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Où va « Mutations »?

Lundi 23 juillet 2007

Mutations (premier quotidien privé camerounais) est en crise. Après une guerre de leadership entre le directeur de publication (Haman Mana) et son patron, le président du comité éditorial (Protais Ayangma), le premier cité a décidé, le 16 juillet, de claquer la porte du South Media Corporation (SMC), la société propriétaire du journal. Et avec lui, une bonne brochette de journalistes a aussi quitté le navire. Revendiquant la paternité de deux titres du groupe (Mutations et le magazine Situations), Haman Mana a décidé d’aller en justice pour mettre en demeure son ancienne entreprise de ne plus les utiliser. Ce que contestent son ancien patron et certains des plumes restés fidèles à la SMC. L’affaire est donc au tribunal. En attendant, deux titres paraissent depuis plus de dix jours dans les kiosques au Cameroun, avec le même nom Muatations. Drôle? Même pas. Pathétique surtout, quand on sait que, au final, ni l’un ni l’autre ne sortiront indemnes en terme d’image de cette affaire.  Bien plus, et c’est là le plus grave à mon avis, quand on sait que, la crise ou plus généralement les problèmes dans un média, donnent toujours une belle occasion de moquerie et de raillerie à tous les ennemis de la presse (et Dieu seul sait qu’ils sont nombreux dans un pays comme le Cameroun). Dans ce texte, nous tentons de présenter les grandes étapes de ce qui est communément appelé désormais « L’affaire Mutations ».

Historique

Mutations a été lancé officiellement en kiosque en milieu d’année 1996. Le journal, à l’époque tri-hebdomadaire, venait ainsi enrichir les rangs de la presse camerounaise qui comptait déjà Cameroon Tribune (le quotidien gouvernemental, bilingue), Le Messager, Challenge Hebdo, La Nouvelle Expression, Dikalo et aussi quelques journaux à sensations ou à périodicité très irrégulière comme Le Combattant. Dès ses premiers numéros, le journal se révelait déjà comme l’un des titres les plus sérieux du pays. En effet, l’équipe de départ était constituée de vrais professionnels, pour la plupart diplômés de l’Ecole de journalisme de Yaoundé. Certains avaient déjà exercé ailleurs (dans le public comme dans le privé), d’autres arrivainet fraîchement des bancs de la fac pour faire leur classe dans ce journal. En outre, le Conseil éditorial avait à sa tête, deux éminentes personnalités; Maurice Kamto, juriste de rénommée internationale, ancien doyen de la fac de droit de Yaoundé, et aujourd’hui ministre délégué à la justice, et, Protais Ayangma, homme d’affaires, intellectuel, patron d’une grande compagnie d’assurance du pays.

Tout ce beau monde, dans un casting improble, mais réalisé, s’est donc attelé à la mise en route de ce journal. Scoop politiques, analyses économiques de bonne facture, déploiement sur l’espace national à travers des correspondants un peu partout dans le pays, et même à l’étranger, où le quotidien a compté jusqu’à trois (3) correspondants à Paris. Sur le plan professionnel, l’affaire a donc pris dès les premières années. Mutations est passé au quotidien dès les années 2000, devenant ainsi le premier journal camerounais à capitaux privés à paraître tous les jours (sauf le week-end). La réussite est aussi financière. Mutations engrange des bénéfices tirés de la vente de ses numéros, certes, mais aussi et surtout de la publicité. Car, de nombreux annonceurs lui font confiance. C’est cette embellie financière qui leur permettra plus tard de lancer « Les cahiers de Mutations », un magazine mensuel, et aussi Situations, un magazine  »people ». Tout allait donc bien, jusqu’à cet été; précisément depuis la crise survenue après la démission du directeur de publication, et le « schisme » qui s’en est suivi. Que s’est-il donc passé?   

Les faits

Il semblerait que le climat était délétère depuis près d’un an au sein de ce groupe. Des plaintes et autres recriminations se faisaient entendre en sourdine, qui, quasiment toutes, contestaient la gestion de Haman Mana (HM), le directeur de Mutations et des autres titres du groupe (Situations et Les Cahiers de Mutations). Cette situation « pourrie » a culminé avec la tenue d’un Conseil d’administration du groupe en debut juillet dernier, au cours duquel, le directeur des publications HM a été mis en minorité face au président du Conseil éditorial Protais Ayangma (le vrai patron du groupe). Ce dernier, semble t-il, se serait allié une partie de la rédaction, et notamment quelques grosses pointures du canard.

