monde, le magazine publié par la Fédération internationale des profs de français avec le soutien des Editions Clé et de la défunte agence intergouvernementale de la francophonie. Diplômé de Lettres modernes (je prépare une thèse en Littérature comparée) je compte aussi m’appuyer sur les connaissances littéraires et linguistiques acquises dans mes années de formation pour me mettre au service de cette tâche. Enfin, ma volonté est grande de m’investir dans une telle mission et dans cette région, si loin, mais si proche aussi, inconnue aussi, mais dont je voudrais faire la connaissance. Et par la même occasion d’aller à la rencontre d’un autre « type » de francophonie, celle du sud-est asiatique, après avoir éprouvé celle d’Afrique (où je suis né et ai grandi) et celle d’Europe (où je vis depuis quelques années).

En conclusion de ce texte, je voudrais redire l’enthousiasme et la joie que j’éprouve par rapport à l’initiative « volontaire francophone » de l’Oif. J’ose penser que beaucoup d’autres francophones comme moi éprouvent ces mêmes sentiments. Elle marque à coup sûr une ère nouvelle pour la Francophonie. Et consacre dores et déjà, la nouvelle Francophonie. 

« Orphelins » du Darfour: ce que je crois

Dimanche 28 octobre 2007

Ca commence à ressembler à une sale affaire. Une affaire qui sent même mauvais. Cette affaire, c’est celle des enfants du Darfour qu’une Association française (l’Arche de Zoé) avait voulu « acheminer » en France pour les y faire adopter, au prétexte qu’ils sont orphelins. Une initiative que les promoteurs annonçaient comme une « opération humanitaire » se révèle être à présent un fiasco total. Pire même, c’est désormais une « affaire d’Etat » qui implique la France ainsi que deux pays africains, le Tchad et le Soudan.

Le sujet est brûlant, complexe aussi. Rappelons rapidement le contexte. Des français engagés comme « humanitaires » au Darfour ont été arrêtés au Tchad entrain de tenter d’emmener avec eux une centaine d’enfants africains vers la France à bord d’un avion spécialement affrété. Pour leur défense, ils disent que ces enfants sont des orphelins soudanais, dont les parents sont morts dans la guerre du Darfour. En rappel, signalons que le Darfour est une vaste région à l’ouest du Soudan qui est en proie à un grave conflit depuis quelques années. D’abord interne, il est devenu ensuite un conflit régional opposant en sourdine le Soudan et le Tchad. Il a déjà fait plusieurs milliers de victimes et des millions de déplacés; notamment les femmes et les enfants. 

C’est donc parmi ces enfants déplacés que les membres de l’association l’Arche de Zoé sont venus recueillir une centaine de gamins pour les emmener en Europe. Mais, curieusement, ils ont réalisé cette initiative sans aucune démarche légale, sans autorisation ni du gouvernement français, ni soudanais, ni tchadiens. Arrêtés par les autorités de N’djamena alors qu’ils s’apprêtaient à embarquer pour la France avec ces enfants, 6 membres de l’association et trois journalistes qui les accompagnaient sont depuis retenus prisonniers dans ce pays. Depuis quelques jours maintenant, ils sont donc au centre de cette affaire, qui risque de faire couler beaucoup d’encre et de salive. D’autant plus que, les contours de ce dossier semble être difficiles à cerner.

