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VISITE : Nicolas Sarkozy en Afrique

Mardi 31 juillet 2007

 Ce n’était qu’une première visite. Mais certainement pas la dernière. Nicolas Sarkozy a achevé vendredi 27 juillet dernier sa première visite officielle en Afrique. Un séjour au pas de course (3 pays en 3 jours), au cours duquel il s’est rendu en Libye, au Sénégal et enfin au Gabon. Quels enseignements peut-on tirer de ce premier voyage sur notre continent, particulièrement en Afrique sud-saharienne ? Très peu. 

Si on excepte l’étape libyenne qui était dictée et motivée par l’actualité (la libération des infirmières bulgares ; voir encadré plus bas), on peut se demander ce que M Sarkozy est venu faire en Afrique sud-saharienne. Car, le choix des pays, le temps qu’il y a passé, les discours qu’il y a prononcé, et bien d’autres évènements encore, tout cela semblait, sinon maladroit, du moins sans nouveauté ni importance. La nouveauté, bref la « rupture », c’est du moins ce qu’on attendait de cette première visite, conformément à sa promesse de campagne électorale. Car, il avait promis lors de sa préparation à l’accession au pouvoir suprême qu’il allait rompre avec les habitudes de ses prédécesseurs et la tradition de la « Françafrique ». Pour ce tour ci, on n’a rien vu, ou presque. 

Certes, il y a eu des coups de bluff. D’abord, parce qu’on a bien senti que Nicolas Sarkozy voulait absolument se distinguer des attitudes de Jacques Chirac par exemple, qui appelait « amis » tous les chefs d’Etats africains. Aussi, dans les mots ; plutôt qu’aux discours lyriques chiraquiens sur l’histoire de
la France et de l’Afrique, ses principales allocutions de Dakar et de Libreville ont plutôt été davantage des messages réalistes et pragmatiques. Fait nouveau aussi, il a rencontré la presse, et même les partis d’opposition, ce qui n’est pas fréquent dans les habitudes diplomatiques, pour un chef d’Etat en visite officielle dans un pays. Mais, le coup de bluff, mieux, la « rupture », s’arrête là, avec ces éléments, pour faire place à la realpolitik. 

Et la realpolitik ici, c’est essentiellement la continuité avec ses prédécesseurs. Notamment les deux derniers (Mitterrand et Chirac). Comme eux, pour son premier voyage, il est allé chez des « clients » dociles et calmes. En effet, Le Sénégal et le Gabon ne sont pas les lieux où la réception d’un président français en ces années-ci risquerait de poser le moindre problème. Aurait-il tenté
la Centrafrique, le Tchad, Djibouti, le Rwanda ou même
la Côte d’Ivoire ? Pas si sûr. D’autres part, M. Sarkozy n’a pas dérogé avec les propos « flagornants » du genre « 
la France et l’Afrique doivent marcher la main dans la main », ou encore, « une amitié indéfectible nous lie ». Cerise sur le gâteau, c’est à l’adresse du président Bongo qu’il aura ce compliment très…chiraquien : « le Gabon est un partenaire privilégié depuis 1967 (date d’arrivée au pouvoir d’Omar Bongo, ndlr), quelle que soit la majorité en place en France (…) Omar Bongo est le doyen des chefs d’Etat, et, en Afrique, le doyen, cela compte ». Propos, en apparence plein de bons sentiments, mais qui ne manque pas d’arrière-pensées. Nous y reviendrons dans un autre article. 

