L’Afrique (noire) est mal partie: épisode 1

12 novembre 2007

René Dumont (1904-2001) était un visionnaire. Visionnaire? Certainement oui. En 1962, il publia un livre dont le titre donne son nom au titre de cet article: L’Afrique noire est mal partie. On peut le retrouver dans plusieurs versions de publication, dont le fameux « poche« . Ce livre, ainsi que d’autres encore qu’il publia en rapport avec notre continent (on peut citer L’Afrique étranglée (1980); Pour l’Afrique, j’accuse (1986); Démocratie pour l’Afrique (1991)…) est un véritable plaidoyer vibrant pour le continent. Ces livres, je ne les ai pas lus; juste des résumés et des notes de lecture. Je ne m’étendrai donc pas beaucoup là-dessus. Ils me serviront donc juste de prétexte pour l’argumentation qui va suivre.

Quand M. Dumont écrivait son « affirmation – titre » (l’Afrique noire est mal partie), c’était juste deux ans après l’accession à l’indépendance de la plupart de ces pays d’Afrique. Sous des intentions de réflexions écologiques (il était ingénieur agronome et grand expert des sujets environnementaux), M. Dumont s’attaquait surtout à des sujets politiques et économiques. Et notamment sur l’Afrique. Chacun de ses livres sur notre continent comportait donc une somme de constats et de pistes de réflexion sur ces sujets. C’est sans doute en voyant la situation des pays africains au lendemain des indépendances qu’il affirma que l’Afrique noire était mal partie. Aujourd’hui, de manière rétrospective, on lui donnera raison à ce monsieur. Et plusieurs fois même plus qu’une. Il a eu raison de dire qu’après les indépendances, notre continent était mal parti. La colonisation avait laissé nos pays exsangues. Dans tous les domaines: politique, économique, culturel… L’indépendance de nos pays n’avait pas été vraiment préparée. Les africains s’étaient battus pour l’avoir, et, au moment où ils s’y attendaient le moins, on (les puissances coloniales) la leur avait donnée. Comme un cadeau empoisonnée. Comme un mauvais bonbon qu’on donne à un enfant qui en réclame un bon.

De fait, les structures de gouvernance n’étaient pas appropriées par les peuples africains. Une élite, inféodée au pouvoir coloniale avait certes repris en main les affaires courantes à la suite du départ des « maîtres »; mais elle n’avait pas de marge de manoeuvre propre. Elle ne réfléchissait pas de sa propre tête. La  « feuille de route » de gérance était communiquée depuis les capitales des anciennes puissances coloniales. Les directives majeures aussi. Dans l’administration, on fonctionnait encore comme sous la colonisation. Le système éducatif aussi continuait d’être une pâle copie de celui des « maîtres ». Les exemples sont légion, et nous ne les citerons pas tous. Nos « dirigeants » avaient été choisis pour çà. Ils le respectaient à la lettre. Ceux qui voulaient s’affranchir de ce mode de conduite étaient « remplacés » voire liquidés. Il y avait donc des Etats dits « stables », où le président régnait d’une main de maître et assurait le calme et la sérénité par tous les moyens; et les Etats dits « instables », perturbés par les coups d’Etats et autres rébellions incessantes.

Deux ans après les indépendances donc, cette configuration était déjà visible. En fait, elle était aussi le prolongement logique de ce qui se passait déjà pendant la colonisation. René Dumont avait donc bien vu tout cela. Et il l’avait dénoncé dans les livres que nous avons cité ci-haut. En 1962, l’Afrique noire était donc mal partie. En 2007, quarante-cinq (45) ans après, le même constant s’impose. Si ce n’est même pire. Car, plus que l’Afrique noire seule, c’est toute l’Afrique en générale qui est mal barrée. Et si on était même méchant, on dirait qu’elle n’est pas partie du tout. Elle est encore dans les starting-blocks. Que faut-il pour qu’elle décolle? Quelles équations posées pour tirer ce continent vers le haut, vers l’avant même? Les questions on déjà (je dirai même toujours) posées. Mais les réponses apportées à ces questions sont, c’est une évidence, loin d’être suffisantes. Je ne compte pas ici tenter l’exercice; ce n’est pas mon intention et je dirai même mon rôle. Mais je vais faire une analyse en 3 parties pour montrer effectivement en quoi l’affirmation de M. Dumont est encore très actuelle et toujours opérante aujourd’hui.

 

Bon anniversaire Papa

11 novembre 2007

55 ans biens sonnés. Ca fait un bel âge. Un âge du respect, de l’expérience, du bilan aussi quelque part. Le bilan de la vie. Pas un bilan en terme d’évaluation finale; mais plutôt un point sur les années vécues, sur les années d’activités, tant professionnelle que familiale.

Mon père doit être à ce niveau. Mais tel que je le connais, il ne va pas s’arrêter pour s’évaluer. Il va continuer à vaquer à ses occupations. Pied au plancher, il l’est toujours. Parfois même, à la limite du surmenage. Mais, il a la chance de n’avoir jamais franchi la ligne de saturation; la ligne de rupture de fatigue. Car, sa force, moins que dans le physique, elle est d’abord dans le spirituel. En un mot, dans sa Foi.

Mon père ne vit pas, des fois; il prie. Il a tout dans la prière. Il croit tout possible par la Foi. La sienne est forgée sur du roc. Elle n’est pas qu’une attitude pieuse qui se manifeste dominicalement; elle est une façon de vivre au quotidien. Sa façon de vivre. Pas un sujet sur lequel il ne réfèrerait à la volonté de Dieu. Pas une affaire ou il ne demanderait pas à Dieu d’apporter l’intelligence et le soutien. Dieu est une panacée avec lui; assurément. Il n’y a de vie, d’espoir, de réussite, de santé, de bonheur qu’en Dieu. Il le croit. Il s’attelle (et se plaît aussi) à le dire. Presque chaque jour.

Dans son entourage, il force le respect. Ses convictions sont tellement chevillées au corps que, toute personne aux idées tordues se rendrait compte immédiatement à quel point il est dans sa « bulle ». Je parle de bulle, car il donne souvent le sentiment de vivre à part. Mais cette façon de vivre n’entame pas ou même ne bride pas sa joie de vivre. Elle ne lui enlève pas le goût d’une bonne blague, ou d’un bon moment de compassion. Moins encore, elle ne lui fait pas être déconnecté des réalités, que ce soit au boulot, ou à la maison, ou au quartier, ou ailleurs où il peut aller. Sa foi lui donne plutôt la force, la motivation permanente pour être le même partout.