Les principales décisions de ce CA dit de « restructuration » auront été notamment la décision prise par les administrateurs de séparer la direction des trois titres du groupe; et ainsi, consacrer par là-même « l’autonomisation » de chacun de ses titres. C’est-à-dire, pour aller vite, que désormais, il y aurait un Directeur pour Mutations, un autre aux Cahiers de Mutations, et un directeur pour Situations. Haman Mana, qui jusque-là occupait les trois fonctions s’est vu proposer la seule direction de Mutations. deux de ses collaborateurs étant eux nommés à la direction des autres titres. En outre, un directeur administratif et financier du groupe a été désigné pour « surveiller les caisses » des journaux. En apparence réaliste et prgamatique, ces décision, à en croire certains, n’étaient pas dénuées d’arrières-pensées. Elles consistaient, de fait, à écarter HM de la gestion. A ce qu’il paraît, un audit commandité aurait révélé quelques indélicatesses financières. Lesquels? Les administrateurs ne les ont jamais rendues publiques.

Qu’à cela ne tienne, face à ce qu’il a jugé comme un « coup d’Etat », HM a décidé de claquer la porte. Motivé en outre par le fait que, lundi 9 juillet, son  »patron » Protais Ayangma a signé un Editorial dans les colonnes du quotidien, dans lequel il « humiliat » quasiment son collaborateur. En effet, dans ce texte, il pointait, par des mots à peine voilés, les fautes et manquements de son directeur de publication.  »Certains de nos collaborateurs ont pu prendre des libertés avec l’éthique professionnelle et déontologique », disait-il notamment  dans ce papier. Une allusion euphémique pour parler de mauvaise gestion. Il semblerait que les discussions en aparté entre les deux hommes n’étaient plus possibles. HM a même tenté de publier lui aussi un Edito dans l’édition du lundi 16 juillet de Mutations, mais son texte a été censuré, dit-il. Affront de trop; il a convoqué la presse à Yaoundé pour annoncer avec fracas qu’il s’en allait. Dès le lendemain, la « guerre » était déclenchée pour le contrôle du titre phare. les huissiers et autres avocats de deux camps étaient au charbon pour constater la « faute » de l’autre. La presse gouvernementale et les médias privés en faisaient aussi leur choux gras. 

« L’affaire Mutations » se transportait aussi sur le terrain politique. Mais c’est surtout dans la profession qu’elle suscita le plus de réactions. Plusieurs éminents journalistes, et des personnalités de la société civile prirent fait et cause pour le « camp Haman Mana », arguant que son éviction portait un rude coup à la liberté d’expression, et une sérieuse ménace à la profession. En face, certains journalistes restés fidèles à la SMC publiaient des tribunes régulières dans leur journal et donnaient aussi des interview dans lesquels ils disaient en substance que « la liberté de la presse n’est pas ménacée. La gestion de HM n’était plus tenable, et, qu’il était temps de changer les choses ». En clair, chaque camp avançait ses arguments dans la presse pour démontrer que c’est lui qui a raison dans l’affaire. C’est le tribunal de Yaoundé qui rendra le verdict dans ce « combat ».

En attendant, ce qu’on peu d’ores et déjà dire, c’est que Mutations (ou ce qu’il en reste) ne sortira pas grandit de cette crise. Ni d’ailleurs ses principaux acteurs, qu’ils soient journalistes, administrateurs, ou simples sympathisants. Le risque pris par les deux camps d’aller au « schisme » est aussi une bêtise énorme; car, il est peu certain qu’il y ait de la place pour deux titres éditorialement pareil dans l’espace de la presse camerounaise. Comment vont-ils faire pour convaincre les lecteurs? Combien en convaincront-ils pour continuer d’exister? Quand on sait que même du temps de sa spendeur, Mutations (comme d’ailleurs les autres quotidiens camerounais) dépassent péniblement les 8000 exemplaires vendus par jour, et que, maintenant coupé en deux (si on suppose que chacun prendra la moitié dans les lecteurs -acheteurs, soit 4000 exeplaires par jour) on ne peut pas être optimiste pour la survie de l’un ou de l’autre Mutations.