Mais la continuité du locataire de l’Elysée dans les relations françafricaines a surtout été développée dans son fameux « Discours à la jeunesse africaine ». Dans cette adresse, sorte de cours magistral donné en amphithéâtre, il a beaucoup alterné entre coups de semonce et leçon de morale. Pour faire vite, on dira qu’il a dit à « la jeunesse africaine » et à ces « dirigeants » ce qu’il faut faire, et ce qu’il ne faut pas faire, pour « s’en sortir ». On peut lui reconnaître tout de même une certaine pugnacité, un volontarisme aussi (enfin ses principales qualités) ; mais elles ont valu surtout pour la forme. Car dans le fond, ce fameux discours a résonné creux, car sans propositions réelles et nouvelles, sans distance, sans ancrage dans la réalité qui est celle du continent. Et surtout, cerise sur le gâteau, prononcé devant un parterre de personnalités qui n’avait rien à voir avec la « jeunesse africaine » à qui il s’adressait. 

Au regard de tous ces éléments, il appert que la première visite de Nicolas Sarkozy en tant que président de
la France en Afrique ne laissera quasiment aucun souvenir. D’après ses conseillers, il a déjà prévu un autre déplacement sur le continent à l’automne prochain. Celui-là, espérons le plus riche en enseignements. 

ENCADRE 

Nicolas Sarkozy s’est rendu, en début de semaine dernière, en Libye avant d’arriver au Sénégal et au Gabon. C’était surtout, entre autres, pour remercier le président Kadhafi de la libération des infirmières bulgares retenues prisonnières à Tripoli depuis 1999. Ces infirmières, ainsi qu’un médecin palestinien, avaient été condamnés en 1999 par la cour d’appel de Tripoli qui les accusait d’avoir inoculé volontairement le virus du Sida à plusieurs centaines (on parle de 500) enfants libyens. C’était là le début de « l’affaire des infirmières bulgares ». Grâce aux efforts conjugués de la communauté internationale, et surtout des pressions des pays européens, cette « affaire » a connu son dénouement le 24 juillet dernier avec la libération de ces prisonniers. L’épouse du président français a joué un rôle important dans les dernières heures de cette « affaire ». C’est donc à ce titre que Nicolas Sarkozy est allé à Tripoli, où il a également signé un « mémorandum d’entente portant sur la fourniture par
la France d’un réacteur nucléaire civil à
la Libye ».
 

  

L’université en Afrique noire francophone a un demi-siècle

Dimanche 15 juillet 2007

FDS : Les universités en Afrique 

Après 50 ans d’existence, où en est l’université en Afrique ? C’est la question – programme à laquelle nous allons nous atteler à répondre dans cet article. Pour ce faire, nous nous intéresserons essentiellement à l’état actuel de ces universités en zoomant sur les infrastructures, les enseignements, les étudiants et leur intégration dans le milieu professionnel, la professionnalisation du secteur universitaire, les systèmes d’évaluations, la condition des enseignants, la place et le rôle de l’université dans la société, et bien d’autres aspects encore

A) Brève historique 24 février 1957. C’est l’année de création de la première université en Afrique noire francophone, en l’occurrence, l’Université de Dakar au Sénégal. Avant cette date, aucun pays ne possédait une structure de ce type. Certes, quelques établissements d’enseignement supérieur, dans des domaines spécifiques, existaient çà et là. Mais, d’une université digne de ce nom, avec différentes facultés et départements, on n’en trouvait aucune. Nous ne reviendrons pas ici sur les raisons de cette absence à cette période-là, qui sont à chercher autant dans le faible taux d’alphabétisation des africains à cette époque, que dans l’attitude trouble de l’administration coloniale en place dans ces pays, qui préférait réserver à la seule métropole, le soin de former les futurs « cadres indigènes » des colonies. 