Nous sommes cinq (5) ses enfants. Enfin 6 avec sa fille qu’il a eue avant de se marier à ma mère. A chacun de nous tous, il accorde la même importance, la même chaleur, le même amour. Il le fait tellement bien que des fois, il se trompe de nom entre nous en m’appelant par exemple Alain (du nom de mon jeune frère), ou une de mes soeurs, par une autre. Pour lui, m’a t-il dit, les noms n’ont que peu d’importance. Son plaisir c’est de nous avoir et de pouvoir nous témoigner tout son amour, de la même manière, avec la même force. Il dit trouver cette justesse, je dirai même cette justice de traitement dans la Foi.

Et s’il est juste envers nous, il l’est aussi avec ma mère, son épouse depuis 31 ans. Leur histoire serait longue à narrer ici. J’y reviendrai un jour. Mon père aussi équitable avec ses deux soeurs et son frère, tous beaucoup plus âgés que lui. Il est leur cadet, leur « fils » même. Tant les relations entre lui et ses aînés sont du genre enfant et parents. Et ce n’est que normal, je dirai. Ils sont plus âgés que lui je le disais tantôt (de 10, 15, 19 ans respectivement). En outre, il a perdu son père avant d’être né (sa mère était enceinte) et sa mère quand il avait juste huit (8) mois. Ce sont ces aînés qui l’ont donc élevé. Dans l’amour et dans le respect. En compensant joyeusement les places laissées vides par ses parents.

Il a toujours vécu avec l’idée selon laquelle, sans leur présence, sans leur participation, il serait mort après le décès de sa mère. Ils lui ont donc sauvé la vie. Et aujourd’hui, il ne manque pas une occasion de les remercier pour cela. Il va leur rendre visite assez souvent. Ils s’occupent d’eux, à sa manière et avec la même fierté et joie. Cela ne plaît pas toujours à d’autres, mais lui n’en a cure. C’est un devoir, un honneur même me dit-il. Avec ses cousins et cousines, de même que d’autres membres éloignés de la famille il a le même rapport et force le respect. Ses collègues de disent pas autre chose et lui tressent assez souvent des lauriers.

Ils ne sont pas les seuls, car moi aussi, il me fascine cet homme. Par sa simplicité, par sa profondeur aussi. Honnêtement, je me suis toujours rêvé en lui. J’ai toujours nourri le rêve d’être comme lui, avec ses qualités, sa Foi surtout. Je n’en suis pas c’est vrai. Mais j’essaie. J’essaie surtout aujourd’hui de lui rendre hommage, pour ce qu’il est, pour ce qu’il continuera d’être.

Car, je pense et je souhaite qu’il soit plus tard (beaucoup plus tard même) comme il était hier, ou comme il est aujourd’hui à 55 ans. Joyeux anniversaire Papa

Aubin, ton fils

Il y a Cinq ans, de Douala à Paris

9 novembre 2007

Il y a cinq (5) ans, je débarquais dans ce pays qu’est la France. 5 ans jour pour jour. Une demi-dizaine d’années. Ce jour-là, je faisais un saut dans l’inconnu. Dans le grand inconnu même je dirais. En effet, parti de ma Fac de Yaoundé I, après une licence de Lettres Modernes, je devais rejoindre celle de Marne-la-vallée pour y poursuivre mon cursus de formation en Lettres. Mais, Marne-la-vallée, dont je croyais naïvement que c’était une ville, n’était pas près de Yaoundé, ou encore de Nkongsamba chez moi (chez mes parents en fait), ou même encore de Douala où je devais embarquer. Marne-la-vallée (Malava pour les initiés) étaient loin. Très loin même. A plus de 6000 bornes de chez moi. Mais je devais y aller. Je devais rallier ce lieu où j’avais choisi et où j’avais eu l’autorisation de poursuivre mes études.

Mais Malava, c’était avant tout Paris. Et donc, dans mon esprit, aller à la fac de Malava, c’était aussi un peu aller à Paris. Or, dans mon imaginaire, comme du reste dans celui de beaucoup de jeunes africains, Paris c’est un peu tout à la fois. C’est une ville mythique, joyeuse, mais aussi lointaine (voire inaccessible), repoussante… Je n’avais pas d’appréhension particulière. Pas d’émotions superflues. Sauf quelques craintes. Crainte de la déstructuration et du déracinement: pas de famille, pas de proches, presque pas d’amis. Crainte aussi du temps: les infos glanées sur Internet et auprès de quelques personnes me disaient qu’il fait froid à ce moment de l’année (début novembre); pas trop bien sûr, mais suffisamment pour quelqu’un comme moi qui vient de la fournaise de Douala. D’autres craintes existaient, mais très passagères, et, elles étaient surtout entretenues par ma mère et mes autres parents que je devais laisser. Il faut dire que pour eux, c’était un gros déchirement. Moi, l’aîné, je m’en allais; si loin, si vite aussi. La semaine de mon départ, un malheur nous avait frappé. Ma grand-mère maternelle, avec qui nous vivions depuis 18 ans était décédée. Le mercredi 6 novembre 2002 très exactement. Pour moi c’était pénible de partir dans cette configuration. Ma grand-mère était très proche de nous. Du fait qu’elle habitait avec nous depuis tout petit, elle était devenue, non plus comme une personne âgée avec qui on entretient une distance liée à son âge ou à son lieu d’habitation, une personne proche, une soeur, une complice. Et elle s’était efforcée tout au long des années qu’elle avait passé avec nous de prendre ces nouveaux statuts: elle avait appris le français pour mieux communiquer avec nous ses petits-enfants (le patois de nos parents nous était difficile voire impossible pour mes plus jeunes frères et soeurs); elle s’était aussi baptisé et communié pour partager notre engagement chrétien. Et, à ce titre, c’est avec elle que nous allions à la messe le dimanche. Parfois même, quand nous traînions la patte, c’est elle qui nous incitait à nous dépêcher. Elle partageait beaucoup d’autres choses avec nous. Les confidences de son enfance, les anecdotes sur notre mère, qui était sa dernière fille, les histoires de…grand-mère aussi. Elle nous était trop précieuse. 

