Francophonie en france aujourd’hui

9 juillet 2007

Quel avenir pour la Francophonie en France ? La question mérite d’être posée en cette période de campagne électorale en France. Les principaux ténors du scrutin présidentiel du printemps prochain sont connus depuis le début de l’année. Tous, chacun à sa manière, essaient de décliner leur programme de campagne, avec notamment les grands axes de la politique qu’ils appliqueront s’ils sont élus au soir du 6 mai. On a ainsi pu les entendre sur tous les grands sujets : l’économie –fiscalité, pouvoir d’achat, dette de l’Etat- les sujets de société –l’immigration, le mariage homosexuel et l’homoparentalité, la délinquance, l’éducation, la culture…- l’international –les crises au Proche-Orient, les conflits dans le monde, l’Europe, la coopération avec les pays d’Afrique… Nouveauté même, on a pu entendre la quasi-totalité des candidats sur la question de l’écologie ; ici, pressés par un animateur télé (Nicolas Hulot) au faîte de sa popularité, lequel a parfaitement agité chantage et menace de sa candidature, ils ont, bon gré mal gré, signé son fameux « Pacte écologique », une trouvaille qu’il dit avoir reçue en mission de la nature, et dont l’application du contenu pourrait « sauver la planète ». Rien moins que çà.

En voyant le nombre de sujets abordés (même si certains n’ont été qu’effleurés) en ce début de campagne, on peut s’étonner que dans le registre de l’international et de la culture, ni MM. Sarkozy, Bayrou, Le Pen, ni Mme Royal et autres, n’aient encore prononcé aucun mot sur la Francophonie. Est-ce à dire qu’elle ne figure pas au rang de leur priorité ? Doit-on craindre pour l’avenir de la francophonie ? Il est à parier que oui. Notamment pour ce qui est de la Francophonie politique (avec un « f » majuscule). Car, considérée, à tort ou à raison, comme une duplique de la Françafrique, ou du moins comme son avatar, elle est dans la ligne de mire des principaux candidats à l’élection présidentielle. Sarkozy et Bayrou par exemple ont dit tout le mal qu’ils pensaient des relations actuelles entre la France et son ancien empire colonial ; Mme Royal n’est pas en reste, et ne dit pas autre chose que ses deux concurrents. Dans leur états-majors, on est même allé jusqu’à railler le futur sommet Afrique – France qui se tient à Cannes (25-26 février), le qualifiant de « dernier repas du prince avec ses serviteurs ». Quand on sait l’appétit de M. Chirac pour ce genre de messes, tribunes idéales pour ses grands discours sur « l’humanisme, la solidarité » et autres, on se dit que ce n’est pas si faux que çà. Car, on peut lui savoir gré d’avoir développé et dynamisé cette institution qui, durant ses deux mandats à l’Elysée, elle est passée d’une association regroupant une vingtaine de pays francophones (d’Afrique et d’Asie plus la France, le Canada, la Belgique et la Suisse) à une grande famille de plus d’une soixantaine de membres aujourd’hui, ouverte même sur les pays anglophones et les anciennes républiques communistes d’Europe de l’est. Bien plus, c’est à son arrivée au pouvoir en 1995 que, également à sa demande, la Francophonie s’est dotée d’un organe exécutif permanent, avec la nomination de l’égyptien Boutros Boutros-Ghali, ancien SG de l’Onu, au poste de Ier Secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie. Ce renouveau institutionnel s’est matérialisé par une plus grande action de la Francophonie dans le monde, notamment sur la question des droits de l’homme, la promotion de la démocratie et de la diversité culturelle.

Ce dernier sujet, restera comme l’un de ceux dans lequel la francophonie (cultuel celle-là, avec « f » minuscule), sous l’instigation de la jacques Chirac, a pu faire adopter à l’Unesco, une charte sur la diversité culturelle en 2006, qui vise à maintenir l’expression de plusieurs expressions culturelles dans le monde. En plus de cette action emblématique, à laquelle ont largement participé les pays africains, ne serait-ce que par leur vote en faveur du texte en question, la francophonie non-politique peut se targuer d’un certain nombre d’actions culturelles chaque année (festival, conférences, émissions), en hexagone comme à l’étranger, qui rehaussent l’image de la France.