Au moment des indépendances, il y a donc eu la mise en place de divers établissements post-bac. Notamment, les écoles normales supérieures, nécessaires à la formation des professeurs de collèges et de lycées, les facultés de médecine pour la formation des personnels hospitaliers, et bien d’autres établissements encore. On peut citer à cet exemple l’Ecole de médecine de Dakar (créée en 1918) au Sénégal, l’Ecole normale supérieure de Yaoundé au Cameroun (1960), le Centre d’enseignement supérieur d’Abidjan (1958), le Centre d’enseignement supérieur de Brazzaville (1959) au Congo… C’est véritablement dans les années soixante et soixante-dix, que chacun des pays d’Afrique noire francophone va se doter de son université : Sénégal (1957), Madagascar (1960), Cameroun (1962), Côte d’Ivoire (1964), RCA (1969), Bénin, Gabon et Togo (1970), Congo (1971), Niger (1973), Burkina Faso (1974). Ainsi sont nées les « Université nationale », c’est ainsi qu’on les appelait. Lieu de formation pour l’élite nationale, pépinière de nombreux cadres locaux, mais aussi, espace de réflexion et de promotion du développement social, économique, technologique, politique… 

B) Structures et infrastructures 

Les premières universités en Afrique francophone étaient des conglomérats de grandes écoles existant déjà, auxquelles s’étaient ajoutées des facultés plus classiques comme le Droit, les Lettres ou encore les Sciences. Les effectifs étaient faibles, parfois même dérisoires (374 au début au Burkina). Les infrastructures étaient belles (parce que neuves) ; elles étaient implantées au cœur des villes capitales. Les enseignants étaient constitués d’universitaires locaux et de coopérants étrangers (français notamment, mais aussi canadiens, belges…). Les intitulés des départements et filières étaient généraux ; on n’était pas encore dans l’hyper-spécification d’aujourd’hui. Les programmes, on le verra plus loin, des calques presque parfaits de ce qui s’enseignait dans les universités françaises, même si, là aussi, il y’avait quelques modifications. Tout ceci était orchestré par les nouveaux Etats. La création de ces universités, et leur mise en fonctionnement, symbolisait pour ces pays fraîchement indépendants, la valorisation de l’éducation par le biais de l’école au niveau supérieur, et aussi, la poursuite de la lutte pour l’alphabétisation et l’instruction. Ce dernier aspect était l’un des principaux défis que les pays africains devaient relever après l’indépendance. Enfin, « l’université nationale » participait également de l’expression de la pleine souveraineté de ces Etats. Car, au même titre que
la Radio nationale, l’Armée,
la Compagnie aérienne, elle était une des vitrines du pays. Pour cela, d’importants moyens financiers et logistiques étaient investis dans ces établissements. C’est le gouvernement qui pilotait directement la structure, à travers un président, un recteur ou un chancelier, qui était davantage un haut commis de l’Etat plutôt qu’un universitaire chevronné. Les pouvoirs publics payaient aussi les bourses aux étudiants et des subventions aux laboratoires et centres de recherches afin que ceux-ci soient très performants. 

C) Les réformes 

Dans nos pays, les universités qui ont été créées avaient pour première mission de former les intellectuels et les cadres des Etats. Par la suite, c’est à la résolution des problèmes sociaux (analphabétisme, développement…) qu’elles devaient contribuer. Elles ont donc du changer au fil des temps. Changer de dénomination, de lieu d’implantation pour certaine, de mode de fonctionnement ; bref, se réformer. Pourtant, la réforme universitaire en Afrique a été pendant longtemps un serpent de mer. Toujours annoncée, toujours repoussée. Les structures sont restées les mêmes pendant plusieurs décennies. Les systèmes d’enseignement et d’évaluation également. Que dire des locaux, qui, de très beaux au début, sont devenus parfois des édifices délabrés, exigus et trop petits pour accueillir les nombreux étudiants qui y affluent chaque année. D’autres domaines aussi se sont délités ainsi, réclamant tous par la suite une restructuration profonde. Progressivement, les réformes sont arrivées, au compte-goutte. D’abord, les niveaux d’études : ils ont beaucoup évolué. Au départ, on avait des facs avec un seul cycle (licence), parfois jusqu’à la maîtrise tout simplement. Progressivement, toutes ces « université nationale » ont étendu leurs cycles jusqu’au doctorat dans la quasi-totalité des filières. Les modifications ont eu lieu aussi sur les enseignements à proprement parler ; on est passé des programmes très condensés, voire globaux, à des formations plus affinées et plus spécialisées (voir plus bas). 