Sa disparition donc ne pouvait être qu’un gros coup de chagrin. Surtout pour moi; car elle m’avait fait venir de Yaoundé où je vivais, et d’où je m’apprêtais à m’envoler pour Paris, pour rester un moment à ses côtés. Elle avait certainement senti qu’elle partirait bientôt. Elle avait donc demandé que je vienne. J’étais arrivé 5 jours avant son décès. Comme d’habitude, elle m’avait entretenu de l’avenir. Pas trop du passé, elle n’aimait pas beaucoup çà. Elle m’avait parlé de moi, de mon grand-cousin (son premier petit-fils) de mon rôle en tant qu’ainé; elle avait aussi évoqué mes futurs enfants en me disant d’être proches d’eux et de leur apprendre sa mémoire. Pendant les trois premiers jours de mon séjour à ses côtés, elle m’avait parlé chaque instant; quasiment toute la journée. Mes plus jeunes frères et soeurs allaient à l’école, mes parents au travail. J’étais donc seul à rester à la maison avec elle. Ces moments à deux étaient donc propices à nos conversations. Lesquelles lui faisaient du bien; puisqu’elle s’en donnait à coeur joie. Progressivement, sa maladie (une asthme chronique et compliqué) s’était stabilisé. Mais, juste un jour. Et puis après, çà avait empiré. Comme si, le lot de ses confidences pour moi étaient finies et, qu’il était temps pour elle de « retourner au père ». Je dis « retourner au père » car c’est une expression qu’elle affectionnait. Dans la nuit du Mardi 5 au mercredi 6 novembre donc, elle s’était éteinte. A 83 ans. Elle s’appelait SIGNE VICTORINE.

J’avais attendu un jour. Puis deux, puis trois. Je voulais attendre plus longtemps. Afin de pouvoir participer à ses obsèques. Mais, mes parents ne voulaient pas. D’autant plus que celles-ci étaient programmées deux semaines plus tard. Ils m’avaient dit, « il est temps pour toi de partir; elle n’aurait pas aimé que tu t’arrêtes de faire ce que tu as à faire juste pour attendre qu’on l’inhume ». Je m’étais opposé à cette lecture. Meurtri de douleur, en colère qu’on puisse ne pas vouloir que je lui rende l’hommage qu’elle méritait. Mais les remarques de plus en plus nombreuses de mes parents et d’autres proches qui comptent avaient fini par me faire accepter l’idée de partir sans attendre son enterrement.

C’est ainsi que j’ai pris ma petite valise, avec quelques effets à l’intérieur, et surtout, un jujube (ce « fruit » porte-bonheur qu’il y a chez nous en pays Bamiléké) qu’elle m’avait donné juste avant sa mort. Je l’avais rangé bien dans mes effets. J’étais parti à Douala avec mes parents, tôt le matin, pour embarquer à 11H. Le vol fut une épreuve. Car à ce contexte douloureux et lourd que je viens de décrire, s’ajoutait celui qui m’attendait dans mon nouveau pays hôte. Où allais-je atterrir, où allais-je descendre? Qui allait venir me chercher, pour me conduire où? Quand j’embarquais, je n’avais aucune indication, aucune réponse à ces questions. Je savais que j’allais à Paris, puis à la fac de Malava. Mais je ne savais rien d’autre. Il est vrai que, manquant de relais sociaux (pas de famille, ni amis) à Paris, je ne pouvais pas compter sur quiconque.

C’est donc dans la plus grande confusion que j’atterris ce samedi 9 novembre 2002 à 18 h à Roissy. Moins qu’aux tracasseries des vérifications de la police aux frontières, c’est surtout au froid et à l’incertitude des modalités d’installation que j’avais été le plus confronté. J’étais sorti de la zone de contrôle, avec ma valise, mon petit sac contenant mes documents. Je n’avais regardé personne, puisque je savais que personne ne m’attendait. Autour de moi, des gens se saluaient chaleureusement, contents d’avoir rejoint qui un frère, un parent ou qui d’autre des amis. Moi, je m’étais retrouvé avec moi-même. J’avais « erré » quelques minutes là, à ne pas savoir quoi faire, ni où aller. J’avais retourné ma vie, mes projets et tout le reste dans mon esprit cent fois, et je n’avais pas trouvé de solutions aux problèmes immédiats qui se posaient à moi. Mais je n’avais pas paniqué, encore une fois parce que je ne m’attendais à rien d’autre. Seul le temps, frais, commençait à entamer mon « héroïsme ». Et surtout, plus le temps avançait, plus les gens avec qui j’avais voyagé disparaissaient. 2 h plus tard, j’étais encore là; et je ne reconnaissais plus personne de mon vol. Sans toujours avoir de solution à mon lieu d’installation sur ce jour-là au moins.

Me voyant tourner en rond, une dame noire m’avait accosté; elle m’avait demandé si j’attendais quelqu’un. Je lui avait dis « non ». Elle m’avait alors conseillé de rappeler chez moi au Cameroun et de leur dire que j’étais bien arrivé. Elle m’avait indiqué où je pouvais acheter une carte téléphonique, et comment m’en servir. Ensuite elle s’était éclipsée en me laissant son numéro de téléphone. Je l’avais remercié mille fois. J’avais suivi son conseil. Mais, plutôt que mes parents, j’avais appelé un proche de la famille, prêtre, qui m’avait aidé à trouver mon inscription, et qui venait de séjourner 4 ans à Paris. C’est d’ailleurs lui qui avait payé mon billet d’avion. Je l’avais eu presque vers 22h. Il m’avait demandé ce qui n’allait pas. et je lui avais expliqué que j’étais encore à Roissy, sans savoir où je pouvais passer la nuit. C’est alors qu’il m’avait communiqué les coordonnées d’une famille amie à lui. Il les avait appelé dans la foulée et leur avait expliqué la situation. Ensuite je l’avais rappelé et il m’avait dit de les appeler. Ce que j’avais fait. Cette famille (la famille Njomo), résidant à Colombes dans le 92 m’avait donc indiqué comment faire pour arriver jusqu’à leur domicile. « Prends tel train, puis fait la correspondance, puis tel train encore; direction ceci ou cela, ensuite le bus, direction tel, comptes les arrêts…. » Voilà à peu près la teneur du message que M. Njomo m’avait donné ce soir-là. Bien entendu pour moi c’était difficile. Je ne savais même pas ce qu’était un RER, ou encore un métro ou une direction machin-chouette. Mais, l’instinct de survie me guidait. Je pris mon courage à deux mains et je m’engageai sur le chemin. Au bout de 2 h (il était presque minuit) après moult tracasseries, j’arrivais donc en gare de La Défense, où le neveu de mon hôte d’un soir vint me récupérer. Un quart d’heure plus tard nous arrivions à leur domicile. Je poussai un grand souffle. Regardant devant moi, non pas derrière. En essayant d’oublier très vite cette journée particulière. Aujourd’hui, Cinq (5) ans ont passé. 

