Quel avenir pour la Francophonie en France ? La question mérite d’être posée en cette période de campagne électorale en France. Les principaux ténors du scrutin présidentiel du printemps prochain sont connus depuis le début de l’année. Tous, chacun à sa manière, essaient de décliner leur programme de campagne, avec notamment les grands axes de la politique qu’ils appliqueront s’ils sont élus au soir du 6 mai. On a ainsi pu les entendre sur tous les grands sujets : l’économie –fiscalité, pouvoir d’achat, dette de l’Etat- les sujets de société –l’immigration, le mariage homosexuel et l’homoparentalité, la délinquance, l’éducation, la culture…- l’international –les crises au Proche-Orient, les conflits dans le monde, l’Europe, la coopération avec les pays d’Afrique… Nouveauté même, on a pu entendre la quasi-totalité des candidats sur la question de l’écologie ; ici, pressés par un animateur télé (Nicolas Hulot) au faîte de sa popularité, lequel a parfaitement agité chantage et menace de sa candidature, ils ont, bon gré mal gré, signé son fameux « Pacte écologique », une trouvaille qu’il dit avoir reçue en mission de la nature, et dont l’application du contenu pourrait « sauver la planète ». Rien moins que çà.
En voyant le nombre de sujets abordés (même si certains n’ont été qu’effleurés) en ce début de campagne, on peut s’étonner que dans le registre de l’international et de la culture, ni MM. Sarkozy, Bayrou, Le Pen, ni Mme Royal et autres, n’aient encore prononcé aucun mot sur la Francophonie. Est-ce à dire qu’elle ne figure pas au rang de leur priorité ? Doit-on craindre pour l’avenir de la francophonie ? Il est à parier que oui. Notamment pour ce qui est de la Francophonie politique (avec un « f » majuscule). Car, considérée, à tort ou à raison, comme une duplique de la Françafrique, ou du moins comme son avatar, elle est dans la ligne de mire des principaux candidats à l’élection présidentielle. Sarkozy et Bayrou par exemple ont dit tout le mal qu’ils pensaient des relations actuelles entre la France et son ancien empire colonial ; Mme Royal n’est pas en reste, et ne dit pas autre chose que ses deux concurrents. Dans leur états-majors, on est même allé jusqu’à railler le futur sommet Afrique – France qui se tient à Cannes (25-26 février), le qualifiant de « dernier repas du prince avec ses serviteurs ». Quand on sait l’appétit de M. Chirac pour ce genre de messes, tribunes idéales pour ses grands discours sur « l’humanisme, la solidarité » et autres, on se dit que ce n’est pas si faux que çà. Car, on peut lui savoir gré d’avoir développé et dynamisé cette institution qui, durant ses deux mandats à l’Elysée, elle est passée d’une association regroupant une vingtaine de pays francophones (d’Afrique et d’Asie plus la France, le Canada, la Belgique et la Suisse) à une grande famille de plus d’une soixantaine de membres aujourd’hui, ouverte même sur les pays anglophones et les anciennes républiques communistes d’Europe de l’est. Bien plus, c’est à son arrivée au pouvoir en 1995 que, également à sa demande, la Francophonie s’est dotée d’un organe exécutif permanent, avec la nomination de l’égyptien Boutros Boutros-Ghali, ancien SG de l’Onu, au poste de Ier Secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie. Ce renouveau institutionnel s’est matérialisé par une plus grande action de la Francophonie dans le monde, notamment sur la question des droits de l’homme, la promotion de la démocratie et de la diversité culturelle.
Ce dernier sujet, restera comme l’un de ceux dans lequel la francophonie (cultuel celle-là, avec « f » minuscule), sous l’instigation de la jacques Chirac, a pu faire adopter à l’Unesco, une charte sur la diversité culturelle en 2006, qui vise à maintenir l’expression de plusieurs expressions culturelles dans le monde. En plus de cette action emblématique, à laquelle ont largement participé les pays africains, ne serait-ce que par leur vote en faveur du texte en question, la francophonie non-politique peut se targuer d’un certain nombre d’actions culturelles chaque année (festival, conférences, émissions), en hexagone comme à l’étranger, qui rehaussent l’image de la France.
Mais, il est fort probable que, dans la foulée de la prochaine élection présidentielle française, le futur chef de l’Etat, quelqu’il soit, n’accorde pas autant de sollicitude ni d’intérêt à la Francophonie. Car, hormis l’argument d’être le clone de la françafrique honnie dont nous avons parlé plus haut, le prochain président français aura d’autres dossiers urgents comme la relance de la construction européenne, freinée en grande partie à cause de la France. En outre, les nombreuses questions nationales sur lesquelles les différents candidats auront fait des promesses de campagne les mobiliseront également. Dès lors, bien malin est celui qui peut dire à quel rang sera reléguer la Francophonie dans l’ordre des priorités françaises. Surtout que, jusqu’à ce jour, la France reste le principal bailleur de fonds de toutes les institutions francophones (Oif[1], Auf[2], Tv5, Aimf[3], Université Senghor d’Alexandrie…
[1] Organisation internationale de la francophonie[2] Agence universitaire de la francophonie
[3] Association internationale des maires des villes francophones