De même, les systèmes d’évaluation ont également évolué : des partiels, on en est arrivé à la réforme LMD. (Voir plus bas également). Enfin, ce qui peut être considéré comme le point culminant de ces réformes, c’est l’éclatement de ces universités en plusieurs ; elle est intervenue, dans ces pays, au cours des années 90. Ainsi, dans la plupart de nos pays, on ne compte plus une, mais plusieurs universités. Au Cameroun, l’université de Yaoundé a donné naissance à Yaoundé I et II, en plus de quatre autres universités dans le pays. En Côte d’Ivoire, l’ancienne université d’Abidjan s’est subdivisée en trois universités (Abobo, Cocody et Bouaké). Au Burkina, il y a désormais une université à Ouagadougou et une autre à Bobo-Dioulasso ; de même au Bénin (Abomey-Calavi et Parakou), le Gabon avec l’université Omar Bongo et université Polytechnique de Kougouleu, au Sénégal (Dakar et Saint-Louis), en Guinée (Conakry et Sonfonia). Cette dernière réforme a aussi consacrée dans certains de ces pays, la mort de la bourse payée aux étudiants, et l’avènement des « droits universitaires », sorte de frais d’inscription payés par les étudiants pour suivre leur formation, qui auparavant était gratuite. Seuls quelques pays (rares) on conservé une petite bourse mensuelle, octroyée sur les critères de mérites. 

D) Les enseignements et les évaluations Quelques soient les filières, les formations proposées dans les universités des pays d’Afrique francophone sont de qualité. Tout au moins, ils sont à la dimension de la demande des étudiants locaux. A leur création, ces universités ne proposaient donc que des formations parcellaires, et qui étaient, par la suite, complétées à l’étranger (en France notamment). Le droit, les Lettres modernes (française et anglaise), la philosophie, les Sciences économiques et de gestion, les Sciences (maths, physique, chimie) sont notamment les principales matières qui sont dispensées. Les étudiants en acquéraient des rudiments au premier cycle et, dès la licence, commençaient à se spécialiser. La licence (Bac+3) était d’ailleurs le niveau terminus pour beaucoup des premiers étudiants des universités africaines. Avec ce diplôme, ils avaient un emploi quasi-assuré dans la fonction publique, et à un bon niveau de responsabilité. 

Plus tard, d’autres disciplines ont été injectées dans l’offre globale de ces universités, les sciences humaines (sociologie, psychologie, anthropologie, l’histoire), des langues (anglais, allemand, espagnol, portugais…), les sciences vivantes (biologie, géologie) et d’autres disciplines comme la biochimie et l’informatique. Les cycles d’études aussi ont été étendus jusqu’au doctorat pour certains. Dans les contenus de ces enseignements, une bonne partie n’était en fait que la reprise presque intégrale de ce qui se faisait ailleurs (France). Ainsi en droit par exemple, les étudiants suivaient des cours sur le droit international, le droit français. De même, en Lettres modernes, ce sont les auteurs français qui étaient au programme : Ronsard, Corneille, Racine, Molière et bien d’autres encore. La littérature africaine par exemple, n’était qu’une option ou une petite unité de valeur à l’intérieur du « Département de français ». Dans les Sciences, on relevait également le même phénomène. Mais ici, on peut se « consoler » en disant que la science est universelle, et donc, les théorèmes mathématiques enseignés à Abidjan ou Yaoundé ne diffèrent en rien de ceux enseignés à Besançon ou Paris, car la vérité scientifique est la même partout. Depuis, les programmes se sont beaucoup améliorés ; ils prennent en compte, dans plusieurs filières, des réalités continentales, régionales et locales. Certaines langues africaines par exemple sont au programme. La linguistique africaine est une filière à part entière pratiquement partout sur le continent. En droit, un cours sur le droit coutumier existe. De même en Arts, on a intégré les particularités des formes artistiques africaines, des contes aux sculptures. Dans les départements comme philosophie, psychologie et sociologie, il n’est plus rare aussi qu’on s’intéresse aux croyances et doctrines africaines, comme le fait par exemple le prêtre-enseignant camerounais Meinrad Hebga, dans les cours qu’il dispense à Yaoundé, Abidjan et ailleurs dans le monde. De manière globale, on peut dire que les enseignements dans les universités africaines aujourd’hui, combinent bien des éléments locaux et ceux d’ailleurs, pour permettre aux étudiants d’être à la fois bien enracinés dans leur milieu et ouverts sur le monde. Ceci est matérialisé par les formations mixtes entre certaines facultés africaines et leur consoeurs européennes dans des programmes bien précis comme l’informatique ou les technologies nouvelles.   