Du nouveau en francophonie

8 novembre 2007

Il y a du nouveau en Francophonie. L’Organisation internationale de la francophonie (OIF) a lancé un appel à candidatures pour « le volontariat francophone ». Qu’est-ce que c’est? Si j’en crois le communiqué l’annonçant, le Volontariat francophone est un « projet-pilote qui encourage la mobilité sud-sud (et) permet à des volontaires âgés de 21 à 35 ans de valoriser leur compétences tout en contribuant à des actions en faveur du développement. Avant même d’entrer dans le détail des significations de ce projet, saluons l’initiative. C’est en effet une de celle qui permet de donner plus de dynamisme à cette organisation souvent trop rigide et statique. Espérons maintenant que cette initiative sera un franc succès et surtout que les différents processus de mise en forme ne seront pas entachés d’irrégularités; comme par exemple le choix des volontaires, qui devra être basé sur les seules compétences et…volonté justement des différents candidats qui postuleront.

Personnellement je vais faire acte de candidature à l’une des missions proposées. Même s’il est vrai que j’aurai pu solliciter deux ou trois missions différentes, j’ai choisi de me proposer pour le poste de « journaliste au Laos ». D’abord parce que, le projet de l’OIF prévoit qu’on ne puisse se présenter qu’à un seul poste à fa fois. Ensuite, la mission en elle-même m’intéresse. En lisant son descriptif, j’ai réalisé que j’avais non seulement les compétences pour l’assurer mais aussi la volonté de m’investir dans une telle tâche.

Voici ce qui est proposé: La mission principale consiste à appuyer la rédaction d’un journal qui s’appelle le Rénovateur. Ce canard, fondé en 1998, est le seul du pays à écrire en langue française. Pour arriver à publier dans un français correct, il a toujours bénéficié de l’appui de l’OIF et même de l’Alliance française dans le pays, qui abrite d’ailleurs son siège. Par le passé, l’OIF a financé la parution de 7 numéros. A présent, elle se propose donc (par le poste de volontaire ouvert) de continuer à aider ce journal d’une autre manière. Le travail de ce volontaire consistera aussi à (re)lire, corriger les articles écrits par les journalistes locaux qui constituent l’équipe rédactionnelle du Rénovateur. C’est une tâche que je connais un peu, pour l’avoir fait quand j’étais stagiaire, puis collaborateur de l’Union de la presse francophone. En effet, au siège international de cette association de journalistes comprenant plus de 3000 membres journalistes francophones et des Sections dans plus de trente (30) pays dans le monde, nous recevions les articles d’un journal appelé Az Média, journal bilingue français – azerbaïdjanais.

Publié par la Section azerbaïdjanaise de l’UPF, il était envoyé au siège de Paris par courriel pour que les articles écrits par les journalistes locaux soient corrigés, « toilettés » même. Je m’y suis consacré pendant un an environ. Mon travail consistait, moins que dans le fond (connaissant peu le pays et sa politique ou son économie) à m’investir dans la forme et notamment le style, la grammaire, le lexique… Au début, l’exercice avait l’allure d’un sacerdoce. La compréhension, je dirai même le décryptage de phrases et expressions écrites par ces confrères étaient particulièrement difficiles. Il faut dire que, russophones à la base, ils avaient pour la plupart juste la maîtrise de l’azerbaïdjanais et du russe. Certains étaient aussi « calés » en anglais. Le français était pour eux tous une langue nouvelle; aimée, mas difficilement maîtrisée. Les textes écrits par eux n’étaient donc pas très « lisibles ». Avec Alain Garnier, qui s’occupait spécialement de ce dossier à l’UPF (conjointement avec ses fonctions de responsable de l’agence en ligne de l’Union) nous avons corrigé certains numéros. Au final, j’ai même fait une interview et un portrait croisés avec la présidente de la Section azerbaïdjanaise Zeynab Kazimova (également rédactrice-en-chef d’Az Média) qui a été publié dans le numéro 118 (Septembre – Octobre 2004) de La Gazette de la presse francophone, le journal de l’Union…  

Mais je ne compte pas m’appuyer que sur cette seule expérience. J’ai aussi pour moi une certaine connaissance de la presse et notamment des sujets liés à la francophonie; comme l’attestent mes collaborations régulières depuis plus de trois ans avec des journaux spécialisés comme La Gazette cité ci-haut, et aussi Francophonie du Sud, supplément du Français dans le monde, le magazine publié par la Fédération internationale des profs de français avec le soutien des Editions Clé et de la défunte agence intergouvernementale de la francophonie. Diplômé de Lettres modernes (je prépare une thèse en Littérature comparée) je compte aussi m’appuyer sur les connaissances littéraires et linguistiques acquises dans mes années de formation pour me mettre au service de cette tâche. Enfin, ma volonté est grande de m’investir dans une telle mission et dans cette région, si loin, mais si proche aussi, inconnue aussi, mais dont je voudrais faire la connaissance. Et par la même occasion d’aller à la rencontre d’un autre « type » de francophonie, celle du sud-est asiatique, après avoir éprouvé celle d’Afrique (où je suis né et ai grandi) et celle d’Europe (où je vis depuis quelques années).

En conclusion de ce texte, je voudrais redire l’enthousiasme et la joie que j’éprouve par rapport à l’initiative « volontaire francophone » de l’Oif. J’ose penser que beaucoup d’autres francophones comme moi éprouvent ces mêmes sentiments. Elle marque à coup sûr une ère nouvelle pour la Francophonie. Et consacre dores et déjà, la nouvelle Francophonie. 

Joyeux anniversaires MM les présidents

7 novembre 2007

C’est leur anniversaire aujourd’hui. 25 ans pour Paul Biya. 6 mois pour Nicolas Sarkozy. Il ne s’agit bien entendu pas de l’anniversaire de leur jour de naissance. Mais plutôt celui de leur « jour de gloire »; c’est-à-dire, celui de leur accession à la magistrature suprême de leur pays respectif (Cameroun et France). Les deux hommes se sont rencontrés il y a près de deux semaines. Ont-ils parlé, par anticipation, de ces anniversaires? Je doute que si. Mais certainement se sont-ils posés dans l’optique du temps. Le temps du pouvoir. Car tous les deux adorent le pouvoir et le temps, même s’ils n’ont pas le même rapport avec ce temps.

Nicolas Sarkozy, lui, a défini depuis longtemps sa stratégie par rapport au temps en politique. Agir vite (précipitamment?) et surtout éviter de vouloir durer. Chez Paul Biya, à l’analyse, on se rend compte que c’est tout le contraire: durer, et surtout, ne pas agir vite mais plutôt lentement et très lentement même.

Sans vouloir rentrer dans le fond des dossiers et leur signification pratique, on dirait que les 6 mois de présidence de M. Sarkozy sont au moins égal au quart de siècle de gérance de M. Biya. L’un a engagé des chantiers urgents pour son pays très rapidement, l’autre a pris son temps pour ne rien faire quasiment. Le premier a compris que, seule l’action est prépondérante quand on est aux affaires; le second s’est dit que seules la discrétion, l’effacement (l’inaction?) sont les moyens de gouverner.