Mais, il est fort probable que, dans la foulée de la prochaine élection présidentielle française, le futur chef de l’Etat, quelqu’il soit, n’accorde pas autant de sollicitude ni d’intérêt à la Francophonie. Car, hormis l’argument d’être le clone de la françafrique honnie dont nous avons parlé plus haut, le prochain président français aura d’autres dossiers urgents comme la relance de la construction européenne, freinée en grande partie à cause de la France. En outre, les nombreuses questions nationales sur lesquelles les différents candidats auront fait des promesses de campagne les mobiliseront également. Dès lors, bien malin est celui qui peut dire à quel rang sera reléguer la Francophonie dans l’ordre des priorités françaises. Surtout que, jusqu’à ce jour, la France reste le principal bailleur de fonds de toutes les institutions francophones (Oif[1], Auf[2], Tv5, Aimf[3], Université Senghor d’Alexandrie…


[1] Organisation internationale de la francophonie[2] Agence universitaire de la francophonie

[3] Association internationale des maires des villes francophones

Le chaos somalien

9 juillet 2007

LA SOMALIE

La somalie revivra t-elle normalement un jour ? La question mérite d’être posée aujourd’hui, tant le pays paraît plus que jamais englué dans une descente aux enfers qui a commencé au début des années quatre-vingt-dix et qui est loin d’être terminée. On sait à peu près quand et comment les problèmes de ce pays ont commencé, mais on est loin d’imaginer le moment et les moyens à utiliser pour y mettre fin. Il y a quelques semaines, les forces « loyalistes » du gouvernement somalien de transition, appuyés par un fort contingent éthiopien, réussissaient, au terme d’une « guerre éclair », à déloger les Tribunaux islamiques, installés au pouvoir à Mogadiscio depuis le mois de juin 2006. Certains enthousiastes ont alors cru que, pour la Somalie, c’était le début de la résurrection. Pourtant, tout porte à croire que ce n’était qu’une illusion, et que, la lame de fond qui a fendu ce pays, l’a transpercé avec une telle violence qu’il sera difficile de recoller les morceaux. Pas que la tâche soit impossible –rien ne l’est d’ailleurs- mais, l’opération de sauvetage du pays phare de la corne de l’Afrique va nécessiter un véritable traitement de cheval tant sur le plan institutionnel, politique et social. Mais avant d’explorer ici quelques pistes –un peu de fiction- qui pourront être empruntées, il faut redire succinctement comment l’ancienne colonie italienne est devenue le champs de ruine qu’elle est aujourd’hui.

L’évènement du mois de décembre est le énième épisode d’une guerre civile qui a commencé dans les années soixante-dix. Celle-ci a été marquée par des affrontements successifs ayant opposé les principaux clans du pays, c’est-à-dire les Dir, les Sab, les Hawiyé et les Darod. Arrivé au pouvoir en 1969, le général Mohamed Siyad Barre, un chef de clan Darod va régner en main de maître pendant deux décennies. De plus en plus contesté à la fin des années quatre-vingt, il sera chassé du pouvoir en 1991. Mais, contrairement à ce qu’on pouvait s’attendre, la chute de Siyad Barre, plutôt que de créer un début de solution dans le pays, va être le véritable signal de l’intensification de la guerre civile. Conséquences, les institutions sont complètement démantelées, et, il en est même jusqu’à l’école publique qui est obligée de fermer ses portes. Bref, la vie s’arrête et tous les jours, les victimes civiles se comptent par centaines. Entre 1991 et 1992, la Croix rouge et d’autres Ong humanitaires dénombrent environ 300 000 morts. Plus de quinze ans après, le « pays », si tant est qu’on puisse toujours parler de pays, (voir encadré), est plongé dans un tel chaos, dans une telle déchéance que seul un scénario hollywoodien sur l’apocalypse pourrait tenir la comparaison. Le récit de la situation qui prévaut dans ce pays depuis les années 90 est à lui seul une corvée, tant les éléments dramatiques et douloureux sont nombreux à évoquer. Nous n’y reviendrons donc pas davantage. Car, ce qui nous semble intéressant aujourd’hui, c’est de savoir quand est-ce que la Somalie redeviendra un pays en paix ? A quel moment le chaos actuel ne sera plus qu’un lointain souvenir ayant laissé la place à une situation plus sereine et plus vivable ? Difficile à dire si on s’attarde sur quelques éléments prédominants de la situation actuelle du pays.