En espérant que, passée la tempête de la dispute, les acteurs de « l’affaire Mutations » reviendront à la raison. Pour continuer à faire vivre ce journal qui est au Cameroun ce que Libération est en France. C’est-à-dire un journal libre, sérieux, non inféodé au pouvoir (une chose rare en Afrique) et qui promeut des idées progressistes.

 

 

Les Jeux africains

Mardi 17 juillet 2007

Les Jeux africains (9e édition) se déroulent en ce moment à Alger en Algérie (du 11 au 23 juillet); Le saviez-vous? Certainement que non, pour beaucoup d’entre vous. Evènement sportif majeur à l’échelle du continent, ces jeux ne bénéficient pourtant pas d’une bonne médiatisation. En effet, pas une seule chaîne émettant en Europe ne s’est faite le plaisir (que dis-je, le sacrifice) de retransmettre les épreuves (même partielles » de ces Jeux africains. Et, partout sur le continent, les chaînes nationales, encore moins celles qui se présentes comme  »panafricaines » ne peuvent ou ne veulent diffuser intégralement cet évènement. Pourtant, pour les sportifs africains (locaux et professionnels), cette compétition sert de repétition pour les Jeux olympiques de l’année prochaine à Pékin. Pourquoi un tel ostracisme? On nous répondra que, financièrement, ce n’est pas rentable. Soit.

Mais sportivement, est-ce le cas? Et symboliquement aussi, n’est-ce pas important de diffuser en France et dans d’autres pays européens cette compétition? Nous pensons que oui. Car, sur le plan sportif d’abord, le challenge n’est pas moins excitant. A Alger en ce moment, il y a, la fine fleur du sport africain d’aujourd’hui et de demain. Certaines disciplines sont representées par les meilleurs éléments de chaque pays. C’est le cas en Athlétisme (avec par exemple la sénégalaise Amy Backe Thiam, championne du monde de 400m en 2001, ou la championne olympique 2004 de saut en longueur, Françoise Mbango du Cameroun), la natation (la Zimbabwéene Kristy Coventry, plusieurs fois médaillée d’or aux Jo et championnat du monde est présente), les sports de combats et même les sports collectifs comme le Volley-ball, le Hand-ball et le Basket-ball. Leurs performances individuelles sont au niveau des meilleurs mondiaux.

Sur le plan humain (politique, diplomatique…) la diffusion entière et intégrale de ces jeux, sur le continent, et même au délà devrait normalement être un préalable. Une exigence obligatoire même, en ce moment où, se (re)construit l’idée d’une véritable Union africaine. En effet, à l’heure où les politiques s’activent pour mettre en place des Etats-Unis d’Afrique, n’aurait-il pas été judicieux qu’une manifestation populaire, de fraternité et d’amitié des enfants d’Afrique comme ces Jeux d’Alger puissent être montrée à tous les africains d’Afrique et de la diaspora, comme un gage symbolique de cette future Union africaine?

On pourrait multiplier les exemples à l’envi pour montrer l’impérieuse nécessité qu’il y avait de porter à l’écran, et ce de façon intégrale et ample, les 9e Jeux africains. Mais elle ne suffiront pas à convaincre les tenanciers de l’immobilisme, ceux du frein au progrès, et surtout, ceux des logiques financières, qui, éludant toutes les raisons symboliques, ont trouvé que cette manifestation n’était pas « finacièrement rentable ». Ce sur quoi on peut discuter. Même si pour l’heure, cela ne sert plus à rien; car, déjà résonne à Alger, le cliquetis des premières médailles distribuées, qui annonce la fin prochaine de ces jeux, invisibles pour la plupart des africains. Hélàs. Vivement que la prochaine édition dans quatre (4) ans, connaissent un meilleur sort.