En ce qui concerne l’évaluation dans nos universités, il faut dire que le système est pareil qu’ailleurs. Avant, les étudiants étaient soumis à un régime de deux examens partiels (février et juin), au terme desquels ils étaient admis ou recalés. Avec la réforme des années 90, le système d’évaluation a été légèrement modifié. En plus de deux sessions d’examens citées, une autre a été ouverte : celle de septembre, dite de « rattrapage » ; elle permet aux étudiants de tenter un « troisième tour » d’évaluation pour valider les matières qu’ils n’ont pas pu obtenir au cours des sessions normales. 

E) La réforme LMD C’est la dernière née des réformes universitaires. La réforme Licence-Master-Doctorat qui va segmenter les cursus universitaires en trois cycles : Bac+3 (Licence) pour le premier, Bac+5 (Master) pour le second, et, le troisième cycle à Bac+8 (Doctorat). Plus simple et lisible, cette architecture nouvelle tentera à la fois de clarifier les niveaux d’études (et les diplômes allant avec) aux étudiants africains. Et, de même, elle permettra aussi que ces universités soient arrimées aux autres universités du monde (notamment en Europe), qui ont-elles aussi adopté ce système depuis quelques années. Mis en place en 1998 par le « Processus de Bologne », la réforme LMD a été rapidement adoptée par les pays européens, qui en avaient pris l’initiative. Puis, les pays africains se sont penchés sur cette question et ont réfléchi à son adoption chez nous. Des colloques ont été organisés à cet effet depuis 2002 (Cotonou) jusqu’au début de l’année dernière (Tanger). Même s’ils n’ont pas été unanimes sur la date de la mise en application chez eux de cette réforme, les pays d’Afrique francophone ont convenu de l’utilité et de la modernité du LMD dans le monde universitaire. Au Cameroun, au Burkina, en Côte d’Ivoire… le système est déjà en vigueur. D’autres ne tarderont pas. A terme, l’adoption de ce système par toutes les universités des pays d’Afrique francophone leur permettra, peut-être un jour, dans certaines matières, de constituer un programme commun d’enseignement applicable dans tous ces pays. 

F) La condition des enseignants et l’intégration des étudiants diplômés dans le corps professionnel 

Dans les premières années de l’université dans les pays d’Afrique francophone, les professeurs étaient logés à bonne enseigne. Ils jouissaient d’un statut de privilégié, en même tant que leur position sociale était considérable. Ces privilèges étaient logiques au regard, entre autre, des nombreuses années d’études qu’ils avaient effectuées. Leurs activités d’enseignement et recherche, au service du développement, de la prospérité et de la croissance du pays, contribuaient aussi à leur conférer le position de privilégié dont nous parlions précédemment. Ils étaient mis à contribution par les dirigeants politiques, dans quasiment tous les domaines de la vie publique du pays ; économie, culture, sport, éducation…   Aujourd’hui, la situation de ces enseignants n’est plus bonne. Et ce n’est pas assez de le dire. Depuis plusieurs années, leurs conditions de vie se sont beaucoup dégradées du fait de la diminution considérable de leurs émoluments, et aussi de la détérioration de leur cadre de travail. En effet, dans nombre de ces pays, les salaires ont beaucoup baissé (certainement du fait de la crise économique, mais aussi au choix de certains dirigeants politiques de privilégier par exemple l’armée et la police à l’éducation) ; dans les facs, beaucoup de laboratoires sont vétustes et/ou souvent, ils manquent de matériel. Les enseignants des facultés des sciences par exemple, se retrouvent parfois à prodiguer des enseignements purement théoriques, sans travaux pratiques dignes de ce nom, à cause du manque d’eau ou d’éléments techniques dans leurs laboratoires. D’autre part, certaines universités tardent à se mettre à jour de la modernité technologique, ce qui ne permet pas à leurs enseignants d’être à la page de l’actualité de leur discipline, et, par là même, de prodiguer des cours actualisés à leurs étudiants. 