Accusés d’être des « esclavagistes » des temps modernes, les  »humanitaires » arrêtés ne se sont à ce jour pas montré très convaincants dans leurs explications. On a de la peine à donner du crédit aux différents arguments qu’ils avancent. De fait, la « générosité », « l’humanisme », la « solidarité » envers des pauvres petits orphelins qu’ils mettent en avant pour expliquer aussi leur initiative ne paraissent pas crédibles. Du coup, ils ne sont pas beaucoup soutenus par les autorités françaises; on pourrait même dire qu’ils sont « lâchés » par ces derniers quand on voit comment Rama Yade (nommée par ailleurs pour diriger la Cellule spéciale sur ce sujet), membre du gouvernement met une belle énergie sur les plateaux télé à condamner l’initiative controversée de cette association. Bien plus, ils sont aussi menacés par les autorités des deux pays africains concernés par le sujet; et notamment le Président Idriss Déby en personne. Ce dernier, qui a rendu visite aux enfants en question et aussi aux membres de l’Arche de Zoé arrêtés a donné son sentiment dans cette affaire. Pour lui, ces gens avaient en fait l’intention de « faire partir ces enfants pour les livrer à des réseaux de pédophiles en Europe ou même les tuer et vendre leurs organes ». Le président tchadien est même allé plus loin, car il a insinué que les membres de l’Arche de Zoé ne peuvent, en fait, être que la face visible d’un « réseau » de pédophiles ou de trafiquants d’enfants, venus d’Europe faire leur « marché » en Afrique.

Cette idée peut paraître courte et sotte, mais, à voir la conviction avec laquelle le chef de l’Etat tchadien la martelait à la télé, on ne doute pas à croire qu’elle existe et fait son chemin dans l’esprit de plusieurs de ses compatriotes et même bien au delà. D’où vient-elle? Et, qu’est-ce-qui la soutend? Difficile à dire. Il se pourrait tout simplement que, depuis les médias occidentaux diffusent les affaires de pédophilies survenues dans certains pays européens (Belgique avec l’affaire Dutroux, ou en France et le « scandale » d’Outreau…), ou même encore les histoires d’enfants enlevés et retrouvés morts sans certains de leurs organes, bon nombre d’africains n’hésitent plus à penser que les enfants sont ainsi maltraités en Europe.

En analysant la réaction du gouvernement français, qui s’est désolidarisé de l’initiative de l’Arche de Zoé, et du gouvernement tchadien, qui s’est exprimé par les propos de son président cité supra, quelques intuitions me viennent. Premièrement, j’ai peur qu’un dossier aussi sensible ne finisse pas se traiter simplement par l’agitation et la frénésie des uns et des autres à vouloir, soit ne pas y être mêler (la France), soit profiter de la situation pour des raisons inavouées (le Tchad).

Deuxièmement, il serait temps que, Paris, qui avait certainement connaissance des activités de cette association qui, comme tout le monde peut se rendre compte en rentrant sur leur site Internet (www.archedezoe.fr), qu’elle exerce bien dans cette région depuis un moment. Le projet de faire « adopter » des enfants et particulièrement ceux du Darfour est même bien explicité dans leur page d’accueil. Il serait étrange d’affirmer que dans un pays comme la France où tout semble bien être contrôlé et vérifié, que personne en tout cas dans les arcanes ministériels n’ait eu vent de cette association et de ses activités au Soudan et au Tchad. De ce fait, il serait donc important de dire si, les autorités ont donc souvent « fermer les yeux » sur ce genre d’agissements (ce qui serait grave) ou continuer à dire qu’elles ne savaient rien (ce qui est tout aussi grave).

Troisièmement, il faudrait faire attention à ce que le président tchadien et bien d’autres personnes encore sur le continent ne prennent cette affaire en otage pour des raisons autres que celles qu’elle dégage. Car, dénoncer la chose en elle-même est certainement juste. Mais, parler d’un complot ourdi par des réseaux obscurs et mal intentionnés, comme le fait Idriss Déby, sans en avancer une seule preuve, c’est aller trop loin dans l’accusation sans fondements. Le maître de N’djamena voudrait ainsi faire oublier les problèmes internes liés à ce pays, qui rendent cette situation possible. Vouloir donc l’imputer entièrement aux « européens » comme il le dit si bien, c’est fuir ses propres responsabilités de mauvais dirigeants ayant occasionné, sinon participé à la crise qui fait du Darfour aujourd’hui un lieu sinistre pour beaucoup de personnes, au premier rang desquels les enfants. Comme cette centaine de garçons et filles au centre de ce qui est aujourd’hui « l’Affaire des enfants du Darfour ». Nous y reviendrons au fur et à mesure que d’autres éléments sur les enquêtes en cours seront révélées. 