L’université en Afrique noire francophone a un demi-siècle

Dimanche 15 juillet 2007

FDS : Les universités en Afrique 

Après 50 ans d’existence, où en est l’université en Afrique ? C’est la question – programme à laquelle nous allons nous atteler à répondre dans cet article. Pour ce faire, nous nous intéresserons essentiellement à l’état actuel de ces universités en zoomant sur les infrastructures, les enseignements, les étudiants et leur intégration dans le milieu professionnel, la professionnalisation du secteur universitaire, les systèmes d’évaluations, la condition des enseignants, la place et le rôle de l’université dans la société, et bien d’autres aspects encore

A) Brève historique 24 février 1957. C’est l’année de création de la première université en Afrique noire francophone, en l’occurrence, l’Université de Dakar au Sénégal. Avant cette date, aucun pays ne possédait une structure de ce type. Certes, quelques établissements d’enseignement supérieur, dans des domaines spécifiques, existaient çà et là. Mais, d’une université digne de ce nom, avec différentes facultés et départements, on n’en trouvait aucune. Nous ne reviendrons pas ici sur les raisons de cette absence à cette période-là, qui sont à chercher autant dans le faible taux d’alphabétisation des africains à cette époque, que dans l’attitude trouble de l’administration coloniale en place dans ces pays, qui préférait réserver à la seule métropole, le soin de former les futurs « cadres indigènes » des colonies. 

Au moment des indépendances, il y a donc eu la mise en place de divers établissements post-bac. Notamment, les écoles normales supérieures, nécessaires à la formation des professeurs de collèges et de lycées, les facultés de médecine pour la formation des personnels hospitaliers, et bien d’autres établissements encore. On peut citer à cet exemple l’Ecole de médecine de Dakar (créée en 1918) au Sénégal, l’Ecole normale supérieure de Yaoundé au Cameroun (1960), le Centre d’enseignement supérieur d’Abidjan (1958), le Centre d’enseignement supérieur de Brazzaville (1959) au Congo… C’est véritablement dans les années soixante et soixante-dix, que chacun des pays d’Afrique noire francophone va se doter de son université : Sénégal (1957), Madagascar (1960), Cameroun (1962), Côte d’Ivoire (1964), RCA (1969), Bénin, Gabon et Togo (1970), Congo (1971), Niger (1973), Burkina Faso (1974). Ainsi sont nées les « Université nationale », c’est ainsi qu’on les appelait. Lieu de formation pour l’élite nationale, pépinière de nombreux cadres locaux, mais aussi, espace de réflexion et de promotion du développement social, économique, technologique, politique… 

B) Structures et infrastructures 

Les premières universités en Afrique francophone étaient des conglomérats de grandes écoles existant déjà, auxquelles s’étaient ajoutées des facultés plus classiques comme le Droit, les Lettres ou encore les Sciences. Les effectifs étaient faibles, parfois même dérisoires (374 au début au Burkina). Les infrastructures étaient belles (parce que neuves) ; elles étaient implantées au cœur des villes capitales. Les enseignants étaient constitués d’universitaires locaux et de coopérants étrangers (français notamment, mais aussi canadiens, belges…). Les intitulés des départements et filières étaient généraux ; on n’était pas encore dans l’hyper-spécification d’aujourd’hui. Les programmes, on le verra plus loin, des calques presque parfaits de ce qui s’enseignait dans les universités françaises, même si, là aussi, il y’avait quelques modifications. Tout ceci était orchestré par les nouveaux Etats. La création de ces universités, et leur mise en fonctionnement, symbolisait pour ces pays fraîchement indépendants, la valorisation de l’éducation par le biais de l’école au niveau supérieur, et aussi, la poursuite de la lutte pour l’alphabétisation et l’instruction. Ce dernier aspect était l’un des principaux défis que les pays africains devaient relever après l’indépendance. Enfin, « l’université nationale » participait également de l’expression de la pleine souveraineté de ces Etats. Car, au même titre que
la Radio nationale, l’Armée,
la Compagnie aérienne, elle était une des vitrines du pays. Pour cela, d’importants moyens financiers et logistiques étaient investis dans ces établissements. C’est le gouvernement qui pilotait directement la structure, à travers un président, un recteur ou un chancelier, qui était davantage un haut commis de l’Etat plutôt qu’un universitaire chevronné. Les pouvoirs publics payaient aussi les bourses aux étudiants et des subventions aux laboratoires et centres de recherches afin que ceux-ci soient très performants. 