On pourra toujours dire qu’on les jugera aux résultats. Mais, tordons tout de suite le bec à ce genre de jugement fallacieux du genre fuite en avant. Car, en 25 ans de présidence, le Cameroun de M. Biya ne semble pas être plus développé, plus avancé qu’il ne l’était déjà quand il prenait le pouvoir. Dans le même temps, la France a quand même changé depuis que M. Sarkozy est président; c’est-à-dire il y a 6 mois. En effet, plusieurs réformes sont mises en routes (après on n’est d’accord avec ou pas; c’est un autre débat). La classe politique, administrative, diplomatique est tout aussi mobilisée tous azimuts. « Les choses bougent » pour reprendre une expression consacrée. Et ce depuis 6 mois seulement.

Au Cameroun, on évolue à vitesse de tortue; d’ailleurs pourquoi se gêner, puisque là-bas, on dit que la vitesse de la tortue c’est la vitesse du sage. On annonce un projet, et on le « réalise » des années plus tard. A titre d’exemple, la réforme universitaire, annoncée au milieux des années 8O et faite en 93. Le projet de construction d’un stade de foot qui existe depuis 20 ans au moins et qui n’est jamais réalisé. D’autres « dossiers » plus importants encore croupissent ainsi dans les beaux esprits de notre président, sans jamais avoir l’heur de se matérialiser.

Partout, où les hommes installés au pouvoir suprême pensent avoir un peu de respect et de considération pour leur peuple, ils s’imposent de faire le bilan de leur action chaque fois qu’est venue l’anniversaire de leur accession au « trône ». Dans la France de M. Sarkozy, cela est vrai, comme çà l’était déjà avant lui et certainement çà le sera après. Tous les mois environ, lui ou ses partisans ou même ses détracteurs dressent ensemble le bilan de son action. Il y ressort des choses faites, des promesses non tenues, des réalisations à faire ou parfaire. Bref, quelque chose quand même. En revanche, au Cameroun, seul le folklore est grand en jour anniversaire. Des discours creux sur « l’homme du 6 novembre » sont pondus sans retenue par une certaine presse, qui, même par pudeur, ne dresse même plus les « grandes réalisations » effectuées par M. Biya. Le peuple n’est pas non plus entretenu par celui-là même qui se réclame de sa confiance. Pas une action, pas une descente sur le terrain, pas un discours bilan. Rien; pire même, une présence à l’étranger dans quelques lieux cossus et huppés. Certainement pour fêter tout seul « l’anniversaire » en question.

En ce 6 novembre, M. Sarkozy a rendu visite à des marins pêcheurs en grève; il a évoqué le sort de ses compatriotes détenus dans une sordide affaire au Tchad. Il est allé au Etats-Unis pour une visite officielle. Dans la même journée, il a donné son point de vue sur la crise entre l’Iran et la communauté internationale; il s’est aussi exprimé sur plein d’autres sujets. Même si, comme d’habitude il a suscité la polémique dans la plupart de ces sujets. Bref il a quand même bougé et a été actif en ce jour anniversaire de son arrivée au pouvoir. Au Cameroun, M. Biya a été absent, n’a rien dit; ni en discours, ni en communiqué, ni en descente sur le terrain. Rien, et rien de rien. Mais, c’est son avantage, n’a suscité aucune polémique. C’est çà l’avantage de jouer les Fantômas. 

Par ces deux exemples, on constate donc que chacun de nos deux protagonistes a vécu son jour anniversaire de gloire à sa manière. Bon anniversaire MM les présidents.

 

 

COMPTE-RENDU FINAL DE LA VISITE DE PAUL BIYA EN FRANCE

29 octobre 2007

C’est par un entretien au palais de l’Elysée avec le président français Nicolas Sarkozy que Paul Biya a terminé sa visite en France vendredi dernier. Déprogrammé de son horaire initial (10h), ce tête-à-tête a eu lieu finalement à 16h. Le nouveau président français ayant eu à gérer un agenda très chargé ce jour-là avec la fin du « Grenelle de l’environnement » et surtout un rendez-vous à l’improviste avec les cheminots en grève depuis quelques jours. 

Dans leur entretien, les deux chefs d’Etat ont abordé plusieurs sujets. Selon certaines informations, il a très peu été question de politique ; surtout pas de politique interne camerounaise. Ils ont surtout fait le tour d’horizon des relations bilatérales entre les deux pays. « Nos entretiens ont porté sur une sorte de revue de la coopération bilatérale. Nous sommes parvenus à la conclusion que cette coopération se portait bien » a dit Paul Biya aux médias. 

Poursuivant dans son compte-rendu de son entretien avec son homologue français, le président Biya s’est aussi réjoui du fait que, « l’Afrique compte au rang des priorités du président Sarkozy ». Une affirmation qu’on peut avoir peine à confirmer, tant les exemples et les preuves de cet intérêt affiché de Nicolas Sarkozy pour l’Afrique ne semblent pas patents. On peut néanmoins lui reconnaître la volonté de ne pas trop s’immiscer dans les affaires internes des pays du continent, ce qui en soi, peut être considéré comme un « intérêt affiché ». 

Mais pour le reste, le président français réaffirme quasiment au quotidien qu’il entend promouvoir davantage les relations économiques avec les pays étrangers. Il en a sans doute parlé avec Paul Biya. Et, sur ce terrain, les deux hommes n’ont pas manqué d’aborder le projet de construction d’une voie de chemin de fer entre le Cameroun et
la RCA pour lequel le groupe français Bolloré est candidat. (Lire à ce sujet l’encadré). 

Par cet entretien, le Président Biya mettait ainsi fin à sa visite d’Etat en France commencée mardi 23. Elle l’aura conduit aussi à l’Unesco, où il a tenu un discours à l’occasion de la 34e Conférence générale de cette institution. Des entretiens informels et une rencontre avec le Secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie Abdou Diouf ont également ponctué ce séjour en terre française.     

ENCADRE : Paul Biya et la « Une » de la discorde 

Paul Biya en Une d’un quotidien français. Le quotidien gratuit Matin Plus avait en effet choisi de consacrer sa Une de vendredi dernier au président camerounais avec le titre suivant : « Le président du Cameroun reçu à l’Elysée ». Mais cette initiative a été épinglée par d’autres journaux et des associations de droits de l’homme, notamment Survie. Réagissant le premier, l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur a critiqué cette Une et les articles sur M. Biya à l’intérieur de ce journal. Ce sont des articles de propagande, ont dit en substance les journalistes du Nouvel obs. 