D’abord et avant-tout, il y a le problème institutionnel. Ce qu’on appelle aujourd’hui la Somalie est tout sauf un Etat. Depuis le départ de Siyad Barre les institutions ne fonctionnent plus. Pas d’écoles, pas de représentations à l’étranger… Mogadiscio, la capitale, et le reste du pays étaient tombés entre les mains de chefs de guerre, dirigeant chacun une partie du territoire sur des règles et principes propres à eux. Pas d’administration centrale, pas de parlement local, encore moins de gouvernement pour gérer les affaires du pays. Pire, certaines régions ont profité de ce désordre pour proclamer leur indépendance. Ainsi de la région du nord devenue le Somaliland (1991) et du nord-est qui déclara son autonomie en 1998 sous le nom de Puntland. Avec le détachement de ces deux régions, Mogadiscio se vida de sa substance administrative et de son rôle historique, d’autant plus que le semblant d’institutions qui restaient s’étaient installées à… Nairobi au Kenya, à partir de 2004. Appuyés par la communauté internationale, un parlement de transition s’est constitué en 2000 dans ce pays voisin ; il est composé essentiellement d’intellectuels en exil et de chefs de guerre restés au pays. Au début de l’année dernière, ce parlement et le gouvernement qui en issu –dirigé par Abdullah Yusuf Ahmed (président de la transition) et Ali Mohamed Gedi (premier ministre)- s’installe à Baidoa, à l’est de la Somalie. Toujours loin de Mogadiscio, qui entre temps, voit s’installer en son sein une coalition de chefs religieux appelés les Tribunaux islamiques. Avec le retour du gouvernement de transition à Mogadiscio en décembre dernier, conjugué au départ des Tribunaux islamiques, on pourrait s’attendre à un retour progressif de la normalisation de la vie en Somalie. Du moins sur le plan institutionnel. Mais c’est oublier que, le pays est « occupé » à la fois par les troupes éthiopienne, qui font office d’armée régulière ; et de manière plus discrète, mais de plus en plus visible, par les américains. Ceux-ci, embarqués dans leur aventure de combattre le terrorisme partout dans le monde, se sont (re)installés en Somalie, pour disent-ils, contrôler les activistes djihadistes des pays voisins du golfe, qui pourraient venir s’y réfugier ou s’y entraîner. Il faudra donc attendre la fin de la double tutelle actuelle pour voir le pays recouvrer son entière autonomie institutionnelle.

Mais la question institutionnelle n’est pas la seule que doit résoudre ce pays. Il y a aussi des problèmes politique, économique et socio-confessionnel. Il paraît à peu près évident que, sur le plan politique, sans un retour à un Etat normalement constitué, la crise politique perdurera. Les chefs de guerre des années quatre-vingt-dix et deux mille, déguisés aujourd’hui en hommes politiques de premier plan devront désarmer leurs troupes. Ce qui n’est pas garanti. Les intellectuels en exil, revenir au pays pour aider à sa reconstruction. Celle-ci, ne pourra se faire sans une véritable dynamisation du secteur économique. Certes, la Somalie n’est pas un sol riche en minerais ou en ressources pétrolières. Mais, l’agriculture, si florissante par le passé, et les mines de sel, secteur dans lequel le pays est l’un des premiers au monde, devront être réinvesti afin de leur redonner tout leur lustre d’antan. Plus que du lustre, c’est aussi la création d’emplois et les revenus importants que ces deux secteurs peuvent rapporter qui pourraient aider en partie au redémarrage de l’économie somalienne.

Alors, resteront les questions sociales et confessionnelles. D’abord, il faudra que les tensions s’apaisent entre les différents clans qui constituent le pays ; on sait que la guerre civile qui sévit dans le pays depuis la fin des années 1970 met aux prises les principaux clans que sont les Darod, les Dir, les Sab, les Hawiyé… Les affrontements ont assez duré entre ces communautés et le bilan en hommes est lourd de chaque côté. Il s’avère donc impératif dès à présent de recréer un sentiment national. Mais, en l’état actuel du pays, comment faire pour y parvenir ? Le départ des troupes étrangères, éthiopiens et américains en tête, semblent être un préalable incontournable. Il devrait s’accompagner d’une (re)normalisation des institutions et l’instauration de la démocratie. D’autre part, la pacification des relations avec les pays voisins, notamment l’Ethiopie, l’Erythrée et le Kenya, serait également importante dans cette optique. Enfin, le renflouement des caisses de l’Etat qui devra passer par la relance de l’économie nationale et sur la volonté des bailleurs de fonds d’aider la Somalie à se remettre debout. Tout un programme en perspective, que la Résolution 1725 (http://www.ambafrance-dz.org/article.php3?id_article=1082) votée le 6 décembre 2006 à l’Onu ne pourra pas résoudre à elle toute seule.

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