C) Les réformes 

Dans nos pays, les universités qui ont été créées avaient pour première mission de former les intellectuels et les cadres des Etats. Par la suite, c’est à la résolution des problèmes sociaux (analphabétisme, développement…) qu’elles devaient contribuer. Elles ont donc du changer au fil des temps. Changer de dénomination, de lieu d’implantation pour certaine, de mode de fonctionnement ; bref, se réformer. Pourtant, la réforme universitaire en Afrique a été pendant longtemps un serpent de mer. Toujours annoncée, toujours repoussée. Les structures sont restées les mêmes pendant plusieurs décennies. Les systèmes d’enseignement et d’évaluation également. Que dire des locaux, qui, de très beaux au début, sont devenus parfois des édifices délabrés, exigus et trop petits pour accueillir les nombreux étudiants qui y affluent chaque année. D’autres domaines aussi se sont délités ainsi, réclamant tous par la suite une restructuration profonde. Progressivement, les réformes sont arrivées, au compte-goutte. D’abord, les niveaux d’études : ils ont beaucoup évolué. Au départ, on avait des facs avec un seul cycle (licence), parfois jusqu’à la maîtrise tout simplement. Progressivement, toutes ces « université nationale » ont étendu leurs cycles jusqu’au doctorat dans la quasi-totalité des filières. Les modifications ont eu lieu aussi sur les enseignements à proprement parler ; on est passé des programmes très condensés, voire globaux, à des formations plus affinées et plus spécialisées (voir plus bas). 

De même, les systèmes d’évaluation ont également évolué : des partiels, on en est arrivé à la réforme LMD. (Voir plus bas également). Enfin, ce qui peut être considéré comme le point culminant de ces réformes, c’est l’éclatement de ces universités en plusieurs ; elle est intervenue, dans ces pays, au cours des années 90. Ainsi, dans la plupart de nos pays, on ne compte plus une, mais plusieurs universités. Au Cameroun, l’université de Yaoundé a donné naissance à Yaoundé I et II, en plus de quatre autres universités dans le pays. En Côte d’Ivoire, l’ancienne université d’Abidjan s’est subdivisée en trois universités (Abobo, Cocody et Bouaké). Au Burkina, il y a désormais une université à Ouagadougou et une autre à Bobo-Dioulasso ; de même au Bénin (Abomey-Calavi et Parakou), le Gabon avec l’université Omar Bongo et université Polytechnique de Kougouleu, au Sénégal (Dakar et Saint-Louis), en Guinée (Conakry et Sonfonia). Cette dernière réforme a aussi consacrée dans certains de ces pays, la mort de la bourse payée aux étudiants, et l’avènement des « droits universitaires », sorte de frais d’inscription payés par les étudiants pour suivre leur formation, qui auparavant était gratuite. Seuls quelques pays (rares) on conservé une petite bourse mensuelle, octroyée sur les critères de mérites. 

D) Les enseignements et les évaluations Quelques soient les filières, les formations proposées dans les universités des pays d’Afrique francophone sont de qualité. Tout au moins, ils sont à la dimension de la demande des étudiants locaux. A leur création, ces universités ne proposaient donc que des formations parcellaires, et qui étaient, par la suite, complétées à l’étranger (en France notamment). Le droit, les Lettres modernes (française et anglaise), la philosophie, les Sciences économiques et de gestion, les Sciences (maths, physique, chimie) sont notamment les principales matières qui sont dispensées. Les étudiants en acquéraient des rudiments au premier cycle et, dès la licence, commençaient à se spécialiser. La licence (Bac+3) était d’ailleurs le niveau terminus pour beaucoup des premiers étudiants des universités africaines. Avec ce diplôme, ils avaient un emploi quasi-assuré dans la fonction publique, et à un bon niveau de responsabilité. 