Car en effet, Matin Plus, propriété du groupe Bolloré, a semble t-il pris cette initiative parce que son propriétaire Vincent Bolloré est candidat à un marché juteux au Cameroun. Sachant que c’est ce jour-là même que le président Biya devait être reçu par M. Sarkozy (par ailleurs grand copain de M. Bolloré),
la Une de Matin Plus avait vocation à mettre la pression sur le président français afin qu’il convainque son homologue camerounais de lui accorder la construction de la prochaine ligne de chemin de fer (800 km) entre Yaoundé et Bangui en RCA. 

La présidente de l’association Survie, Odile Biyidi, interrogée à cet effet dit ceci : « Cette une illustre certainement l’utilité de posséder des journaux quand on a des intérêts en Afrique », avant de rappeler plus loin que, M. Bolloré n’est pas un novice dans ce genre de coup et que son groupe est habitué à une certaine « prestation de service aux hommes politiques ». 

La couverture de Vendredi dernier ne dérogeait donc en rien à cette habitude. Pire même, dans l’article d’intérieur, seuls les « mérites » du président camerounais ont été évoqués. On y parle de la volonté du « président camerounais de moderniser le système démocratique de son pays ». Pas un mot sur les élections controversées, ou encore sur les rumeurs de modifications de la constitution affichée par certains thuriféraires du pouvoir pour permettre à Paul Biya de se représenter en 2011. Rien non plus sur les récentes émeutes survenues au Cameroun dont ceux ayant entraîné l’assassinat de deux conducteurs de taxi-motos. En fait, rien qui fâche. 

Nous avions signalé le très faible intérêt des médias français pour la visite officielle de Paul Biya en France. Il est dommage que la seule initiative venue nous démentir, celle de Matin Plus donc, soit entachée d’autant de d’arrière-pensées et de raisons subjectives. 

  

« Orphelins » du Darfour: ce que je crois

28 octobre 2007

Ca commence à ressembler à une sale affaire. Une affaire qui sent même mauvais. Cette affaire, c’est celle des enfants du Darfour qu’une Association française (l’Arche de Zoé) avait voulu « acheminer » en France pour les y faire adopter, au prétexte qu’ils sont orphelins. Une initiative que les promoteurs annonçaient comme une « opération humanitaire » se révèle être à présent un fiasco total. Pire même, c’est désormais une « affaire d’Etat » qui implique la France ainsi que deux pays africains, le Tchad et le Soudan.

Le sujet est brûlant, complexe aussi. Rappelons rapidement le contexte. Des français engagés comme « humanitaires » au Darfour ont été arrêtés au Tchad entrain de tenter d’emmener avec eux une centaine d’enfants africains vers la France à bord d’un avion spécialement affrété. Pour leur défense, ils disent que ces enfants sont des orphelins soudanais, dont les parents sont morts dans la guerre du Darfour. En rappel, signalons que le Darfour est une vaste région à l’ouest du Soudan qui est en proie à un grave conflit depuis quelques années. D’abord interne, il est devenu ensuite un conflit régional opposant en sourdine le Soudan et le Tchad. Il a déjà fait plusieurs milliers de victimes et des millions de déplacés; notamment les femmes et les enfants. 

C’est donc parmi ces enfants déplacés que les membres de l’association l’Arche de Zoé sont venus recueillir une centaine de gamins pour les emmener en Europe. Mais, curieusement, ils ont réalisé cette initiative sans aucune démarche légale, sans autorisation ni du gouvernement français, ni soudanais, ni tchadiens. Arrêtés par les autorités de N’djamena alors qu’ils s’apprêtaient à embarquer pour la France avec ces enfants, 6 membres de l’association et trois journalistes qui les accompagnaient sont depuis retenus prisonniers dans ce pays. Depuis quelques jours maintenant, ils sont donc au centre de cette affaire, qui risque de faire couler beaucoup d’encre et de salive. D’autant plus que, les contours de ce dossier semble être difficiles à cerner.

Accusés d’être des « esclavagistes » des temps modernes, les  »humanitaires » arrêtés ne se sont à ce jour pas montré très convaincants dans leurs explications. On a de la peine à donner du crédit aux différents arguments qu’ils avancent. De fait, la « générosité », « l’humanisme », la « solidarité » envers des pauvres petits orphelins qu’ils mettent en avant pour expliquer aussi leur initiative ne paraissent pas crédibles. Du coup, ils ne sont pas beaucoup soutenus par les autorités françaises; on pourrait même dire qu’ils sont « lâchés » par ces derniers quand on voit comment Rama Yade (nommée par ailleurs pour diriger la Cellule spéciale sur ce sujet), membre du gouvernement met une belle énergie sur les plateaux télé à condamner l’initiative controversée de cette association. Bien plus, ils sont aussi menacés par les autorités des deux pays africains concernés par le sujet; et notamment le Président Idriss Déby en personne. Ce dernier, qui a rendu visite aux enfants en question et aussi aux membres de l’Arche de Zoé arrêtés a donné son sentiment dans cette affaire. Pour lui, ces gens avaient en fait l’intention de « faire partir ces enfants pour les livrer à des réseaux de pédophiles en Europe ou même les tuer et vendre leurs organes ». Le président tchadien est même allé plus loin, car il a insinué que les membres de l’Arche de Zoé ne peuvent, en fait, être que la face visible d’un « réseau » de pédophiles ou de trafiquants d’enfants, venus d’Europe faire leur « marché » en Afrique.

Cette idée peut paraître courte et sotte, mais, à voir la conviction avec laquelle le chef de l’Etat tchadien la martelait à la télé, on ne doute pas à croire qu’elle existe et fait son chemin dans l’esprit de plusieurs de ses compatriotes et même bien au delà. D’où vient-elle? Et, qu’est-ce-qui la soutend? Difficile à dire. Il se pourrait tout simplement que, depuis les médias occidentaux diffusent les affaires de pédophilies survenues dans certains pays européens (Belgique avec l’affaire Dutroux, ou en France et le « scandale » d’Outreau…), ou même encore les histoires d’enfants enlevés et retrouvés morts sans certains de leurs organes, bon nombre d’africains n’hésitent plus à penser que les enfants sont ainsi maltraités en Europe.

En analysant la réaction du gouvernement français, qui s’est désolidarisé de l’initiative de l’Arche de Zoé, et du gouvernement tchadien, qui s’est exprimé par les propos de son président cité supra, quelques intuitions me viennent. Premièrement, j’ai peur qu’un dossier aussi sensible ne finisse pas se traiter simplement par l’agitation et la frénésie des uns et des autres à vouloir, soit ne pas y être mêler (la France), soit profiter de la situation pour des raisons inavouées (le Tchad).