Ces situations ont donc des incidences sur la situation des étudiants eux-mêmes. Ils ne sont pas mieux lotis que leurs profs. La situation est même parfois pire chez eux. Pourtant, par le passé, eux aussi étaient des privilégiés, en qui les qui les Etats voyaient la « relève ». Ils étaient moins nombreux dans les amphis, avaient une bourse mensuelle, et surtout plus de débouchée pour l’emploi. Depuis quelques années, c’est plutôt à un manque de bourses d’études, défaut de confort dans les salles de cours, et surtout manque ou rareté de débouchées sur le marché de l’emploi qu’ils ont droits. Les facs sont de plus en plus assimilées à des « fabriques de chômeurs ». Le phénomène est plus accru dans les filières de Lettres et parfois de droit, bondés, mais dont la majorité des étudiants se retrouveront sans emplois qualifiés, ou sans emplois tout court à la fin de leurs études. Seuls y échappent les étudiants de certaines Grandes écoles et filières spécialisés (Ecole normale, Polytechnique, Fac de médecine, IUT…) ; mais leur nombre est très réduit. Le reste est absorbé par le secteur informel. Ainsi, plusieurs diplômés de l’université se retrouvent « taxis », petits commerçants, soldats, agriculteurs ou travailleurs sociaux… loin de ce qu’ils envisageaient faire à leur entrée à la fac. Comment cette situation, ainsi que celle des enseignants se résoudra t-elle ? Que doivent faire les Etats pour garantir de meilleures conditions de vie aux étudiants et aux enseignants ? Et de manière plus générale, quel avenir pour les universités des pays d’Afrique francophone ? G) L’avenir de l’université dans les pays d’Afrique francophone 

Pour les années à venir, il est impératif que les universités d’Afrique francophone se modernisent et se professionnalisent. Cette professionnalisation nécessite, dans chacun de ces pays, des Etats généraux de l’enseignement supérieur. La proposition a déjà été faite par de nombreux chercheurs et spécialistes. Elle sous-entend que, ces universités doivent se rénover sur le plan de leur administration (peut-être gestion public-privé), des infrastructures (bâtiments neufs et commodes), des missions (œuvrer encore et toujours pour le développement)… Elles doivent aussi prendre en compte toutes les réalités actuelles, et, proposer une formation efficiente à leurs étudiants. Enfin, elles doivent devenir de lieux tremplins par excellence vers le monde de l’emploi. De la sorte, elles devront donc travailler en étroite collaboration par exemple avec les milieux professionnels privés (puisque ce sont eux qui recrutent le plus de nos jours), pour que les étudiants, une fois leur diplôme acquis, puissent trouver plus rapidement un emploi. 