Plus tard, d’autres disciplines ont été injectées dans l’offre globale de ces universités, les sciences humaines (sociologie, psychologie, anthropologie, l’histoire), des langues (anglais, allemand, espagnol, portugais…), les sciences vivantes (biologie, géologie) et d’autres disciplines comme la biochimie et l’informatique. Les cycles d’études aussi ont été étendus jusqu’au doctorat pour certains. Dans les contenus de ces enseignements, une bonne partie n’était en fait que la reprise presque intégrale de ce qui se faisait ailleurs (France). Ainsi en droit par exemple, les étudiants suivaient des cours sur le droit international, le droit français. De même, en Lettres modernes, ce sont les auteurs français qui étaient au programme : Ronsard, Corneille, Racine, Molière et bien d’autres encore. La littérature africaine par exemple, n’était qu’une option ou une petite unité de valeur à l’intérieur du « Département de français ». Dans les Sciences, on relevait également le même phénomène. Mais ici, on peut se « consoler » en disant que la science est universelle, et donc, les théorèmes mathématiques enseignés à Abidjan ou Yaoundé ne diffèrent en rien de ceux enseignés à Besançon ou Paris, car la vérité scientifique est la même partout. Depuis, les programmes se sont beaucoup améliorés ; ils prennent en compte, dans plusieurs filières, des réalités continentales, régionales et locales. Certaines langues africaines par exemple sont au programme. La linguistique africaine est une filière à part entière pratiquement partout sur le continent. En droit, un cours sur le droit coutumier existe. De même en Arts, on a intégré les particularités des formes artistiques africaines, des contes aux sculptures. Dans les départements comme philosophie, psychologie et sociologie, il n’est plus rare aussi qu’on s’intéresse aux croyances et doctrines africaines, comme le fait par exemple le prêtre-enseignant camerounais Meinrad Hebga, dans les cours qu’il dispense à Yaoundé, Abidjan et ailleurs dans le monde. De manière globale, on peut dire que les enseignements dans les universités africaines aujourd’hui, combinent bien des éléments locaux et ceux d’ailleurs, pour permettre aux étudiants d’être à la fois bien enracinés dans leur milieu et ouverts sur le monde. Ceci est matérialisé par les formations mixtes entre certaines facultés africaines et leur consoeurs européennes dans des programmes bien précis comme l’informatique ou les technologies nouvelles.   

En ce qui concerne l’évaluation dans nos universités, il faut dire que le système est pareil qu’ailleurs. Avant, les étudiants étaient soumis à un régime de deux examens partiels (février et juin), au terme desquels ils étaient admis ou recalés. Avec la réforme des années 90, le système d’évaluation a été légèrement modifié. En plus de deux sessions d’examens citées, une autre a été ouverte : celle de septembre, dite de « rattrapage » ; elle permet aux étudiants de tenter un « troisième tour » d’évaluation pour valider les matières qu’ils n’ont pas pu obtenir au cours des sessions normales. 

E) La réforme LMD C’est la dernière née des réformes universitaires. La réforme Licence-Master-Doctorat qui va segmenter les cursus universitaires en trois cycles : Bac+3 (Licence) pour le premier, Bac+5 (Master) pour le second, et, le troisième cycle à Bac+8 (Doctorat). Plus simple et lisible, cette architecture nouvelle tentera à la fois de clarifier les niveaux d’études (et les diplômes allant avec) aux étudiants africains. Et, de même, elle permettra aussi que ces universités soient arrimées aux autres universités du monde (notamment en Europe), qui ont-elles aussi adopté ce système depuis quelques années. Mis en place en 1998 par le « Processus de Bologne », la réforme LMD a été rapidement adoptée par les pays européens, qui en avaient pris l’initiative. Puis, les pays africains se sont penchés sur cette question et ont réfléchi à son adoption chez nous. Des colloques ont été organisés à cet effet depuis 2002 (Cotonou) jusqu’au début de l’année dernière (Tanger). Même s’ils n’ont pas été unanimes sur la date de la mise en application chez eux de cette réforme, les pays d’Afrique francophone ont convenu de l’utilité et de la modernité du LMD dans le monde universitaire. Au Cameroun, au Burkina, en Côte d’Ivoire… le système est déjà en vigueur. D’autres ne tarderont pas. A terme, l’adoption de ce système par toutes les universités des pays d’Afrique francophone leur permettra, peut-être un jour, dans certaines matières, de constituer un programme commun d’enseignement applicable dans tous ces pays. 