Deuxièmement, il serait temps que, Paris, qui avait certainement connaissance des activités de cette association qui, comme tout le monde peut se rendre compte en rentrant sur leur site Internet (www.archedezoe.fr), qu’elle exerce bien dans cette région depuis un moment. Le projet de faire « adopter » des enfants et particulièrement ceux du Darfour est même bien explicité dans leur page d’accueil. Il serait étrange d’affirmer que dans un pays comme la France où tout semble bien être contrôlé et vérifié, que personne en tout cas dans les arcanes ministériels n’ait eu vent de cette association et de ses activités au Soudan et au Tchad. De ce fait, il serait donc important de dire si, les autorités ont donc souvent « fermer les yeux » sur ce genre d’agissements (ce qui serait grave) ou continuer à dire qu’elles ne savaient rien (ce qui est tout aussi grave).

Troisièmement, il faudrait faire attention à ce que le président tchadien et bien d’autres personnes encore sur le continent ne prennent cette affaire en otage pour des raisons autres que celles qu’elle dégage. Car, dénoncer la chose en elle-même est certainement juste. Mais, parler d’un complot ourdi par des réseaux obscurs et mal intentionnés, comme le fait Idriss Déby, sans en avancer une seule preuve, c’est aller trop loin dans l’accusation sans fondements. Le maître de N’djamena voudrait ainsi faire oublier les problèmes internes liés à ce pays, qui rendent cette situation possible. Vouloir donc l’imputer entièrement aux « européens » comme il le dit si bien, c’est fuir ses propres responsabilités de mauvais dirigeants ayant occasionné, sinon participé à la crise qui fait du Darfour aujourd’hui un lieu sinistre pour beaucoup de personnes, au premier rang desquels les enfants. Comme cette centaine de garçons et filles au centre de ce qui est aujourd’hui « l’Affaire des enfants du Darfour ». Nous y reviendrons au fur et à mesure que d’autres éléments sur les enquêtes en cours seront révélées. 

  

Visite de Paul Biya en France ; rencontre au sommet entre le président et Nicolas Sarkozy

25 octobre 2007

C’est aujourd’hui que le président Biya est reçu par Nicolas Sarkozy au palais de l’Elysée. Le tête-à-tête entre les deux hommes d’Etat est prévu à 10h. Cet entretien sera le point d’orgue de la visite officielle qu’effectue le président en France depuis mardi dernier. Ensembles, ils évoqueront certainement plusieurs sujets. Sur le plan de la coopération, et notamment dans le secteur militaire ; le président Biya devrait remercier son homologue français de l’installation prochaine au Cameroun d’une école internationale de formation au maintien de la paix à Awaé près de Yaoundé, sous l’égide de

la France. Outre cela, les deux présidents conserveront, comme c’est de coutume, sur les relations diplomatiques entre les deux pays ; ici, ils ne manqueront, dans le communiqué final, de saluer la « bonne entente et la cordialité » qui prévaut entre ces deux pays depuis longtemps. Il parait peu probable que, dans le même entretien, Paul Biya et Nicolas Sarkozy abordent des dossiers économiques. Car, le nouveau président français qui se présente tous les jours à l’échelle internationale comme un « négociant » au service de son pays (voir encadré), ne le fera pas avec notre président, tant les débouchées et possibilités d’investir au Cameroun paraissent, en comparaison avec d’autres pays, peu intéressantes. En effet, il n’y a pas de TGV à vendre au Cameroun, comme çà vient d’être le cas au Maroc que le président Sarkozy a visité en début de semaine. De même, il n’y a non plus de contrats pétroliers ni portant sur le nucléaire, comme
la France l’a fait avec
la Libye il y a peu. 

Reste les dossiers sensibles. Comme par exemple celui concernant la sécurité des français au Cameroun. « L’affaire Laurence Vergne » dont nous avons parlé il y a peu, pourrait être au menu des discussions. Aussi, la coopération des autorités camerounaises dans la lutte contre l’immigration clandestine (un sujet très cher au président Sarkozy) ne sera sans doute pas en reste. Le Cameroun étant jugé par les autorités de Paris comme l’un des pays qui coopère le moins dans ce domaine. 

Avec cet entretien à l’Elysée, Paul Biya mettra ainsi fin à sa visite officielle dans ce pays commencée en début de semaine. Au cours de celle-ci, il aura rencontré tour à tour de nombreuses personnalités parmi lesquelles le Secrétaire d’Etat français à la coopération et à

la Francophonie Jean-Marie Bockel et Abdou Diouf, Secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie. Avec l’ancien président sénégalais, le président Biya a discuté des relations entre l’OIF et notre pays. De même, ont-ils également évoqué les travaux de la 34e conférence générale de l’Unesco, ouverte le 16 octobre dernier à son siège à Paris. Le président Biya y a tenu un discours mardi dernier. 

Suite de « l’Affaire Laurence Vergne »; Les médias français s’en saisissent

15 octobre 2007

Embourbée en justice, presque clarifiée dans les médias français. Ainsi peut-on résumer  « l’affaire Laurence Vergne », du nom de cette jeune (31 ans) scientifique française assassinée en début de cette année au Cameroun. Depuis le drame, le dossier stagne sur le plan judiciaire ; que ce soit au Cameroun où l’affaire s’est produite, comme en France, où une plainte a été déposée en mai dernier par la famille de la victime. En revanche, dans les médias, camerounais comme français, ce sujet est largement couvert et suivi. Surtout en France où radios, télés et journaux semblent, au fil des articles, révéler la « vérité » dans cette affaire. 

On pouvait le constater en regardant, dimanche dernier, sur TF1, le magazine Sept à Huit. Un reportage de 10 minutes a été consacré à cette affaire. Il y a quelques temps ce sont les journaux écrits qui en avaient parlée. Le Parisien qui consacrait une pleine page à ce dossier le 1er août dernier. D’autres journaux aussi en ont parlé, tels Libération (19 juin), Le Figaro et même Le Monde, premier quotidien d’informations générales du pays, mais aussi des journaux régionaux. 

Tous, ils ont abordé cette affaire, dans un premier temps sous l’angle du fait divers sordide. Dans ce registre, c’est la tristesse et l’émotion de la famille et des proches de la victime qui ont été mises en avant ; (dans le reportage de TF1 par exemple, au début, on pouvait voir les parents de la jeune femme exprimer leur chagrin, feuilleter ses albums de jeunesse…). Par la suite, (suivant les recommandations de la famille ou est-ce pour d’autres raisons ?) les médias ont très vite fait basculer ce sujet dans la rubrique du « scandale judiciaire ». Le point de départ de cette nouvelle catégorisation, si on peut ainsi dire, a été la plainte déposée par la famille Vergne au tribunal de Grande instance de Paris en mai dernier. 