Le chaos somalien

Lundi 9 juillet 2007

LA SOMALIE

La somalie revivra t-elle normalement un jour ? La question mérite d’être posée aujourd’hui, tant le pays paraît plus que jamais englué dans une descente aux enfers qui a commencé au début des années quatre-vingt-dix et qui est loin d’être terminée. On sait à peu près quand et comment les problèmes de ce pays ont commencé, mais on est loin d’imaginer le moment et les moyens à utiliser pour y mettre fin. Il y a quelques semaines, les forces « loyalistes » du gouvernement somalien de transition, appuyés par un fort contingent éthiopien, réussissaient, au terme d’une « guerre éclair », à déloger les Tribunaux islamiques, installés au pouvoir à Mogadiscio depuis le mois de juin 2006. Certains enthousiastes ont alors cru que, pour la Somalie, c’était le début de la résurrection. Pourtant, tout porte à croire que ce n’était qu’une illusion, et que, la lame de fond qui a fendu ce pays, l’a transpercé avec une telle violence qu’il sera difficile de recoller les morceaux. Pas que la tâche soit impossible –rien ne l’est d’ailleurs- mais, l’opération de sauvetage du pays phare de la corne de l’Afrique va nécessiter un véritable traitement de cheval tant sur le plan institutionnel, politique et social. Mais avant d’explorer ici quelques pistes –un peu de fiction- qui pourront être empruntées, il faut redire succinctement comment l’ancienne colonie italienne est devenue le champs de ruine qu’elle est aujourd’hui.

L’évènement du mois de décembre est le énième épisode d’une guerre civile qui a commencé dans les années soixante-dix. Celle-ci a été marquée par des affrontements successifs ayant opposé les principaux clans du pays, c’est-à-dire les Dir, les Sab, les Hawiyé et les Darod. Arrivé au pouvoir en 1969, le général Mohamed Siyad Barre, un chef de clan Darod va régner en main de maître pendant deux décennies. De plus en plus contesté à la fin des années quatre-vingt, il sera chassé du pouvoir en 1991. Mais, contrairement à ce qu’on pouvait s’attendre, la chute de Siyad Barre, plutôt que de créer un début de solution dans le pays, va être le véritable signal de l’intensification de la guerre civile. Conséquences, les institutions sont complètement démantelées, et, il en est même jusqu’à l’école publique qui est obligée de fermer ses portes. Bref, la vie s’arrête et tous les jours, les victimes civiles se comptent par centaines. Entre 1991 et 1992, la Croix rouge et d’autres Ong humanitaires dénombrent environ 300 000 morts. Plus de quinze ans après, le « pays », si tant est qu’on puisse toujours parler de pays, (voir encadré), est plongé dans un tel chaos, dans une telle déchéance que seul un scénario hollywoodien sur l’apocalypse pourrait tenir la comparaison. Le récit de la situation qui prévaut dans ce pays depuis les années 90 est à lui seul une corvée, tant les éléments dramatiques et douloureux sont nombreux à évoquer. Nous n’y reviendrons donc pas davantage. Car, ce qui nous semble intéressant aujourd’hui, c’est de savoir quand est-ce que la Somalie redeviendra un pays en paix ? A quel moment le chaos actuel ne sera plus qu’un lointain souvenir ayant laissé la place à une situation plus sereine et plus vivable ? Difficile à dire si on s’attarde sur quelques éléments prédominants de la situation actuelle du pays.