F) La condition des enseignants et l’intégration des étudiants diplômés dans le corps professionnel 

Dans les premières années de l’université dans les pays d’Afrique francophone, les professeurs étaient logés à bonne enseigne. Ils jouissaient d’un statut de privilégié, en même tant que leur position sociale était considérable. Ces privilèges étaient logiques au regard, entre autre, des nombreuses années d’études qu’ils avaient effectuées. Leurs activités d’enseignement et recherche, au service du développement, de la prospérité et de la croissance du pays, contribuaient aussi à leur conférer le position de privilégié dont nous parlions précédemment. Ils étaient mis à contribution par les dirigeants politiques, dans quasiment tous les domaines de la vie publique du pays ; économie, culture, sport, éducation…   Aujourd’hui, la situation de ces enseignants n’est plus bonne. Et ce n’est pas assez de le dire. Depuis plusieurs années, leurs conditions de vie se sont beaucoup dégradées du fait de la diminution considérable de leurs émoluments, et aussi de la détérioration de leur cadre de travail. En effet, dans nombre de ces pays, les salaires ont beaucoup baissé (certainement du fait de la crise économique, mais aussi au choix de certains dirigeants politiques de privilégier par exemple l’armée et la police à l’éducation) ; dans les facs, beaucoup de laboratoires sont vétustes et/ou souvent, ils manquent de matériel. Les enseignants des facultés des sciences par exemple, se retrouvent parfois à prodiguer des enseignements purement théoriques, sans travaux pratiques dignes de ce nom, à cause du manque d’eau ou d’éléments techniques dans leurs laboratoires. D’autre part, certaines universités tardent à se mettre à jour de la modernité technologique, ce qui ne permet pas à leurs enseignants d’être à la page de l’actualité de leur discipline, et, par là même, de prodiguer des cours actualisés à leurs étudiants. 

Ces situations ont donc des incidences sur la situation des étudiants eux-mêmes. Ils ne sont pas mieux lotis que leurs profs. La situation est même parfois pire chez eux. Pourtant, par le passé, eux aussi étaient des privilégiés, en qui les qui les Etats voyaient la « relève ». Ils étaient moins nombreux dans les amphis, avaient une bourse mensuelle, et surtout plus de débouchée pour l’emploi. Depuis quelques années, c’est plutôt à un manque de bourses d’études, défaut de confort dans les salles de cours, et surtout manque ou rareté de débouchées sur le marché de l’emploi qu’ils ont droits. Les facs sont de plus en plus assimilées à des « fabriques de chômeurs ». Le phénomène est plus accru dans les filières de Lettres et parfois de droit, bondés, mais dont la majorité des étudiants se retrouveront sans emplois qualifiés, ou sans emplois tout court à la fin de leurs études. Seuls y échappent les étudiants de certaines Grandes écoles et filières spécialisés (Ecole normale, Polytechnique, Fac de médecine, IUT…) ; mais leur nombre est très réduit. Le reste est absorbé par le secteur informel. Ainsi, plusieurs diplômés de l’université se retrouvent « taxis », petits commerçants, soldats, agriculteurs ou travailleurs sociaux… loin de ce qu’ils envisageaient faire à leur entrée à la fac. Comment cette situation, ainsi que celle des enseignants se résoudra t-elle ? Que doivent faire les Etats pour garantir de meilleures conditions de vie aux étudiants et aux enseignants ? Et de manière plus générale, quel avenir pour les universités des pays d’Afrique francophone ? G) L’avenir de l’université dans les pays d’Afrique francophone 

Pour les années à venir, il est impératif que les universités d’Afrique francophone se modernisent et se professionnalisent. Cette professionnalisation nécessite, dans chacun de ces pays, des Etats généraux de l’enseignement supérieur. La proposition a déjà été faite par de nombreux chercheurs et spécialistes. Elle sous-entend que, ces universités doivent se rénover sur le plan de leur administration (peut-être gestion public-privé), des infrastructures (bâtiments neufs et commodes), des missions (œuvrer encore et toujours pour le développement)… Elles doivent aussi prendre en compte toutes les réalités actuelles, et, proposer une formation efficiente à leurs étudiants. Enfin, elles doivent devenir de lieux tremplins par excellence vers le monde de l’emploi. De la sorte, elles devront donc travailler en étroite collaboration par exemple avec les milieux professionnels privés (puisque ce sont eux qui recrutent le plus de nos jours), pour que les étudiants, une fois leur diplôme acquis, puissent trouver plus rapidement un emploi. 

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