La plainte en question, selon Me Antoine Comte l’avocat de la famille, vise à dénoncer la « lenteur et l’incapacité » de la police et de la justice camerounaise à faire la lumière dans cette affaire. Pire même, elle affirme, sur la base d’informations glanées à « bonnes sources », que les coupables dans cette affaire courent toujours, alors qu’ils sont connus ; que la police camerounaise les protège, et, avec la justice, elles ne sont pas pressées d’élucider ce crime. 

Ces « révélations » puisées à « bonnes sources » nous disions, ont donc été versées à la justice et aux médias hexagonaux. S’il est certain que la justice prendra son temps (le temps de la sérénité certainement) pour mettre au clair ce crime ; en revanche, il est à craindre que, les médias, mus par d’autres raisons (et d’autres intérêts ?) n’aient pas la même patience, ni la même sérénité (comme en témoigne les nombreuses « couvertures » dont nous parlions plus haut) pour éclaircir cette histoire. Pourtant, l’enquête menée au Cameroun a conduit à de premières arrestations et des condamnations. Elle a, selon beaucoup d’avis, été un peu bâclée certes, mais les policiers poursuivent d’autres pistes que celles initiales. En France même, le compte-rendu d’un Conseil ministériel affirme que, contrairement à de nombreuses rumeurs, l’action judiciaire menée au Cameroun s’est déroulée en toute transparence. Apparemment, cela ne suffit pas à calmer les médias français, qui ont décidé de faire, à leur manière, toute la lumière dans cette affaire. Rien que çà. 

TEST ADN ET CONSORTS : le silence gêné des associations africaines de France

14 octobre 2007

Silence total. Voilà l’attitude des principales associations africaines de France dans le débat actuel sur la nouvelle loi sur l’immigration et particulièrement « l’amendement du test ADN ». Pourtant, tous les jours, un nouveau rebondissement intervient dans cette affaire polémique et controversée. Il n’y aurait pas assez de place ici pour conter les différentes déclarations de personnalités publiques (connues ou moins connues) sur ce sujet. Les derniers en date étant notamment ceux de François Fillon et de Fadela Amara. 

Le premier, premier ministre en exercice, a qualifié l’amendement querellé (celui sur le Test ADN) de « détail ». Or, ce substantif est dans ce pays très connoté, depuis que Jean-Marie Le Pen avait qualifié ainsi l’Holocauste pendant
la Deuxième guerre mondiale. Le leader du parti d’Extrême-droite avait justement été condamné pour l’utilisation de ce terme et les arrière-pensées qu’il colportait. Que M. Fillon utilise le même terme aujourd’hui devrait le rendre condamnable également. Et, au vu de la fonction qu’il occupe, de manière plus sévère. 

Quant à Madame Amara, Secrétaire d’Etat au Logement, elle a jugé ce sujet, comme du reste le traitement de l’immigration par
la Droite et
la Gauche, est « dégueulasse ». Là encore, un terme  (un qualificatif cette fois-ci). Mais dans le fond, la même expression d’un sentiment d’indignation, mais aussi d’accusation. Sa réaction a provoqué dans la classe politique et médiatique une levée de bouclier contre cette sous-ministre ; aussi bien du gouvernement de Droite (qu’elle a rejoint), mais aussi tout de
la Gauche (qu’elle a quittée). Chacun essayant de placer à son compte, le mot qui ferait mal, la phrase qui tue. 

Avant ces deux épisodes, et même après, pas un jour ne passe sans que le sujet sur les Test ADN ne crée donc une polémique vive dans ce pays. Mais, curieusement, les premiers concernés, c’est-à-dire les africains, ne semblent pas vouloir ou pouvoir se mêler au débat. Certes, on a entendu çà et là, quelques réactions (des bruits en fait) de la part de certains dirigeants africains. Les présidents Alpha Oumar Konaré (l’UA), Abdoulaye Wade (Sénégal) notamment ont exprimé leurs réticences sur les nouvelles lois sur l’immigration et surtout les Test ADN.  Dans un entretien à RFI, le premier cité a jugé que, « pour nous (les africains) ces test ADN sont inconcevables. Ils sont inacceptables au niveau éthique, moral et culturel ». 

Pour leur part, les africains de France sont inaudibles voire muets sur le sujet. En effet, ni le Cran, ni le Collectif Dom, ni toutes les associations de banlieues aussi n’arrivent à faire entendre leur voix dans ce débat. Et que dire des petites associations à caractère national ou communautaire (du genre, les étudiants maliens ou sénégalais ou camerounais de France) ? Or, quand il s’agit de sujets mineurs ou sans intérêts, on les entend gloser à longueur de journée sur les antennes. Débitant de idées à peine construites ou tout au moins qui peuvent être mises en pratique. Seules à ce jour, quelques une association comme Africagora (un club de d’entrepreneurs d’origine africaine et antillaise), dont les responsables ont « roulé » pour le nouveau président, arrive à s’exprimer sur ce sujet. Globalement, elle est d’accord avec la politique de Nicolas Sarkozy, et, même si elle a mis quelques bémols au sujet des Test ADN, elle approuve les autres points du projet de loi en cours, comme les quotas, l’immigration choisie…. 

Pour le reste, quand on parle avec certains africains dans les rues de Paris, ils sont d’avis partagés sur ces sujets. Pour la plus grande part, ils ne se prononcent pas. Par manque d’informations, certainement ; ou encore, parce que, comme beaucoup, ils préfèrent vivre entre-eux, et, ne pas trop s’intéresser à l’actualité politique et administrative de ce pays. Sauf quand çà les intéresse eux-mêmes dans leur singularité. Pour d’autres, comme Georges N, camerounais qui exerce comme taxi à Paris, avec les nouvelles lois, on atteindra bientôt le paroxysme du rejet. Lui, il vit en France depuis sept ans, et, l’année dernière, il a fait venir sa fille du Cameroun dans le cadre du regroupement familial. Il dit ceci : « cela m’a pris près de trois ans pour tout organiser, fournir des nombreuses pièces. Çà s’est bien terminé puisque ma fille m’a rejoint ici, mais çà été très difficile. Je présume que, si en plus de la procédure qui existe déjà, on doit ajouter d’autres éléments, çà va être pire ». Son cas n’est pas isolé ; plusieurs personnes sollicitant la venue d’un de leurs enfants en France dans le cadre du regroupement familial l’a certainement vécu. Comme lui, ils jugeront donc que, s’il faut en plus passer le test ADN, ce serait « insupportable et inadmissible ». 

Un jugement que, malheureusement, n’arrivent pas à avoir ou à faire entendre les grandes associations des africains de France. Comme une autre preuve de leur inconsistance, ou de leur marginalisation ? 

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