D’abord et avant-tout, il y a le problème institutionnel. Ce qu’on appelle aujourd’hui la Somalie est tout sauf un Etat. Depuis le départ de Siyad Barre les institutions ne fonctionnent plus. Pas d’écoles, pas de représentations à l’étranger… Mogadiscio, la capitale, et le reste du pays étaient tombés entre les mains de chefs de guerre, dirigeant chacun une partie du territoire sur des règles et principes propres à eux. Pas d’administration centrale, pas de parlement local, encore moins de gouvernement pour gérer les affaires du pays. Pire, certaines régions ont profité de ce désordre pour proclamer leur indépendance. Ainsi de la région du nord devenue le Somaliland (1991) et du nord-est qui déclara son autonomie en 1998 sous le nom de Puntland. Avec le détachement de ces deux régions, Mogadiscio se vida de sa substance administrative et de son rôle historique, d’autant plus que le semblant d’institutions qui restaient s’étaient installées à… Nairobi au Kenya, à partir de 2004. Appuyés par la communauté internationale, un parlement de transition s’est constitué en 2000 dans ce pays voisin ; il est composé essentiellement d’intellectuels en exil et de chefs de guerre restés au pays. Au début de l’année dernière, ce parlement et le gouvernement qui en issu –dirigé par Abdullah Yusuf Ahmed (président de la transition) et Ali Mohamed Gedi (premier ministre)- s’installe à Baidoa, à l’est de la Somalie. Toujours loin de Mogadiscio, qui entre temps, voit s’installer en son sein une coalition de chefs religieux appelés les Tribunaux islamiques. Avec le retour du gouvernement de transition à Mogadiscio en décembre dernier, conjugué au départ des Tribunaux islamiques, on pourrait s’attendre à un retour progressif de la normalisation de la vie en Somalie. Du moins sur le plan institutionnel. Mais c’est oublier que, le pays est « occupé » à la fois par les troupes éthiopienne, qui font office d’armée régulière ; et de manière plus discrète, mais de plus en plus visible, par les américains. Ceux-ci, embarqués dans leur aventure de combattre le terrorisme partout dans le monde, se sont (re)installés en Somalie, pour disent-ils, contrôler les activistes djihadistes des pays voisins du golfe, qui pourraient venir s’y réfugier ou s’y entraîner. Il faudra donc attendre la fin de la double tutelle actuelle pour voir le pays recouvrer son entière autonomie institutionnelle.

Mais la question institutionnelle n’est pas la seule que doit résoudre ce pays. Il y a aussi des problèmes politique, économique et socio-confessionnel. Il paraît à peu près évident que, sur le plan politique, sans un retour à un Etat normalement constitué, la crise politique perdurera. Les chefs de guerre des années quatre-vingt-dix et deux mille, déguisés aujourd’hui en hommes politiques de premier plan devront désarmer leurs troupes. Ce qui n’est pas garanti. Les intellectuels en exil, revenir au pays pour aider à sa reconstruction. Celle-ci, ne pourra se faire sans une véritable dynamisation du secteur économique. Certes, la Somalie n’est pas un sol riche en minerais ou en ressources pétrolières. Mais, l’agriculture, si florissante par le passé, et les mines de sel, secteur dans lequel le pays est l’un des premiers au monde, devront être réinvesti afin de leur redonner tout leur lustre d’antan. Plus que du lustre, c’est aussi la création d’emplois et les revenus importants que ces deux secteurs peuvent rapporter qui pourraient aider en partie au redémarrage de l’économie somalienne.

Alors, resteront les questions sociales et confessionnelles. D’abord, il faudra que les tensions s’apaisent entre les différents clans qui constituent le pays ; on sait que la guerre civile qui sévit dans le pays depuis la fin des années 1970 met aux prises les principaux clans que sont les Darod, les Dir, les Sab, les Hawiyé… Les affrontements ont assez duré entre ces communautés et le bilan en hommes est lourd de chaque côté. Il s’avère donc impératif dès à présent de recréer un sentiment national. Mais, en l’état actuel du pays, comment faire pour y parvenir ? Le départ des troupes étrangères, éthiopiens et américains en tête, semblent être un préalable incontournable. Il devrait s’accompagner d’une (re)normalisation des institutions et l’instauration de la démocratie. D’autre part, la pacification des relations avec les pays voisins, notamment l’Ethiopie, l’Erythrée et le Kenya, serait également importante dans cette optique. Enfin, le renflouement des caisses de l’Etat qui devra passer par la relance de l’économie nationale et sur la volonté des bailleurs de fonds d’aider la Somalie à se remettre debout. Tout un programme en perspective, que la Résolution 1725 (http://www.ambafrance-dz.org/article.php3?id_article=1082) votée le 6 décembre 2006 à l’Onu ne pourra pas résoudre à elle toute seule.

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