  

INTERPOL renforce sa présence en Afrique pour lutter contre le trafic de drogue

Mardi 14 août 2007

 
C’était un secret de polichinelle. Désormais c'est confirmé.  
 

Interpol, le service de police international va se renforcer dans plusieurs pays africains. 
L’objectif clair de ce renforcement étant la lutte contre le trafic de drogue. 
En effet, selon des enquêtes récentes, les spécialistes se sont rendus compte que l’Afrique, 
et principalement ses régions ouest et centre sont devenus des zones prioritaires de transit 
de la cocaïne et d’autres drogues dures, en provenance d’Amérique du sud et en direction de l’Europe.   

Ce qu’il est désormais convenu d’appeler « les filières noires de la drogue » essaiment sur le continent 
depuis plus d’une décennie.   

Les pays les plus touchés ou sollicités –c’est selon- par ce fléau étant notamment ceux avec débouchée sur l’Océan atlantique.
Ainsi, les pays comme le Bénin, 
la Guinée Bissau, 
la Gambie, le Sénégal, et surtout le Ghana et le Nigeria sont fortement touchés 
par le phénomène. Dans ce dernier pays même, des nombres importants de trafiquants sud-américains se sont installés 
pour contrôler le bisness, profitant de la corruption généralisée de l’administration qu’ils soudoient facilement, 
mais aussi et surtout, s’appuyant sur les réseaux locaux de crimes organisés qui prolifèrent déjà dans ce pays, comme 
en témoigne les prises d’otages régulières sur les personnels occidentaux travaillant sur des plateformes pétrolières dans le pays.     

Preuve de l’importance que prend ce phénomène sur notre continent, de nombreux africains (les jeunes surtout) sont 
régulièrement arrêtés dans des aéroports européens en possession de la cocaïne. Recrutés facilement pour servir de mule, 
ils sont prêts à tout pour passer la drogue en Europe, et empocher par la suite la « coquette » somme d’argent (on parle de plus 
de 1000 euros par voyage) qui leur est promise comme récompense. Certains ingurgitent jusqu’à un (1) kg de boulette de poudre 
pour maximiser leur chance de gain. Parfois çà passe, parfois, çà coince et, en majorité, ils se font serrer et jeter en prison.   

Mais le phénomène a la peau dure. Et pour tenter d’y remédier totalement, les polices européennes compétentes, associées à 
Interpol, ont donc décidé de le combattre à la source. C’est-à-dire sur place en Afrique, comme elles le font en Amérique du sud 
et dans les Caraïbes depuis bien longtemps. Des agents d’Interpol sillonnent donc plusieurs pays du continent, à la recherche 
d’éléments concrets pouvant permettre aux services de polices nationaux de lutter efficacement contre ce fléau grandissant. 
Au Sénégal et en Côte d’Ivoire, les patrouilles mixtes africaine-française agissent déjà. Au Cameroun, une antenne d’Interpol va 
voir le jour très prochainement. Elle avait été annoncée depuis novembre 2005, elle doit avoir une compétence sous-régionale 
(Afrique centrale), même si dans les pays comme le Gabon, patrouillent également. Ailleurs, notamment dans les pays comme 
le Nigeria, c’est plus complexe. Mais là-bas aussi, les choses sont faites pour endiguer le phénomène. Jusqu’à l’éradiquer ? 
Là est une autre affaire.   

Car Interpol n’est pas une organisation policière. C’est plutôt une structure internationale d’analyse sur la criminalité, 
le grand banditisme et le terrorisme. Elle n’a donc pas de compétence d’action directe, et, pour agir sur le terrain, doit s’appuyer 
sur les polices des pays concernés. Mais quand on sait le degré de « coopération » que peuvent avoir les services de polices 
africains, on peut toujours être sceptique sur l’efficacité sur notre continent des investigations et des renseignements que peut 
fournir Interpol à celles-ci Créée en 1923 pour favoriser la coopération policière dans le monde, Interpol compte aujourd’hui 
188 pays membres. Son siège est à Lyon en France.     


12345